Rechercher
Rechercher

Actualités

Spéculations à Beyrouth sur les visées américaines

Par à-coups, l’Amérique relance le Syria Accountability Act. L’objectif semble être d’accentuer la pression sur la Syrie, pour qu’elle satisfasse aux demandes US connues. Mais en tirant de la sorte sur la corde, Washington peut également vouloir donner à la voie diplomatique une nouvelle chance. Peut-être la dernière, avant de passer aux sanctions économiques.
Un diplomate libanais pense que si la Syrie continue à refuser le genre de coopération exigé par les USA, surtout en ce qui concerne la situation en Irak, le Congrès finira par voter le Syria Accountability Act. Mais, bien évidemment, l’Administration Bush resterait maîtresse de l’exécution, ou non, des dispositions de cette loi. Qu’elle laisserait sans doute suspendue, comme une épée de Damoclès, au-dessus de la tête du vis-à-vis syrien. Afin qu’il soit contraint de reprendre les négociations en position de faiblesse. La Syrie devrait alors fournir des réponses aux assertions de John Bolton. Ce secrétaire d’État adjoint (à la Limitation des armements et à la Sécurité internationale) a en effet soutenu devant le Congrès que la Syrie laisse filtrer en Irak un afflux d’équipements militaires et de volontaires multinationaux qui vont combattre les troupes US. Ce cadre a précisé que l’Administration Bush, en cas de vote du Syria Accountability Act, laissera quand même à la Syrie un délai de grâce avant de passer à l’exécution.
Au stade actuel, c’est un oui mais (en réalité, un mais plus marqué que le oui), qu’exprime la Syrie, par la bouche de Farouk el-Chareh, aux demandes US. Le ministre souligne en effet que la réponse serait positive par rapport à des exigences « réalistes et admissibles ». Il ajoute que la Syrie est prête au dialogue.
En face, Colin Powell a récemment haussé le ton. Visitant le Koweït, il a déclaré que son pays attend plus de coopération syrienne. Le secrétaire d’État a indiqué que si Damas veut vraiment entretenir de bonnes relations avec Washington, il lui faut tout d’abord fermer hermétiquement sa frontière devant les éléments qui la traversent pour provoquer des troubles en Irak. Powell a encore indiqué que les Syriens doivent fournir les documents comptables concernant les dépôts effectués par les saddamiens dans les banques syriennes. Il a conclu par une menace à peine voilée. En rappelant qu’il avait signifié au chef de l’État syrien la vive inquiétude du Congrès par rapport à la ligne syrienne, le Capitole devant voter le Syria Accountability Act si la Syrie ne coopérait pas davantage.
Donc à ce défi, Chareh a répondu sur un ton calme, mesuré. Diplomatique. Par contre, Abdel-Halim Khaddam, connu pour son franc-parler, a tenu un langage nettement plus dur. En déclarant que « la Syrie subit des pressions depuis son indépendance. Ce n’est pas cela qui la fera dévier de sa ligne politique. Ces pressions ne servent à rien. »
Il reste qu’en pratique, rappelle la même source libanaise, les décisions du Congrès en matière de politique étrangère ne sont pas contraignantes. Ainsi, le Congrès avait voté le transfert de l’ambassade US en Israël de Tel-Aviv à Jérusalem. Résolution restée lettre morte, parce que dans ce domaine le dernier mot revient toujours à la Maison-Blanche. C’est le même cas de figure pour le Syria Accountability Act. En cas de vote, on peut gager qu’il y aurait d’abord un regain de tractations diplomatiques. Il n’est pas exclu, d’ailleurs, que cela soit déjà en train et que le texte soumis au Congrès soit encore une fois reporté.
Mais un diplomate occidental en poste à Beyrouth développe un tout autre canevas. À son avis, les USA souhaitent ne pas avoir à se servir de la Syrie. Donc, à ne plus avoir besoin de faire pression sur elle. Comment ? En réglant d’abord, par son internationalisation la question d’Irak. La résolution américaine déposée à l’Onu va dans ce sens. Et ni Chirac ni l’Europe n’auraient intérêt à la contrer. Car ce serait placer les USA, et l’Occident tout entier, devant le risque d’une confrontation, et d’un échec, face au terrorisme international qui se nourrit de la dégradation sur le sol irakien. Une fois que l’Onu aurait pratiquement pris en charge l’Irak, ajoute ce diplomate, les troupes de la coalition s’en retireraient progressivement. Pour être remplacées par des unités irakiennes et multinationales sous pavillon onusien. À ce moment, l’Amérique n’aurait plus à se soucier de sommer la Syrie de faire cesser les infiltrations transfrontalières d’éléments subversifs.
Quant au Hezbollah, indique cette source, les États-Unis encouragent manifestement Israël à procéder à un échange de prisonniers avec ce parti. Pour qu’ensuite, la trêve au Liban-Sud devienne pratiquement définitive. Il n’y aurait plus alors besoin de réclamer le désarmement du Hezbollah. Même chose sur le front palestinien, à partir de la formation d’un nouveau gouvernement palestinien qui rétablirait l’armistice rompu sous Abou Mazen.

Émile KHOURY
Par à-coups, l’Amérique relance le Syria Accountability Act. L’objectif semble être d’accentuer la pression sur la Syrie, pour qu’elle satisfasse aux demandes US connues. Mais en tirant de la sorte sur la corde, Washington peut également vouloir donner à la voie diplomatique une nouvelle chance. Peut-être la dernière, avant de passer aux sanctions économiques.Un...