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The Sound of Music*, ou la symphonie (politique) inachevée

Variations rapides sur un triple thème audiovisuel grand public : la musique, le cinéma… et notre scintillante politique locale :
C) – Bien avant Karajan, qui a beaucoup fait pour élargir le marché de la grande musique, le cinéma a permis, à côté mais encore plus que la radio, la vulgarisation du répertoire classique. En touchant même les couches montantes, grâce à des dessins animés comme la série des Tom et Jerry ou Fantasia de Walt Disney. Le grand écran a délivré en cascade des biographies romancées, illustrées de morceaux choisis de grands musiciens, compositeurs ou interprètes. On peut citer la vie pathétique, de Schumann, les affres de Beethoven, l’Amadeus de Forman, Farinelli, Caruso incarné par Mario Lanza, Paganini joué (façon de dire) par Stewart Granger. Les regards portés sur des artistes de jazz ou de variétés comme Glenn Miller, Eddy Duchin, Charlie Parker (Birdie, d’Eastwodd) n’ont fait qu’attiser la curiosité des spectateurs pour le son de qualité. Et l’on a pu voir de la sorte Benny Goodman, fameux clarinettiste et arrangeur de jazz, démontrer, bec aux lèvres (et pas bec de lièvre) que tout commence et tout finit avec la Flûte enchantée de Mozart. Côté opéras, les œuvres filmées ne se comptent pas : la Traviata, la Tosca, Madame Butterfly, Othello. Et l’inévitable, l’inusable Carmen qui a donné lieu à d’innombrables adaptations genre Sarazate, noires comme Carmen Jones de Preminger ou flamencas comme la Carmen de Saura.
Q) – Mais le mariage musique-cinéma prend tout son sens dans les compositions destinées à enrichir, à renforcer le choc ou l’émotion des images. Pas de thriller, pas d’angoisse sans des stridences bien étudiées, genre Psycho scène de la douche, ou des roulements percussionnés d’orages. Beaucoup de films sont totalement indissociables, dans la mémoire collective, des airs lancinants qui les illustrent : Killing Fields, Mission, Christophe Colomb, Apocalypse Now (la chevauchée des Walkyries), le Pont de la rivière Kwaï (colonel Bogey March), High Noon, Godfather, Zorba le Grec (le sirtaki) et même le sirop de Love Story ou des Parapluies de Cherbourg.
F) – Dès les premiers âges, le cinéma a donc recruté, à prix d’or, des professionnels. Dont bon nombre sont devenus des vedettes à part entière. Comme Victor Young, Dimitri Tiomkin, Cole Porter, Georges Delerue, Maurice Jarre, Michel Legrand, Joseph et Vladimir Kosma, Henri Mancini. Et Ennio Morricone, sans doute le plus apprécié. Ces artistes, comme le montre notamment le cas de Vangelis, sont finalement des compositeurs détournés de la grande musique.
Sinon du classique pur, qui, selon une théorie expliquée par notre collègue et néanmoins ami Élie Fayad, se serait arrêté à Beethov avec une rallonge osée par Brahms.
D) – Le 7e Art est finalement un ogre, qui phagocyte les moyens d’expression artistique, comme le prouve le fameux docu sur Picasso brossant un tableau et montant des sculptures, des structures animées. Là comme ailleurs ; l’intention semble bonne : vulgariser, tirer le grand public vers le beau. Mais, en définitive, c’est l’esprit commercial qui finit toujours par l’emporter. Parce que selon le mot fameux de Malraux concluant un essai transcendant « cela étant, le cinéma est une industrie …» Qui recycle et embrigade le chant de l’homme doué. Faut-il regretter cette captation de talents ? Sans doute un peu. Parce qu’à part quelques rares spécimens, dont Chostakovitch, Boulez et Messiaen (qui a d’ailleurs illustré un fabuleux Procès de Jeanne d’Arc, à l’instar de Prokofiev utilisé par Eisenstein), la grande musique n’a plus de bras. Et se meurt. Tuée par le rythme, dixit J-P. G-P. Et, subséquemment, par une formation artistique ou technique modifiée.
CQFD) – Ce qui nous amène, vertigineux raccord musical en point d’orgue, à nos musiciens en Chambre du cru. Ils font leurs gammes dans un conservatoire inapproprié : le clan familial. Sur des instruments d’appoint et non de base. C’est-à-dire qu’on les prédestine, dès leur bas âge, pour recueillir un héritage ou inaugurer une dynastie, à des métiers qui peuvent leur servir de tremplin pour devenir populaires, éligibles : avocat, homme d’affaires, médecin. Ils entrent en politique comme dans une entreprise, sans en connaître que les peu reluisantes traditions levantines. En y rajoutant, depuis l’avènement de la télé-reine, quelques trucs faciles de communication-image. Pour tout dire, rien ne les prédispose à acquérir le sens de l’État, car il n’y a pas, chez nous, d’institut spécialisé à hauteur de l’Ena en France. Quant aux sciences politiques, elles offrent paradoxalement peu de débouchés, et peu de travaux pratiques, sur la représentation parlementaire ou l’action partisane qui sont au cœur de notre vie politique. Les sciences po se retrouvent le plus souvent fonctionnaires, diplomates, enseignants, chercheurs, conférenciers. Pas de quoi rééquilibrer le balancier. Pour introduire dans la salle de concerts place de l’Étoile sinon du génie. Du moins un peu d’harmonie.
Jean ISSA
*De Robert Wise, 1965, avec Julie Andrews. Qui devint star avec ce musical. Prenant ainsi une juste revanche après le détournement de son rôle d’Eliza dans My Fair Lady, au profit de la gracieuse Audrey Hepburn aux cheveux auburn.
Variations rapides sur un triple thème audiovisuel grand public : la musique, le cinéma… et notre scintillante politique locale :C) – Bien avant Karajan, qui a beaucoup fait pour élargir le marché de la grande musique, le cinéma a permis, à côté mais encore plus que la radio, la vulgarisation du répertoire classique. En touchant même les couches montantes, grâce à des...