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INTERVIEW - Certaines parties ont exploité au maximum l’incident de Bteghrine pour tenter de se débarrasser de leurs rivaux Émile Lahoud : Une loi électorale unifiée, et que les chrétiens du Mont-Liban soient traités comme les autres Libanais (photo)

Entre son président de père, son ministre de beau-frère et le chef du bloc parlementaire dont il est membre auquel il est lié par alliance, Émile Émile Lahoud fait un dur apprentissage de la politique. Les campagnes contre ses proches se succèdent, surtout à l’approche des échéances électorales. Mais avec beaucoup de bon sens et de sang-froid, le jeune homme fait face. Il commente, explique et prend position, avec pour principale ligne directrice la loyauté. Envers son camp et les idées qu’il défend, mais aussi envers les jeunes auxquels il veut tenter de redonner confiance dans leur pays.
L’incident de Bteghrine est sans doute déjà dépassé, mais ses conséquences sur la scène politique continuent à mobiliser les analystes. Pense-t-il, comme la plupart des observateurs, qu’il a bouleversé les rapports de force, en faveur de Kornet Chehwane, aux dépens de son propre camp ?
« Un incident de ce genre peut malheureusement se produire dans n’importe quel pays et il y en a déjà eu au Liban, avec des politiciens ou des citoyens anonymes. Nous avions en tout cas condamné cet incident dès qu’il a eu lieu, en réclamant qu’il soit traité dans le cadre légal naturel. Mais certains ont préféré le transformer en carnaval politique et ont voulu l’exploiter au maximum, considérant que c’est l’occasion rêvée pour se débarrasser de tous leurs rivaux politiques. Ils ont donc essayé de montrer aux gens que certaines parties avaient couvert l’incident ou en avaient été les instigatrices, devançant ainsi l’enquête judiciaire. Aujourd’hui, les choses sont toutefois claires : il y a eu un problème, il a été traité de façon légale et les choses sont replacées dans leur contexte véritable. Je m’étonne des tentatives de certaines parties au sein du pouvoir ou dans l’opposition de vouloir prétendre que la démocratie et les libertés sont en danger. Pourquoi celles-ci seraient-elles menacées lorsqu’un incident se déroule au Metn et lorsqu’il y a des morts et des blessés dans d’autres régions du Liban, aucun politicien ne s’en émeut ? Il faut cesser de distraire les gens de leur véritable souci : la crise économique. Un conflit entre deux frères ne peut être leur problème majeur et encore moins le fait de s’introduire dans un même camp pour y semer la zizanie. »
Pense-t-il que l’élection présidentielle a influé sur les prises de position de certains politiciens dans la foulée de l’incident de Bteghrine ?
« Naturellement. De plus en plus de membres de l’opposition en sont désormais convaincus. Ils ont constaté, comme nous l’avons fait, qu’il y avait une exploitation maximale de la situation pour des intérêts politiques et personnels. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle certains membres de l’opposition ne se sont pas rendus à certaines conférences de presse de leurs alliés politiques. Par contre, la position sage du patriarche maronite, Mgr Sfeir, a montré à tout le monde qu’un conflit entre deux frères ne doit pas être exploité et transformé en grande affaire. À mon avis, certaines figures de l’opposition devraient œuvrer à rapprocher les points de vue, au lieu de jeter de l’huile sur le feu et d’aiguiser les conflits familiaux. »
Il critique en filigrane le député Nassib Lahoud, mais ce dernier a eu une réaction très positive à l’égard du président syrien Bachar el-Assad et des propos qui lui ont été attribués sur la situation interne au Liban. N’y aurait-il pas là une possibilité de rapprochement ?
« Nous sommes heureux de tout signe d’ouverture et nous souhaitons que les questions soient placées dans leur contexte véritable. Il est certain que j’accueille favorablement la position positive de Kornet Chehwane, ou de certains de ses membres, au sujet de l’intérêt que portent les Syriens à la situation libanaise. Mais je souhaiterais que cette attitude s’étende à l’ensemble du rôle syrien au Liban, au lieu de rester limitée aux questions qui les concernent personnellement. En tout cas, le chemin de la compréhension et de la coopération avec la Syrie a été tracé par le patriarche maronite il y a quelque temps déjà. Sa sagesse et sa vision claire des choses sont une des principales garanties pour les Libanais. C’est d’ailleurs cette position modérée du cardinal Sfeir qui a poussé certains politiciens, montés contre la Syrie, à revoir leurs calculs »
La prochaine loi électorale sera-t-elle, comme c’est devenu la coutume, taillée à la mesure de Walid Joumblatt et de Michel Murr ?
« Depuis l’accord de Taëf, les lois électorales ont été taillées à la mesure de la classe politique en général. J’ai réclamé et je réclame toujours une loi électorale unifiée pour l’ensemble du pays : si le caza est considéré comme une circonscription, que cela soit le cas dans toutes les régions. On veut toujours faire assumer au Mont-Liban la responsabilité du découpage inégal, alors que c’est le cas dans la plupart des circonscriptions, puisque de nombreuses parties participent à l’élaboration de la loi. Qu’on cesse donc de faire croire aux chrétiens du Mont-Liban qu’ils bénéficient d’un traitement spécial. Ils veulent être traités comme tous les autres citoyens. »
Les divergences entre les responsables se poursuivent, malgré les tentatives de calmer le jeu. Jusqu’à quand les citoyens continueront-ils à payer pour des conflits personnels ?
« Ce sont des propos que j’entends toujours, mais que je ne comprends pas. Qui a dit que les divergences portent sur des questions secondaires ou personnelles ? Elles portent, au contraire, sur des questions de fond essentielles, qui concernent les citoyens et la patrie en général. C’est du moins ainsi que nous voyons les choses. Je ne peux pas répondre pour les autres. »
La situation va-t-elle rester ainsi tout au long de l’année qui vient, avec une possibilité d’explosion à chaque séance du Conseil des ministres ?
« Je considère que le Conseil des ministres remplit pleinement son rôle et qu’il est productif. Ce qui n’était pas le cas auparavant. Il y a des divergences et des débats. C’est normal. Mais en définitive, des décisions importantes sont prises, généralement de façon consensuelle. C’est cela qu’il faut voir et non pas juger un Conseil des ministres sur base des relations personnelles entre ses membres. »
Lors de votre élection au Parlement, vous aviez déclaré que vous comptiez représenter les jeunes. Or, ceux-ci sont de plus en plus nombreux à considérer qu’ils n’ont pas d’avenir au Liban. Que pouvez-vous faire pour leur redonner un peu de confiance ?
« Malheureusement, la plus grande partie de la classe politique n’accorde pas d’importance aux jeunes, ne se soucie pas de leurs problèmes et traite avec légèreté leur émigration massive. Cela rejaillit sur toutes les questions qui les concernent, comme le projet de fixer le droit de vote à 18 ans au lieu de 21. Bien qu’il ait été signé par cent députés, le projet est sans cesse reporté, sans raison officielle. Je crois que beaucoup de politiciens ont peur des réactions des jeunes et de leurs opinions. Il est vrai que, de leur côté, les hommes politiques ne leur donnent pas une image reluisante de l’action politique, faisant croire aux jeunes que celle-ci consiste à provoquer des conflits, à aiguiser les haines personnelles, au lieu de consister à œuvrer dans l’intérêt général. Travaillons tous ensemble à élaborer un plan pour intégrer les jeunes et les garder au sein du pays. Ce plan devrait commencer à l’école et se poursuivre à l’université et au moment de leur arrivée sur le marché de l’emploi. Nous devons les aider à assurer leur avenir et par là même, l’avenir du pays. C’est un grand chantier qui doit mobiliser la classe politique et les composantes de la société civile. »
Scarlett HADDAD
Entre son président de père, son ministre de beau-frère et le chef du bloc parlementaire dont il est membre auquel il est lié par alliance, Émile Émile Lahoud fait un dur apprentissage de la politique. Les campagnes contre ses proches se succèdent, surtout à l’approche des échéances électorales. Mais avec beaucoup de bon sens et de sang-froid, le jeune homme fait face. Il...