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Édition - Numéro spécial de « Proche-Orient Chrétien » consacré à l’auteur de « l’Église des Arabes » Le père Jean Corbon plus actuel que jamais(photo)

Il était grand parce qu’il savait parler sans blesser. La revue trimestrielle Proche-Orient Chrétien (POC) publie un numéro spécial (tome 52) consacré au prêtre français Jean Corbon, l’une des figures ecclésiastiques les plus attachantes du paysage religieux libanais de la seconde moitié du XXe siècle. La revue reproduit les textes d’un colloque spécial consacré au père Corbon, à l’Université Saint-Esprit de Kaslik, un an après sa disparition tragique. Elle donne la mesure d’un homme dont l’œuvre maîtresse, L’Église des Arabes, publiée voici trente ans, préfigurait tout le chemin que devait accomplir, au cours des trois décennies qui ont suivi, les Églises catholiques du Liban, pour rejoindre leurs destinées et s’identifier à la vocation que l’histoire avait choisie pour eux.
Né à Paris le 29 décembre 1924, Jean Corbon, élève brillant, décide très jeune d’entrer dans la Société missionnaires d’Afrique, les « Pères blancs ». Mobilisé par les alliés, en 1943, il participe à la campagne d’Italie. Ordonné en 1951, il se rend en 1955 en Égypte pour un stage ches les dominicains. En 1956, en vacances d’été au Liban, il est victime d’un grave accident de moto sur la route du petit séminaire de l’Église grecque-catholique, à Rayack. Son séjour prolongé au Liban lui permet de saisir le rôle vital que peut jouer ce pays dans les relations œcuméniques et le dialogue islamo-chrétien. Il découvre ainsi sa vocation orientale définitive. À la suite d’une série de décisions et de révisions de vie, il rejoindra l’Église grecque-catholique et s’installera au Liban, où il se consacre notamment à la formation du clergé. Par une de ces ironies du sort dont sont tissées parfois les vies, le père Corbon décédera tragiquement à Beyrouth, au volant de sa voiture, le dimanche 25 février 2001.
La revue reproduit les textes du colloque, répartis en quatre grandes séances : témoignage de vie, réflexion sur L’Église des Arabes, le maître ouvrage du père Corbon, l’unité et la diversité et l’œucuménisme spirituel. Les deux dernières parties parlent de l’œcuménisme qui, avec le dialogue interreligieux, a occupé la plus grande partie de la vie du père Corbon.
La partie biographique du colloque aurait gagné à être plus étoffée. Heureusement, le témoignage de Mgr Georges Khodr, évêque grec-orthodoxe du Mont-Liban, compense ce manque par sa sensibilité et sa beauté. « Le grand héritage reçu par ceux qui gardent vivante en eux la mémoire de Jean Corbon est, au-delà de toute la littérature qu’il a laissée, qu’il fut doux et humble de cœur dans une transparence qui pour moi était tout spécialement féérique. L’absence totale du moi haïssable, de la colère, de la vanité académique, de l’esprit sectaire dans une pureté exaltante a montré que le Christ était pour lui la seule réalité prenante », écrit en particulier Mgr Georges Khodr.

Quoi de plus banal...
À l’ouvrage L’Église des Arabes, qui résume en un sens la vie du père Corbon et préfigure le synode pour le Liban, est consacrée pour la deuxième séance du colloque. « Quoi de plus banal aujourd’hui que de lire un titre ainsi formulé, écrit l’archevêque Boulos Matar, dans un mot d’ouverture. Mais il y a 25 ans, il était jeté comme un pavé dans la mare. L’Occident en général n’était pas encore capable de le comprendre, car il continuait de vivre sous l’influence des impérialismes, et d’une relation primaire des relations entre christianisme et islam. Quant à l’Orient, il acceptait avec difficulté une telle formulation. C’est à peine s’il pouvait accepter des titres comme L’Église dans le monde arabe ou L’Église avec les Arabes (...). Imaginons le chemin parcouru ! »
L’ouvrage est ensuite commenté par Tarek Mitri, un laïc grec-orthodoxe, et le père Samir Khalil, un jésuite qui préside aux destinées du Cedrac, le Centre de documentation et de recherches arabes chrétiennes de l’USJ.
Voilà ce qu’en dit en particulier Tarek Mitri, coordinateur du bureau des relations interreligieuses au Conseil œcuménique des Églises (COE) à Genève : « (...) Dans la logique de L’Église des Arabes, la vocation de témoignage est appelée à corriger le souci de survie. Ainsi, les chrétiens sont appelés, au-delà du narcissisme communautaire qu’analyse Jean Corbon sans trop le condamner, à s’opposer à l’oppression de la majorité et de la minorité, menacées ensemble et non seulement en parallèle. Moins alarmistes face à l’islamisme, conscients des limites de son projet mais sensibles à son appel et à sa résonnance – dans la mesure où il se veut une dénonciation d’injustices réelles et un appel au ressourcement contre la banalisation croissante de la vie –, les chrétiens chercheraient un authentique dialogue de la citoyenneté et une vraie ouverture au bien commun. »

Un témoignage accablant
Pour la contribution du père Corbon au dialogue œcuménique, « non seulement le Liban et le Proche-Orient, mais l’Église entière est redevable au père Corbon », écrit l’archevêque de Vienne, le cardinal Christoph Schönborn.
La synthèse d’un demi-siècle de dialogue œcuménique est faite par le père Frans Bouwen, membre de la Société des missionnaires d’Afrique, les « Pères blancs », exerce son ministère à Jérusalem depuis une trentaine d’années. Le père Bouwen est directeur de Proche-Orient Chrétien. Son exposé est accablant, pour les Églises engagées dans le dialogue. On y voit aussi clairement que le jour que la théologie est en avance sur les institutions, et que ces dernières subsistent, même quand il n’y a plus aucune raison théologique qu’elles demeurent séparées. Ainsi, dans le cas de l’Église grecque-orthodoxe et des Églises orientales orthodoxes de tradition non chalcédonienne (arménienne, copte, éthiopienne, syriaque).
« Pourquoi continuer à œuvrer, à se fatiguer, à prier pour l’unité, si nos Églises de toute façon n’ont pas le courage ou la volonté d’aller de l’avant ? Nous n’avons pas le droit d’écarter à la légère de telles questions », commente le père Bouwen.
Pour sa part, le cardinal Shönborn nous fait découvrir une facette inconnue et fascinante de la personnalité du P. Corbon Théologien dominicain, le cardinal Schönborn a été le maître d’œuvre du catéchisme de l’Église catholique, et le père Corbon était l’un de ses collaborateurs. À ce dernier est revenu « par je ne sais quel aléa de la Providence » dit Schönborn, le privilège de donner une dimension orientale à la réflexion théologique contenue dans le catéchisme. Il y a commenté notamment le Notre-Père. Le père Corbon contribua également aux articles du cathéchisme sur les sacrements. On lui demanda aussi, à la toute dernière minute, un petit texte sur les funérailles. Il y écrivit en mots de lumière : « Le chrétien qui meurt dans le Christ Jésus quitte ce corps pour aller demeurer dans le Seigneur (...). Le jour de la mort inaugure pour le chrétien, au terme de sa vie sacramentelle, l’achèvement de sa nouvelle naissance commencée au baptème (...). L’Église qui, comme Mère, a porté sacramentellement en son sein le chrétien durant son pèlerinage terrestre, l’accompagne au terme de son cheminement pour le remettre entre les mains du Père. » Où se trouve aujourd’hui un homme qui fut « modeste jusqu’à l’effacement », pour citer Mgr Joseph Kallas, archevêque grec-catholique de Beyrouth, au cours de la messe de clôture du colloque.
On doit au père Corbon les textes de nombreux articles et homélies, ainsi que des notes personnelles et une correspondance familiale. Ces écrits feront l’objet de quatre tomes séparés, dont le premier, un recueil d’homélies, devrait paraître à l’automne ou au cours de l’hiver 2003-2004.

Fady NOUN
Il était grand parce qu’il savait parler sans blesser. La revue trimestrielle Proche-Orient Chrétien (POC) publie un numéro spécial (tome 52) consacré au prêtre français Jean Corbon, l’une des figures ecclésiastiques les plus attachantes du paysage religieux libanais de la seconde moitié du XXe siècle. La revue reproduit les textes d’un colloque spécial consacré au...