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Interview - « Michel Murr nous a offert un cadeau royal », affirme le chef du PNL Dory Chamoun : « Aucun changement n’est possible à l’ombre de la mainmise syrienne »(photo)


Lundi dernier, Michel Murr a fait son éloge, en le qualifiant de « fils d’une grande famille politique », de « personne sensée », pour mieux s’en prendre à ses alliés du Rassemblement de Kornet Chehwane, notamment Nassib Lahoud et Gabriel Murr. L’éloge a laissé Dory Chamoun de marbre. Inutile de dire que les propos de l’ancien ministre de l’Intérieur pèsent bien peu au regard des convictions du chef du Parti national libéral (PNL), qui rêve de voir toute cette « classe politique déficitaire » au pouvoir prendre enfin le large, pour de bon.
Interrogé sur les responsables de l’incident de Bteghrine, samedi dernier, M. Chamoun, qui n’a pas l’habitude de mâcher ses mots, dénonce « le comportement féodal de M. Murr, qui transgresse toutes les lois et toutes les coutumes libanaises ». « Le président de la République assume la responsabilité de tout ce qui se produit dans le pays. D’ailleurs, les responsables de l’agression sont des personnes très proches du président Lahoud. Il y est donc mêlé, d’une manière ou d’une autre », dit-il.
« Michel Murr n’a trouvé rien de mieux, au cours de sa conférence de presse, que d’utiliser un mot que j’avais dit à Dimane. À Bteghrine, j’étais loin de l’emplacement où les coups de feu ont été tirés. Et j’ai quitté le village par la route de Baskinta, sans être au courant des détails de l’agression. Lorsque je suis arrivé à Dimane, chez le patriarche maronite, je ne savais pas encore que l’incident avait pris de l’ampleur, que des députés avaient été agressés », raconte-t-il. « Une voiture conduite par des voyous est venue se garer devant la mienne. Mais il y avait des citoyens de Bteghrine tout autour de moi, et la voiture s’en est allée. Sinon, j’aurais peut-être subi le même sort que Nassib Lahoud », affirme Dory Chamoun.
Le ministre Élias Murr doit-il démissionner, à la suite de cette affaire ? « C’est tout le gouvernement qui doit démissionner. Trop de bévues ont déjà été commises. Mais nous savons que personne ne s’en ira tant que les Syriens sont au Liban. Quoi qu’il en soit, Michel Murr nous a offert un cadeau royal et nous allons essayer d’en profiter au maximum : ce qui s’est produit à Bteghrine est inacceptable, et cela peut se reproduire demain n’importe où au Liban. Il est nécessaire d’en finir avec ce système de “zaïms” ! » répond-il.

L’audace de dire « non »
Croit-il à l’émergence d’un front d’opposition national et pluriel ?
« La détérioration de la situation à tous les niveaux mobilise contre elle tous les mécontents, c’est-à-dire 99 % de la population. Il est nécessaire qu’un changement se produise. Nous voulons un gouvernement responsable, qui puisse rendre des comptes aux Libanais. Actuellement, nos gouvernants se moquent de l’opinion publique. Ils ne rendent de comptes qu’aux Syriens. Si ces derniers sont contents, nos dirigeants peuvent poursuivre leurs combines en paix. Mais la population tout entière aspire au changement. Et tout le monde sait – il y en a qui ont l’audace de le dire, d’autres non – qu’aucun changement politique n’est possible dans le pays à l’ombre de la mainmise syrienne. La Syrie a toujours caressé le rêve d’absorber le Liban. Par ailleurs, le régime syrien est en train de profiter économiquement et financièrement de cette mainmise. Si l’on veut que la Syrie mette fin à ses ingérences, il faut retourner à la source, c’est-à-dire aux Américains, qui ont permis l’établissement du mandat syrien sur le Liban. »
M. Chamoun reste d’ailleurs circonspect concernant les derniers replis des forces syriennes : « Nous avons déjà vu plusieurs manœuvres de ce genre, qui n’ont pas abouti au but souhaité : le retrait total et immédiat de ces troupes. » Croit-il aux rumeurs qui font état d’un départ imminent de cette armée ? « Elle va être obligée de se retirer. Toutes ces déclarations des responsables américains, du président Bush à Colin Powell, condamnant la Syrie, ne sont pas vaines. Tout cela va aboutir au retrait syrien, militaire et politique du Liban. Je ne vois pas comment interpréter ces déclarations autrement. »
Selon le chef du PNL, le retrait syrien est lié aux aléas de la politique régionale US, laquelle « veut à tout prix essayer d’instaurer la démocratie dans les pays arabes ». « Si les Américains veulent démocratiser la Syrie, cela implique un changement radical à Damas, qui va se traduire illico à Beyrouth par une levée de la mainmise dictatoriale sur le seul régime arabe ex-démocratique. Une démocratie qu’il faudra faire renaître, après ces dix dernières années de “dé-démocratisation” », ajoute-t-il.

Les cadeaux du pouvoir...
Selon Dory Chamoun, « il faut obliger les dirigeants actuels à former un gouvernement d’union nationale transitoire, qui élaborera une loi électorale représentative et équitable, et fondée sur la petite circonscription ». « Il faut par ailleurs amender la Constitution : un être à trois têtes ne peut pas survivre. Taëf a fait du pouvoir un monstre. La formule actuelle ne fonctionne plus », dit-il, en plaidant en faveur d’une décentralisation à outrance pour donner à chaque région une autonomie suffisante. « Le jour où les dirigeants n’auront plus le soutien de la Syrie, sur qui se baseront-ils ? L’assise populaire qui leur fait défaut ou celle qui s’évanouira avec l’influence de Damas ? » s’interroge-t-il.
Le chef du PNL ne s’est jamais privé de protester contre l’hégémonie syrienne. Dans ce cadre, il rappelle que « la MTV a été victime des résultats de la partielle du Metn, une déroute pour la Syrie et ses acolytes ». « Ce qui est pénible dans toute cette affaire, c’est que le Conseil constitutionnel a été obligé d’aller chercher une jurisprudence du temps de Vichy pour nous rappeler que le Liban grouille de vichystes », dit-il. Et de revenir à la charge, en réponse à une question sur l’initiative Haoui d’un Congrès d’union nationale : « Nous avons essayé de dialoguer avec le président Lahoud. Mais tant que la Syrie presse les boutons, elle n’admettra pas qu’il y ait une entente nationale au Liban. Damas veut diviser pour régner, aux antipodes de l’entente nationale. »
Mais ne craint-il pas cette phase « d’attentisme » régionale dans laquelle l’opposition locale risque de se retrouver figée ? « Non. Et pour cause : les gens du pouvoir font le travail pour nous, en accumulant les sottises : mauvaises décisions, querelles intestines rendues publiques, scandales style al-Madina, qui mêlent beaucoup de personnalités libanaises et non libanaises... » Dory Chamoun multiplie les exemples à l’infini : « Tous les jours, nous recevons un petit cadeau du pouvoir. Malheureusement, la situation ne rentrera dans l’ordre que lorsque le chaos sera total et que les prédictions que nous faisons depuis des années se seront réalisées. C’est alors que les citoyens finiront par ne plus accepter la ruine du pays. »
Et Walid Joumblatt, retournera-t-il au sein de l’opposition ? « Bien sûr. Il y aura de nouvelles élections. Son rapprochement en 2000 était motivé par des intérêts électoraux. Et dès qu’il a eu ce qu’il voulait, il s’est permis d’être plus souple sur certaines idées qu’on avait discutées ensemble. »
Dory Chamoun affirme enfin que le PNL participera aux législatives de 2005... à deux conditions : « Retrait syrien total et élaboration d’une loi électorale équitable et démocratique, qui ne produise pas un Parlement d’obédience syrienne. »
Il reste que le Liban souffre d’un grand mal, selon le chef du PNL : « Le brouillard au niveau des concepts », tels que la nation ou la souveraineté. « Qu’est-ce que la nation libanaise ? Le Liban est-il un subterfuge, un pis-aller ? S’il faut élaborer un nouveau pacte, il doit tourner autour du concept de la nation libanaise. »

Michel HAJJI GEORGIOU
Lundi dernier, Michel Murr a fait son éloge, en le qualifiant de « fils d’une grande famille politique », de « personne sensée », pour mieux s’en prendre à ses alliés du Rassemblement de Kornet Chehwane, notamment Nassib Lahoud et Gabriel Murr. L’éloge a laissé Dory Chamoun de marbre. Inutile de dire que les propos de l’ancien ministre de l’Intérieur pèsent bien...