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JEUNESSE - Campagnes pour la protection de l’environnement, de la livre libanaise et de la main-d’œuvre locale Des universitaires dans la rue au nom de la solidarité sociale (photos)

Les automobilistes libanais, habitués depuis plusieurs années déjà à la présence de marchands ambulants étrangers (en général syriens) sur les intersections majeures du pays, leur proposant tout et n’importe quoi, ont certainement dû remarquer un changement dans le paysage dernièrement. De jeunes universitaires libanais, en T-shirt blanc avec ou sans l’inscription « al-Chabab al-Loubnani » (la « jeunesse libanaise »), mènent campagne pour la protection de l’environnement, de la livre libanaise ou de la main-d’œuvre locale. D’autres encore vendent des marchandises à bas prix aux passants, histoire de se faire un argent de poche. Sans arrière-pensées politiques, affirment-ils.
Au croisement de Tabaris (Achrafié), en plein midi, un automobiliste baisse la fenêtre de sa voiture pour obtenir de Naji, un participant à la campagne en faveur de l’utilisation de la livre libanaise, les informations concernant cette action... mais refuse de verser une contribution. Interrogé sur la raison de ce refus, il déclare « encourager les jeunes Libanais, mais la politique de ce gouvernement nous a totalement dépouillés ». Une dame qui s’est montrée plus généreuse précise : « Ce sont nos jeunes, comment ne pas les aider ? »
Exposés à un éventail assez vaste de réactions de la part du public, allant de la franche désapprobation au soutien inconditionnel, plusieurs jeunes, tous universitaires ou dans le cycle secondaire, se sont rassemblés en certains points de la ville pour proposer aux passants des sacs en papier pour les ordures et des déodorants pour voiture en forme de livre libanaise. Certains, rencontrés sur place, nous ont livré leurs impressions : Chaden Maalouf, 19 ans, deuxième année de psychologie, a rejoint le groupe avec une amie, qui n’a pas voulu être nommée, après avoir lu une annonce dans le journal. Charbel Waked est en troisième année d’études hôtelières, Naji Mehanna, 20 ans, fait des études de marketing, Hassan Salloum, 21 ans, est un étudiant en informatique. La plupart cherchent à se faire un argent de poche, excepté Naji qui a considéré cette activité estivale comme un stage à effectuer dans le cadre de ses études.
Ces jeunes ont tous été recrutés par une société privée de marketing appelée « Market Leaders », qui s’est reconvertie dans l’emploi des jeunes. « Comme plusieurs universitaires ont frappé à notre porte pour trouver du travail temporaire sans que nous ayons la possibilité de les embaucher, nous avons eu l’idée de lancer cette initiative qui s’est avérée être un succès », explique Tony Bzemmar, responsable du projet. Lui-même est un universitaire en dernière année d’études, et déclare que sa principale motivation est sa « capacité à comprendre les difficultés vécues par les jeunes ».
M. Bzemmar raconte que son réseau de jeunes n’a rien à voir avec un quelconque courant politique, notamment celui des aounistes qui se livrent eux aussi à de telles activités pour concurrencer la main-d’œuvre syrienne. « Au début, les jeunes ont eu des problèmes avec les gendarmes qui les ont souvent interpellés pour interrogatoire », dit-il. « Mais ils ont fini par comprendre que notre activité est apolitique et placée sous le signe de la solidarité sociale. Et si cette campagne n’est pas simplement dirigée contre la main-d’œuvre étrangère, syrienne, notamment, l’idée que nous voulons prouver est la suivante : si les Libanais acceptent de travailler en masse et à des prix plus bas, l’étranger n’aura plus qu’à s’en aller chez lui. » Les jeunes sont-ils entrés en conflit avec des vendeurs étrangers ? « Justement, ils se trouvent dans la rue par groupes d’une dizaine », répond-il. « En général, ce sont les autres vendeurs qui désertent les lieux. »

Un argent de poche
À Tabaris, la présence d’un groupe d’universitaires n’a pas effarouché des enfants qui font la manche. Par contre, la relation avec les gendarmes n’est pas idyllique. Les jeunes nous affirment en chœur qu’un adjudant-chef les empêche de rester dans la rue après 13h30. « Au début, on m’a même emmené pour interrogatoire, bien que je sois en possession d’une copie du permis de la société », assure Hassan.
À la question de savoir comment fonctionne la société, M. Bzemmar précise : « Nous fournissons la marchandise à bas prix, et demandons aux vendeurs de ne pas fixer une marge de bénéfices trop importante. Les jeunes gagnent entre 10 et 15 000 LL par jour, ce qui constitue pour eux un argent de poche qu’ils économisent du budget alloué par leurs parents. »
Mais la concurrence de la main-d’œuvre étrangère ne s’exerce pas dans ce seul domaine. « Nous pensons justement créer un bureau de recrutement gratuit qui s’appellera “ al-Amel al-Loubnani ”, ou l’ouvrier libanais », souligne-t-il. « L’hiver prochain, comme les élèves et les étudiants ne peuvent pas se consacrer au travail de vente dans la rue, nous allons lancer un guide de poche appelé al-Rached, auquel contribueront plusieurs jeunes. » En réponse à une question, M. Bzemmar déclare que faire des bénéfices avec ces projets n’est pas une priorité, « puisque nous avons d’autres sources de revenus ». Pour lui, « cette action n’est ni une prise de position politique ni une activité purement commerciale, mais une preuve de solidarité ». Il ajoute que, dans le cadre du projet, aucune discrimination sur base de la confession ou de l’appartenance politique n’est exercée.
La plupart des jeunes embauchés ont entre 18 et 20 ans. Durant l’été, quand ils étaient une soixantaine (leur nombre se réduit forcément avec la rentrée scolaire et universitaire), on a pu les voir, outre à Tabaris, à Hamra, au croisement de Chevrolet, au Musée, sur l’autoroute de Jdeidé et au rond-point Hayek. Un groupe se déplaçait dans la région de Jounieh et un autre faisait acte de présence sur les sites de divers festivals.

De l’encouragement
aux attitudes agressives
La réaction des passants s’est généralement avérée positive, selon M. Bzemmar, qui considère que « toutes les fois que le Libanais donne la priorité à l’ouvrier étranger, c’est pour une question de tarifs moins chers ». Sur ce point, les jeunes rencontrés sur le terrain ont un avis plus mitigé : les réactions auxquelles ils font face frisent parfois l’indifférence ou la franche hostilité. « Allez travailler ailleurs ! », ont-ils parfois entendu. Une grande partie des personnes abordées profitent de la courte conversation pour déverser tout leur fiel contre l’État, et les enjoignent d’aller manifester devant le Parlement. Mais il reste une bonne partie qui choisit d’encourager l’initiative, certains de manière répétée.
Le mouvement de solidarité sociale vise aussi, selon ses initiateurs, à pousser les universitaires à ne pas émigrer. Malheureusement, ce n’est pas du tout l’impression qu’on garde d’une conversation avec les jeunes, qui, sans exception, choisiraient le départ si on leur en donne la chance. L’un d’eux affirme même avoir déjà présenté ses papiers à l’ambassade canadienne.
Ils arborent un T-shirt avec une inscription désignant clairement leur nationalité libanaise. Ce n’est peut-être pas un militantisme politique à proprement parler, mais une prise de position quand même. L’intérêt de leur initiative est d’avoir lancé un caillou dans la mare. À méditer.
Les contributions variées
des hommes politiques

Parmi les automobilistes rencontrés par les participants à la campagne de la « Jeunesse libanaise », il y avait, fatalement, des hommes politiques, dont beaucoup d’élus. Comme pour les autres passants, leurs réactions étaient variées : certains n’ont même pas baissé la fenêtre de leur voiture, d’autres ont carrément envoyé leurs gardes du corps pour les éloigner. Mais certains ont été coopératifs comme, nous l’apprennent les jeunes, les députés Walid Joumblatt et Akram Chehayeb par exemple. Parmi les plus généreux, nous disent-ils, le ministre des Finances, Fouad Siniora...

Suzanne BAAKLINI
Les automobilistes libanais, habitués depuis plusieurs années déjà à la présence de marchands ambulants étrangers (en général syriens) sur les intersections majeures du pays, leur proposant tout et n’importe quoi, ont certainement dû remarquer un changement dans le paysage dernièrement. De jeunes universitaires libanais, en T-shirt blanc avec ou sans l’inscription «...