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baabda-aley Des enseignements multiples qu’on ne peut ignorer

La partielle dominicale a dégagé des données qui devraient alimenter nombre de calculs politiques. Que cela soit par rapport à la situation présente ou dans la perspective des prochaines échéances électorales. Comme nous l’avions souligné lors de la campagne préparatoire, le nombre comparatif des voix a été un enjeu de taille. Henri Hélou l’a emporté sur Hikmat Dib par moins de quatre mille suffrages, alors que, généralement, on prévoyait une différence supérieure à cinq mille bulletins. D’autant que l’un des principaux acteurs influents, Walid Joumblatt, s’était, le tout premier, mobilisé à fond pour Hélou. Qui bénéficiait en outre de l’appui de nombreux partis ou forces politiques actives. Mais le taux élevé d’abstentionnisme, avec une affluence qui avoisinait au mieux les 30 %, a influé sur les résultats relatifs.
Pour résumer succinctement la donne, on peut relever qu’une fois de plus, l’axiome de la « minorité agissante », qui parvient à avoir autant sinon plus, d’impact qu’une « majorité passive », a joué à fond. Les aounistes semblent avoir fait le plein, à ras bord même, tandis qu’en face, on restait plutôt à la maison. Une indifférence qu’expliquent plusieurs facteurs : l’enjeu n’en vaut pas la peine, l’élection de Hélou est assurée, alors pourquoi se déranger pour lui porter encore des voix, etc. Il y a eu sans doute aussi un réflexe de solidarité communautaire à ce que beaucoup, même parmi les partisans de Hélou, ont considéré comme des attaques inappropriées de Joumblatt (contre la mémoire de Béchir Gemayel, notamment). Mais si le soutien de ce dernier à Hélou a pu provoquer des abstentions, il a sans doute, en revanche, permis d’engranger nombre de villages. Il n’est d’ailleurs pas certain que le soutien de Nadim Gemayel à Dib n’ait pas eu les mêmes effets dans l’autre camp. En quelque sorte, radicalisme contre radicalisme (bien que Joumblatt prétendît défendre le modérantisme), et beaucoup de gens ont préféré ne pas mettre le doigt entre l’arbre et l’écorce. De plus, les musulmans ne se sont pas beaucoup sentis concernés. Et comme ils en ont un peu assez de s’entendre reprocher de fabriquer des députés chrétiens à leur guise, ils ont trouvé plus judicieux de ne pas s’en mêler.
Il reste que la bataille a mis en relief l’implication totale du courant aouniste au jeu politique local. Ce qui constitue un sujet d’étonnement pour beaucoup, dans la mesure où ce courant est opposé à Taëf et au système qu’il génère. Les aounistes ne pensent donc plus que le boycott est le meilleur moyen, ou au moins le plus direct, pour exprimer le rejet du pouvoir, tronqué et usurpé d’après eux à cause de la mainmise syrienne. Les aounistes veulent désormais jouer le jeu de la légalité en se soumettant à des conditions techniques imposées par le pouvoir qu’ils combattent, comme le choix du timing et du découpage électoral. Les autorités, en étalant leur neutralité, ont sans doute voulu favoriser la tendance opposante à la participation. Le calcul à ce propos paraît aussi identique que contraire : les aounistes (et d’autres radicaux) estiment qu’ils peuvent peut-être plus facilement changer les choses de l’intérieur ; et les loyalistes pensent qu’en attirant les ultras du camp d’en face, en leur laissant miroiter la possibilité d’avoir des députés, ils peuvent plus aisément les contrôler. On verra ce qu’il en est au juste durant les législatives générales de 2005. En tout cas, si on en reste au scrutin de dimanche, les aounistes ont fait la preuve qu’ils sont présents, et bien présents, sur la scène politique à l’Est. Ils peuvent espérer dès lors être sollicités dans deux ans pour des alliances dans diverses régions. Ils ont de plus démontré, chiffres à l’appui, que la plupart des chrétiens qui ont pris la peine de voter ont choisi Hikmat Dib. La même chose peut se dire pour ce qui est des forces qui suivent Nadim Béchir Gemayel.
Mais il faut relativiser tout cela. Parce que le plus important dans l’affaire reste le taux effroyable d’abstention. Qui semble prouver que, quels que soient les efforts des forces politiques, le citoyen de base est dégoûté de la politique, du confessionnalisme, des tensions factices, des autorités. Et de l’État.

Philippe ABI-AKL
La partielle dominicale a dégagé des données qui devraient alimenter nombre de calculs politiques. Que cela soit par rapport à la situation présente ou dans la perspective des prochaines échéances électorales. Comme nous l’avions souligné lors de la campagne préparatoire, le nombre comparatif des voix a été un enjeu de taille. Henri Hélou l’a emporté sur Hikmat Dib...