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Interview - La réconciliation n’est pas menacée à Baabda-Aley, affirme le chef de l’opposition Kataëb Élie Karamé : Préserver avant tout l’unité de l’opposition (photo)

Par attachement au jeu démocratique et par conviction politique, il a décidé de soutenir le candidat du courant aouniste, Hikmat Dib, pour la partielle de Baabda-Aley. Néanmoins, Élie Karamé, chef de l’opposition Kataëb, ancien leader du parti, et membre du Rassemblement de Kornet Chehwane (RKC), ne perd pas de vue l’essentiel, c’est-à-dire le principe de l’unanimité au sein de l’opposition concernant les priorités nationales, à commencer par le rétablissement de la souveraineté. C’est pourquoi, révulsé par les échanges polémiques entre les pôles de l’opposition tout au long de la campagne électorale, il a délibérément choisi d’œuvrer en faveur du dialogue, d’accomplir la tâche ingrate, celle du modérateur, sinon du rassembleur, entre les différentes fractions de l’opposition. Ainsi a-t-il réussi à obtenir l’engagement unanime d’un retour à la cohésion au sein de l’opposition au lendemain de la partielle et la fin des polémiques intestines, une démarche couronnée de succès puisqu’elle a abouti à un « cessez-le-feu verbal » qui tient depuis plus d’une semaine.«Il était naturel pour l’opposition Kataëb d’appuyer Hikmat Dib, qui a milité pour les mêmes objectifs que nous durant les douze dernières années », explique M. Karamé, avant d’enchaîner immédiatement sur les polémiques entre opposants qui ont occupé le devant de la scène durant cette campagne. « Elles portent un grand préjudice à la cause libanaise telle que nous l’entendons, et à l’unité de l’opposition, toutes tendances confondues, y compris le RKC et le courant aouniste, avec lequel nous sommes d’accord sur les grandes lignes. L’intérêt supérieur de la nation exige que toute cette opposition soit unie en vue des échéances qui nous attendent, tant au niveau régional, puisque nous sommes en présence d’une nouvelle question d’Orient, que local. Concernant cette échéance électorale, tous les opposants doivent rester unis s’ils veulent influer sur le cours des événements », estime-t-il, en plaidant pour « un nouveau pacte, dans l’esprit de celui de 1943, entre les Libanais de toutes les confessions ». « Ce nouveau contrat serait le résultat d’un dialogue franc et sincère, qui se tiendrait en toute liberté, entre des sensibilités politiques différentes, pour aboutir à une véritable unité nationale (...). Ce dialogue franc n’a pas eu lieu, parce qu’on a empêché jusqu’à présent une représentation correcte des chrétiens à la Chambre ou au niveau de toute structure où le dialogue est possible », poursuit-il. Et de souligner : « Ce n’est pas en incarcérant Samir Geagea et en exilant Michel Aoun, qui représentent tous les deux beaucoup au niveau de l’opinion publique libanaise, chrétienne tout particulièrement, que l’on peut aboutir à un véritable dialogue », affirme Élie Karamé.

Les faux pas de Joumblatt
La candidature de Hikmat Dib constitue-t-elle une menace réelle pour la réconciliation et la paix civile dans la Montagne, comme le prétendent certaines personnalités politiques, à l’instar de M. Walid Joumblatt ? « En quoi cela pourrait-il constituer une menace ? Dib s’est porté candidat après une tentative de trouver un candidat plus proche du RKC. La réconciliation a été réalisée par le patriarche maronite au Chouf, et, si elle est vraie et effective, elle devrait permettre la tenue d’élections démocratiques et libres. À travers cette réconciliation, tous les habitants de la Montagne devraient avoir retrouvé leur liberté, leur dignité et leur honneur, loin de toute tutelle. En principe, ils devraient pouvoir agir librement, sans être menacés à chaque fois qu’ils veulent exprimer une opinion contraire au leadership de M. Joumblatt », répond M. Karamé, qui a très peu apprécié la dernière diatribe du seigneur de Moukhtara. « J’ai été très étonné par ces propos. M. Joumblatt a menacé les personnes qui ne veulent pas suivre ses orientations. Ce n’est pas à son honneur. Pourtant, je suis loin d’être un anti-Joumblatt. L’homme est un politique habile. Il y a même eu un moment où il a voulu défendre les libertés à nos côtés, notamment lors de la fermeture de la MTV. J’ai cru à sa sincérité. Malheureusement, il semble avoir retrouvé ses anciens mauvais génies. Personnellement, j’ai toujours prôné la modération dans la Montagne, depuis vingt ans. La meilleure chose qui pourrait se produire dans cette région est un accord en profondeur – pas nécessairement au niveau d’une partielle – entre chrétiens et druzes », poursuit-il.
Élie Karamé évoque un rapprochement survenu en 1980 entre Walid Joumblatt et Béchir Gemayel, pour l’élaboration d’un document de travail commun visant à recréer l’axe originel druzo-maronite, avec la collaboration notamment de MM. Antoine Najm, Joseph Abou Khalil et Samir Frangié. « Mais M. Joumblatt a fini par faire demi-tour. Il tient trop compte de la politique régionale, de l’équilibre des forces, des puissances dominantes. Peut-être garde-t-il pour lui ses propres sentiments et ses propres souhaits. J’espère en tout cas qu’au fin fond de lui-même, il pense d’une manière différente. »
Le virage opéré par Walid bey en 1980 est-il semblable à celui de 2001-2002 ? « Oui, par certains aspects. Il a assisté en 2001 au congrès du Carlton pour les libertés, et certains de ses ministres ont pris position contre la fermeture de la MTV. Peut-être les mêmes considérations l’ont-elles poussé à faire marche arrière. La grande différence, c’est que cette fois, les chrétiens l’ont beaucoup applaudi. Si M. Joumblatt a quasiment été un leader national, à un certain moment, c’est parce qu’il a reçu l’appui des chrétiens. Mais la déception a été à la mesure de l’espoir qu’il a suscité. »

Ne pas oublier la MTV
Élie Karamé est entré en contact avec Michel Aoun, la semaine dernière, pour plaider en faveur d’un apaisement des esprits. « J’ai exprimé le souhait à toutes les parties, et notamment aux membres du RKC, d’éviter les polémiques et les attaques entre des leaders qui sont supposés être de nouveau ensemble pour retrouver le Liban, avec toutes ses spécificités. Certains opposants nous ont adressé des reproches. Je crois qu’il y a eu une différence d’appréciation de la conjoncture, qui nous a amenés à adopter des attitudes différentes. La situation actuelle est exceptionnelle, et il est interdit que les sensibilités personnelles, et mêmes certaines inimitiés, jouent un rôle quelconque », affirme-t-il, avant d’énumérer tous les problèmes dont souffre le Liban au plan politique, économique et social. « En plus, nous approchons de certaines échéances, qui devraient contribuer à sauver le Liban, lequel ne peut plus survivre dans ces conditions. Il est en plein effondrement. Et nous avons besoin que toute l’opposition soit réunie pour essayer de sauver le pays, tout en maintenant le dialogue avec ceux qui ont des sensibilités différentes », ajoute-t-il.
Pour l’ancien chef du parti Kataëb, « la défense de la cause nationale et des constantes que Bkerké a proclamées constitue une priorité. Nous n’avons pas le droit de faire de la politique politicienne quand le destin du pays est en jeu ». « C’est pourquoi l’unité de l’opposition est très importante et constitue aussi une priorité, même s’il y a des nuances et des spécificités entre les différentes fractions », précise-t-il. « La MTV fait partie aussi du contentieux qui existe au niveau du gouvernement et de l’opposition. La fermeture de la chaîne constitue, symboliquement, une atteinte aux fondements sur lesquels l’idée du Liban repose, en l’occurrence les libertés. Il est d’une très grande importance que la MTV puisse rouvrir, en particulier pour pouvoir répercuter l’opinion d’une grande partie de la population, mais aussi pour témoigner de la liberté d’expression. Il y a, enfin, la question des employés qui se sont retrouvés à la rue après cette injustice », poursuit-il, estimant qu’il ne faut pas oublier l’affaire MTV et qu’il aurait peut-être fallu agir autrement pour préserver la chaîne de télévision.
Élie Karamé souhaite enfin que d’autres, au sein du RKC, lui emboîtent le pas, concernant sa volonté de préserver l’unité dans les rangs opposants, jugeant qu’il est nécessaire de « maintenir un contact positif avec Michel Aoun en vue d’un rapprochement sérieux, si des échéances cruciales se présentent ». « Une cassure avec Michel Aoun porterait préjudice aux intérêts de l’opposition en général et des idéaux pour lesquels nous luttons tous ensemble », dit-il.
Dans l’esprit d’Élie Karamé, c’est l’image de cette réunion de Sodeco, au siège du PNL, qui avait regroupé, l’an dernier, l’ensemble des pôles de l’opposition, alors que le pouvoir tardait encore à reconnaître la victoire de Gabriel Murr, qu’il faut rééditer. Une entreprise à laquelle il s’est dédié de tout cœur et en toute logique.

Michel HAJJI GEORGIOU
Par attachement au jeu démocratique et par conviction politique, il a décidé de soutenir le candidat du courant aouniste, Hikmat Dib, pour la partielle de Baabda-Aley. Néanmoins, Élie Karamé, chef de l’opposition Kataëb, ancien leader du parti, et membre du Rassemblement de Kornet Chehwane (RKC), ne perd pas de vue l’essentiel, c’est-à-dire le principe de l’unanimité...