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L’Adieu aux armes* (et au pays)

Extreme... Même les journalistes sportifs, ou de variété, francophones (belges, français, luxembourgeois, suisses, congolais et a fortiori canadiens ou libanais) ne prononcent ce vocable in qu’en anglais. Washingtonisé. C’est une mode, cet Extreme, et chaque jour on invente une nouvelle manière de se faire peur. Après le saut à l’élastique, on revient aux duels James Dean, de voitures ou de motos roulant vers un précipice. Et certains sociologues, peut-être un peu Professeur Tournesol, voient dans les incendies de forêt estivaux allumés par des mains criminelles une variation de ce goût de vivre dangereusement.
Bien plus subtils, nettement plus élégants, mais beaucoup moins médiatisés, restent les sports d’esquive. Comme l’escrime ou même le concours hippique (saut d’obstacle) où l’essentiel est soit de feindre en se fendant, soit d’éviter la faute.
Dans ce domaine précis, nos jeunes sont passés maîtres. Leur discipline favorite, et en même temps leur figure imposée, c’est carrément de fuir. La pesante contrainte d’un service du drapeau qui gâche leur entrée dans la vie active. Les slogans dont on use pour les retenir ne leur semblent pas suffisamment convaincants. Ainsi, du fameux brassage, ils ne voient (comme vous et moi du reste) que le brassage des milliards par les gens en place. Ce qui signifie qu’il n’y a pas de raisons de rester, dans un pays où les sous sont réservés, happés, monopolisés. Inaccessibles pour quiconque ne fait pas partie d’une clique politique ou affairiste genre (combiné) al-Madina. De plus, les jeunes de chez nous qui ont la générosité de penser juste contre tout ce qui est faux, et le disent, se trouvent harcelés, traqués, matraqués.
Ils partent donc, en grappes serrées. S’ils ont moins de vingt-cinq ans, ils bénéficient d’un report, au titre des études. Ils s’inscrivent ailleurs, sous des cieux moins spartiates et, spartiates aux pieds, ils courent après la prescription qui est de cinq années. Pendant toute la première, ils sont pratiquement interdits de séjour dans leur pays d’origine. Ensuite, ils ont droit à trois mois par an, pour voir leur famille. Naturellement, bien peu reviennent en définitive, exemptés ou non. Car la vie leur offre dehors bien plus d’opportunities de faire carrière. Cette vague sournoise d’émigration prive le Liban malade de son sang neuf, de sa jeunesse. De son âme. Et, comme Sfeir le proclame, c’est là en vérité tout notre drame.

Jean ISSA

* A Farewell to Arms, d’après le roman d’Ernest Hemingway. Première version, noir et blanc, de Frank Borzage, 1932, avec Gary Cooper, Helen Hayes, Adolphe Menjou, Mary Phillips. Remake technicolor, 1957, de Charles Vidor, avec Rock Hudson, Jennifer Jones, Vittorio de Sica (!) et Alberto Sordi.
Extreme... Même les journalistes sportifs, ou de variété, francophones (belges, français, luxembourgeois, suisses, congolais et a fortiori canadiens ou libanais) ne prononcent ce vocable in qu’en anglais. Washingtonisé. C’est une mode, cet Extreme, et chaque jour on invente une nouvelle manière de se faire peur. Après le saut à l’élastique, on revient aux duels James...