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Rencontre - L’ancien chef du Législatif affirme que le rassemblement est ouvert à toutes les bonnes volontés Hussein Husseini : Les masques sont tombés, c’est le moment d’agir (Photo)

Un homme avec des convictions aussi solides, c’est rare au Liban. Depuis près de 15 ans, l’ancien président de la Chambre, M. Hussein Husseini, tient le même discours et défend les mêmes positions, indifférent aux coups du sort et de certains alliés, aux bouleversements régionaux et aux nouvelles tendances internationales. « Son » Taëf, il continue à le défendre bec et ongles, convaincu qu’il reste la solution idéale, celle qui préserve « le message et le rôle du Liban », sans lesquels cette patrie, selon lui, n’aurait pas de raison d’être. Et si, aujourd’hui, avec certains vieux compagnons, défenseurs de la même cause que lui, il lance un « rassemblement national pour le changement et le sauvetage », c’est qu’il souhaite donner aux jeunes et à tous ceux qui voudraient agir le cadre indispensable à un véritable redressement qui permettrait au Liban et aux Libanais de retrouver leur âme.
En l’écoutant, on est d’abord tenté de croire qu’il vit dans le passé, figé dans cette période exaltante de la préparation des accords de Taëf, lorsqu’avec une poignée de « sages » il essayait de trouver un chemin de raison dans la folie presque générale. Mais M. Hussein Husseini ne parle pas pour le simple plaisir d’évoquer le passé et on découvre au fil de son discours que tout s’inscrit dans une logique précise et que le passé aide à comprendre le présent et à agir pour l’avenir. C’est pourquoi il vient de lancer, avec les anciens présidents du Conseil, MM. Sélim Hoss et Omar Karamé, les députés Mme Nayla Moawad et M. Boutros Harb, et l’ancien ministre et député, le Dr Albert Mansour, un rassemblement national pour le changement et le sauvetage, une sorte de noyau destiné à s’élargir pour regrouper toute l’élite libanaise, dans toutes les régions et de toutes les confessions.

« Des militants
de la première heure »
M. Husseini récuse d’emblée les remarques du style : ce sont pour la plupart des « has been », comment pourraient-ils initier un changement ? Pour lui, ce sont tous de vieux compagnons, porteurs d’un message et d’une certaine idée du Liban, pays de la coexistence islamo-chrétienne. Ce qui, selon lui, entraîne certaines responsabilités. M. Sélim Hoss, ainsi que Boutros Harb et le Dr Mansour sont de vieux partenaires, du temps où M. Husseini avait entamé les négociations avec le patriarche maronite, le cardinal Sfeir, pour un document d’entente nationale. Quant à Mme Nayla Moawad et M. Omar Karamé, ils sont les héritiers politiques du président assassiné René Moawad et de l’ancien Premier ministre Rachid Karamé. Ils ont tous milité en faveur de leurs croyances et aujourd’hui, ils seraient donc habilités à fournir la base nécessaire à ceux qui voudraient se lancer dans une opération de changement.
Mais pourquoi une telle initiative aurait-elle des chances d’aboutir aujourd’hui ? M. Husseini développe aussitôt un exposé exhaustif et passionnant sur les éléments qui ont abouti à la situation actuelle.
Selon lui, lorsqu’il a entamé des négociations avec le patriarche maronite, en tant que représentant du camp chrétien, pour aboutir à un document d’entente nationale, les Américains commençaient à être convaincus de la nécessité d’appliquer la résolution 425 relative à l’occupation israélienne du Sud, indépendamment de l’ensemble du processus régional. C’était une chance pour le Liban de panser ses plaies et de prendre un nouveau départ. C’est un peu cela l’esprit de Taëf, une tentative réelle de parvenir à une entente interne avec une bénédiction arabe et internationale, puisque tout le monde était convaincu que l’existence du Liban était une nécessité et qu’il fallait donc lui donner les moyens de sortir de sa crise. L’ancien président de la Chambre est formel : le document d’entente nationale a été élaboré au Liban. Le patriarche maronite avait même créé un comité de six députés : MM. René Moawad, Boutros Harb, Georges Saadé, Nasri Maalouf, Michel Sassine et Khatchig Babikian pour le suivi des pourpalers. Il leur avait adjoint trois personnes : le chef du PNL Dany Chamoun, le général Amer Chéhab représentant le général Aoun, et Georges Adawne pour les FL, afin que toutes les parties chrétiennes s’impliquent dans ce document et y donnent leur accord. Lorsque les députés se sont rendus à Taëf, le document était fin prêt et toutes les parties étaient d’accord. Le président Husseini ajoute qu’à Taëf, des modifications mineures ont été apportées au texte initial alors que les députés étaient en contact permament avec les parties restées au Liban.

« Une compagnie
à cinq partenaires
gouverne le Liban »
À Taëf, selon M. Husseini, il y avait aussi un autre document, élaboré par les partenaires de l’accord tripartite : les trois milices et leurs parrains, MM. Rafic Hariri et Michel Murr. Mais les députés ont tout fait pour l’éliminer, parce qu’il constituait une continuation de l’esprit milicien dont il fallait se débarrasser. Malheureusement, et malgré l’adoption du document d’entente élaboré par les députés et l’élection de René Moawad à la présidence, comme premier résultat concret de ce document, ce sont les tenants de l’esprit milicien qui ont réussi à retourner la situation en leur faveur et à régner sur le Liban de 1992 à aujourd’hui.
À qui la faute ? Le président Husseini estime que les circonstances régionales et internationales ont modifié la donne au Liban, qui au lieu d’en finir avec la crise ne pouvait plus que songer à survivre en attendant des développements favorables. La guerre du Golfe en 1991 a ainsi poussé le président américain de l’époque, M. George Bush père, à croire à la possibilité d’un règlement global, via la conférence de Madrid. La 425 n’était plus une priorité pour lui, puisqu’il voyait bien plus grand et en juillet 1991, l’armée ayant fait ses preuves dans la montagne, à Beyrouth et dans les camps palestiniens de Saïda, a voulu se diriger vers le Sud. C’est la Finul qui lui a interdit le passage, contrairement aux dispositions de la résolution 425. Au cours de l’Assemblée générale de l’Onu, en septembre de la même année, l’adjoint du secrétaire général d’alors, M. Javier Perez de Cuellar, le dit clairement aux Libanais : les États-Unis ne veulent pas que l’armée se déploie au Sud. Les Libanais comprennent qu’il n’est plus question de résoudre le volet libanais indépendamment du conflit israélo-arabe. Ironie du sort, ce sont les Américains qui ont poussé le Liban dans les bras de la Syrie, dans ce qu’on appelle la concomitance des volets, tandis qu’aujourd’hui, ils réclament (officiellement) le contraire.
Les Libanais se réunissent alors avec le président américain et lui réclament une « lettre de garanties », dans laquelle ils insistent sur l’application de la 425 et du rejet de l’implantation, parce qu’ils ne croyaient pas beaucoup au processus de Madrid. La suite des événements leur a donné raison, même si la lettre de garanties américaine n’a pas servi à grand-chose. Yitzhak Shamir a voulu gagner du temps en organisant des élections anticipées, qu’il a d’ailleurs perdues. Rabin l’a remplacé. Ce fut l’agression de juillet 1993, puis le tour de Peres et de l’agression d’avril 1996. Le Liban, comprenant qu’il n’y avait plus de chances de voir la 425 appliquée normalement, a donné la priorité à la résistance.
« Pendant ce temps, poursuit M. Husseini, la compagnie à 5 partenaires (Berry, Joumblatt, Hobeika, Hariri et Murr) faisait ses ravages sur le plan interne, menant le pays à la faillite financière et détruisant, l’une après l’autre, toutes les institutions. Certains ont été séduits pendant un temps, tant les moyens utilisés étaient trompeurs, mais aujourd’hui, plus personne n’est dupe. Cette compagnie a d’ailleurs profité du boycott des chrétiens. Ce qui lui a permis d’élaborer les deux lois électorales les plus mauvaises de l’histoire du Liban. »

« L’une après l’autre,
les institutions
sont tombées »
M. Husseini relève ainsi que lorsque le président de la Chambre décide enfin d’organiser une séance de questions au gouvernement et qu’il donne la parole en premier au président du Conseil, on comprend l’étendue de la confusion des pouvoirs et des institutions. « Puis lorsqu’il dit lui-même tous les responsables, dont moi, ont commis des infractions, c’est, à mon avis, un constat d’échec total. »
C’est pourquoi il a fallu réagir. « Nous nous trouvions face à la question suivante : Avons-nous encore une patrie ? À mon avis, les Libanais méritent leur pays, et c’est à nous de les aider à le retrouver. Ce qui nous a encouragés à vouloir lancer notre initiative, c’est aussi le grand virage des chrétiens, après le 11 septembre 2001. Le synode maronite a ainsi constitué une victoire de l’esprit de modération et de l’appartenance nationale. Cela nous a aidés à lancer notre idée, qui se veut un rassemblement national, et non pas un groupe limité à un coin ou à une cellule. L’horizon est ouvert à tous. Nous sommes convaincus que la vie nationale existe au Liban, loin des allées du pouvoir. Il faut donc lui permettre de sortir au grand jour et de gagner du terrain. Nous autres, le noyau fondateur, nous avons eu suffisamment d’honneurs au cours de nos carrières ; nous n’aspirons plus qu’au sauvetage du pays et à l’avènement d’un pouvoir responsable devant les électeurs. Nous espérons que notre action fera tache d’huile. »
La première réunion doit être consacrée à la convocation d’une assemblée générale, qui se chargera ensuite de rédiger les principes de base. Après quoi, la voie sera libre. M. Husseini en est convaincu, la vie politique animera de nouveau le Liban.
Scarlett HADDAD
Un homme avec des convictions aussi solides, c’est rare au Liban. Depuis près de 15 ans, l’ancien président de la Chambre, M. Hussein Husseini, tient le même discours et défend les mêmes positions, indifférent aux coups du sort et de certains alliés, aux bouleversements régionaux et aux nouvelles tendances internationales. « Son » Taëf, il continue à le défendre bec et...