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LOISIRS - Des centaines de grottes et de gouffres à explorer La spéléologie : sensations fortes, découvertes et respect de la nature(PHOTOS)

Pourquoi décide-t-on d’explorer les entrailles de la terre ? Peu importe la raison et l’issue de l’exploration, puisque le spéléologue est mû par une véritable passion et une curiosité scientifique à toute épreuve. L’aventure, le sport, les découvertes archéologiques, l’exploration de la nature souterraine, les sensations fortes: la spéléologie réserve de nombreuses joies aux amoureux des profondeurs abyssales, notamment ceux qui ont conclu un pacte tacite avec la nature, celui de la préserver en toute circonstance, quel que soit le vertige de la découverte.
L’histoire de la spéléologie au Liban commence par la découverte exceptionnelle de la grotte de Jeita par un certain Thompson, en 1836. L’exploration de la grotte a été poursuivie par des équipes américaines et françaises, jusqu’à ce que, en 1940, un Libanais, le premier, Lionel Ghorra, s’intègre à l’une d’entre elles. Et ne tarde pas à former et à diriger une première équipe libanaise en 1946. Une initiative qui ménera à la fondation du Spéléo Club du Liban (SCL) en 1951. La tradition de la spéléologie est lancée, et d’autres clubs se formeront au fur et à mesure.
En 1975, à la veille des hostilités, quelque 350 grottes avaient déjà été explorées. Si les sorties sur le terrain n’ont pas été complètement interrompues durant la guerre, la discipline ne devait connaître un nouvel essor qu’avec l’avènement de la paix. Ce sport n’est « pas plus dangereux qu’un autre si l’on respecte les règles et qu’on maîtrise la technique », estiment ceux qui le pratiquent. Mais il s’agit certainement d’une activité qui requiert une formation solide. Cette formation, les nouveaux venus peuvent l’acquérir dans le cadre d’un des clubs spécialisés. Chaque club a sa méthode particulière, bien que l’apprentissage de la technique soit la base obligée. Mais ce qui transparaît à travers nos contacts avec des responsables de clubs, c’est que ceux-ci laissent le temps aux nouveaux venus de s’adapter à l’ambiance particulière du sport, et sondent leur aptitude à respecter la nature.
« Nous conseillons à une personne qui s’intéresse nouvellement à ce sport de venir assister à nos réunions, puis de nous accompagner dans l’une de nos sorties, en spectateur », explique Badr Gédéon, présidente de l’Association libanaise d’études spéléologiques (ALES), fondée en 1994. « Pour notre part, nous observons ses réactions sur le terrain, ses comportements dans la nature, son aptitude à participer à la vie d’équipe, une nécessité absolue en spéléologie. Si tout va bien, c’est tant mieux. Si nous remarquons que cette personne a la propension de détruire la nature, nous lui laissons le choix entre modifier son comportement et renoncer à son intention de se joindre à nous. »
« Notre objectif est de causer le moins de dégâts possibles dans les sites naturels souterrains », souligne Hugues Badawi, président du SCL. « C’est ce principe que nous inculquons aux nouveaux venus. Il nous arrive même de délimiter des chemins dans les grottes afin que les spéléologues qui nous suivent marchent dans nos pas sans s’aventurer dans d’autres directions. »
Quant à l’entraînement technique, il consiste surtout à apprendre à utiliser de manière adéquate les cordes et les ficelles, et à devenir de plus en plus autonome sous terre.
Durant la formation, les cours théoriques précèdent les sorties sur le terrain. « On peut devenir un bon spéléologue en une saison », précise la présidente de l’ALES. « Après une certaine étape, on initie la personne à la photo. D’ailleurs, les films souterrains sont un nouveau domaine dans lequel se lance l’ALES. »

Une activité
multidisciplinaire
Mais que recherche-t-on dans l’exploration du monde souterrain ? Il y a quelques décennies, c’était surtout la découverte de nouvelles grottes et l’aventure qui tentaient les spéléologues. Aujourd’hui, l’intérêt scientifique prime. « Un spéléologue doit avoir des connaissances dans beaucoup de domaines », estime M. Badawi.
« Il faut savoir interpréter les phénomènes géologiques, avoir des notions d’histoire, d’archéologie, d’hydrologie, de biologie, insiste Badr Gédéon. La culture générale en sort très renforcée. »
La spéléologie, c’est avant tout la passion de la découverte. Interrogé sur les découvertes les plus exaltantes en matière de grottes, M. Badawi précise que « chacune est sensationnelle parce que chaque grotte possède une caractéristique que d’autres n’ont pas ».
Peut-on espérer de nouvelles découvertes ? « Il y en aura toujours », estime Badr Gédéon. « Le matériel dont nous disposons aujourd’hui n’est pas celui qui était utilisé il y a trente ans. Les mêmes sites se révèlent autrement, et pourraient recéler des secrets supplémentaires qui ne seront accessibles qu’aux générations futures, qui sait ? D’autant plus que certains sites qu’on croyait entièrement fouillés nous réservent encore des surprises. » Elle parle d’une grotte nouvellement mise au jour par son équipe dans la vallée de Hamatoura, à Kosba. Appelée « grotte de la liberté », elle s’est avérée être un site archéologique important, et est actuellement fouillée par l’ALES et la Direction générale des antiquités (DGA). Les poteries trouvées datent de l’âge du bronze.
Quel pourrait être le facteur de risque dans la pratique de la spéléologie ? « En plusieurs décennies, nous n’avons eu que quelques blessés très légers, se souvient M. Badawi. Par conséquent, ce n’est pas plus dangereux que de conduire une voiture. Il s’agit cependant de ne pas se lancer dans des prouesses inutiles. »
Qu’en est-il des personnes un peu trop aventurières ? « Ce n’est jamais un bon signe, parce qu’une personne qui n’a pas peur pour sa sécurité ne craint pas pour celle des autres, explique Badr Gédéon. Or, c’est par excellence un sport qui se pratique en équipe et dans le cadre duquel il faut maîtriser parfaitement la technique. »
Le facteur de risque peut se trouver augmenté lorsque des groupes décident de pratiquer la spéléologie hors du cadre des clubs organisés, parfois sans formation suffisante. Cela se passe assez souvent aujourd’hui, même si on n’a heureusement pas encore signalé d’accidents graves. Cependant, il faut savoir que la SCL et l’ALES ont tous deux des membres spécialisés dans les secours sous terre, ayant suivi une formation adéquate.
Les spéléologues – ils sont de 100 à 150 à pratiquer ce sport régulièrement aujourd’hui, selon les estimations des personnes interrogées – explorent toutes les régions du Liban. Une passion aux mille facettes qui ne les quitte pas facilement, puisque, même après avoir fondé une famille, beaucoup d’entre eux reviennent respirer l’air des grottes avec leurs enfants !

Suzanne BAAKLINI

Une formation solide acquise auprès de professionnels

Pour obtenir une bonne formation à la spéléologie, il faut rejoindre l’un des clubs et pratiquer cette activité avec des professionnels. L’acquisition d’un savoir-faire technique (pour l’exploration de grottes ou de gouffres) est évidemment primordiale, mais celle d’une attitude propice à l’esprit d’équipe et au respect des sites naturels ne l’est pas moins.
Le Spéléo Club du Liban (SCL) offre aux nouveaux venus la possibilité de suivre une formation, sans contrepartie financière excepté une cotisation de 15000 LL par sortie. Une fois que les paiements atteignent le seuil des 100000 LL, ce qui équivaut à la cotisation annuelle des membres, l’amateur participe gratuitement aux activités. Au bout de deux ans, s’il est persévérant, il devient membre du club. Pour contacter le SCL, il suffit de consulter son site Internet : www.spéléoliban.com.
L’Association libanaise d’études spéléologiques (ALES) est également équipée pour offrir des formations. Les personnes intéressées sont priées d’assister à des réunions puis d’accompagner l’équipe sur le terrain, en participant, autant que faire se peut, aux activités. La cotisation s’élève à 10000 LL par sortie (une somme qui atteint dix dollars pour les personnes accompagnant les spéléologues en touristes). Si le spéléologue en herbe fait preuve de persévérance et manifeste une volonté de poursuivre son apprentissage, il obtient une carte de membre stagiaire. Il ne s’acquitte plus que d’une somme de 5000 LL par sortie au cas où il n’est pas motorisé. Ce n’est que plus tard, au terme d’une période indéterminée, qu’il pourrait accéder au statut de membre à vie. Il est possible de consulter le site Internet du club, www.alesliban.org, ou de contacter l’un des membres suivants de l’ALES : Badr Gédéon au 03/666469, Hani Abdelnour au 03/666461 ou Fadi Beayno au 03/440203.
Une troisième association, dont le siège est situé dans la Békaa, le Club de Wadi Arayech pour la découverte des grottes, fondé en 1964, offre les mêmes services. La formation y est entièrement gratuite, ainsi que la participation aux activités du club par des amateurs ou des spéléologues professionnels. Pour contacter ce club, il suffit d’appeler l’un de ses deux membres : Joseph Abou Akar au 03/689796, ou Georges Harika au 03/689599.
Le matériel est généralement assuré aux débutants, l’équipement de base étant formé du casque surmonté de deux lampes, d’un vêtement en fibre polaire et d’une combinaison semi-étanche, ainsi que de bottes en plastique. Un tel équipement coûte de 250 à 300 dollars. Le prix d’un matériel de spéléologue technicien s’élève à 450 ou 500 dollars. Tous ces articles sont disponibles sur le marché libanais.
Par ailleurs, les grottes et les gouffres à explorer au Liban se comptent par centaines, dans les différentes régions. Une excellente forme physique est une condition sine qua non de l’exercice de ce sport, dans le cadre duquel il arrive au spéléologue de passer des heures entières sous terre, dans un environnement rude et sombre, dans l’objectif de poursuivre son exploration jusqu’au bout. Badr Gédéon se souvient de cet épidose au cours duquel elle n’a revu la surface qu’au bout de 27 heures... « C’est la volonté psychologique qui nous permet de tenir bon, de surmonter l’extrême fatigue physique, explique-t-elle. En début d’expédition, il m’arrive souvent de me demander ce que je fais là. Mais une fois le temps d’adaptation passé, c’est une période d’extase qui m’attend, avant d’avoir rendez-vous avec la fatigue. Mais en fin de compte, c’est un ressourcement. Je puise ma force dans celle de la terre. »
Pourquoi décide-t-on d’explorer les entrailles de la terre ? Peu importe la raison et l’issue de l’exploration, puisque le spéléologue est mû par une véritable passion et une curiosité scientifique à toute épreuve. L’aventure, le sport, les découvertes archéologiques, l’exploration de la nature souterraine, les sensations fortes: la spéléologie réserve de...