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Fonction publique - Le PDG de l’ENA-Liban espère l’ouverture de la première session en janvier Élie Assaf : Nous avons les capacités et les moyens de réussir, mais il faut canaliser les énergies

Ce n’était qu’un rêve, mais cela pourrait devenir une réalité. L’ENA-Liban, qui n’était qu’une idée en 1999, n’attend plus qu’un décret du Conseil des ministres pour démarrer. Le conseil d’administration de cette école, à sa tête le Dr Élie Assaf, est prêt pour organiser un concours d’entrée destiné à recruter 30 fonctionnaires de deuxième catégorie (ceux de la première étant nommés directement par l’Exécutif), suivant les besoins de l’Administration. Pour celle-ci, ce sera la première injection de sang neuf, sur base de critères scientifiques. Une véritable révolution et le début de la réforme tant attendue, qui, un jour, pourrait permettre de moderniser entièrement l’Administration.
À l’origine du projet, il y a un homme, qui a fait ses preuves d’abord dans le privé puis dans le public, mais toujours dans le domaine académique, avant d’être nommé directeur général des affaires économiques, financières et de l’enseignement supérieur à la présidence de la République. Le Dr Élie Assaf avait lancé son idée de créer une école d’Administration au Liban, sur le modèle de l’ENA française, devant le chef de l’État en 1999, au cours d’une réunion où le thème de la réforme administrative avait été évoqué. Il avait suggéré de créer une grande école pour la formation et le recrutement des serviteurs de la République. En tant qu’enseignant, il connaissait les universités de France, ainsi que l’ENA. L’idée séduit le président Lahoud, qui donne au Dr Assaf le feu vert pour entamer des contacts avec les Français. Ce dernier rencontre à plusieurs reprises le directeur de l’ENA de l’époque, M. François Raymond Le Bris, qui devait manifester un vif intérêt au projet. Après maints entretiens préparatoires, un protocole de coopération est signé en 1999.

Relancé après avoir
été mis en veilleuse
Malheureusement, le projet est mis en veilleuse pendant plus de trois ans. Mais il a été relancé il y a près de dix mois et l’ENA-Liban a officiellement vu le jour au cours du sommet de la francophonie, en octobre dernier, en présence du président de la République française, M. Jacques Chirac, pour bien montrer l’engagement de la France dans la création de cette école au Liban. Le Dr Élie Assaf en est convaincu, ce projet est nécessaire et vital, « car seuls la formation et le recrutement de jeunes, dotés d’un souffle nouveau, peuvent moderniser en profondeur l’Administration ». Ce projet est-il lié à l’actuelle campagne pour la réforme ? « Il est né bien avant, précise le Dr Assaf, et il en est totalement indépendant. » Même si, quelque part, les deux initiatives peuvent se rejoindre et se nourrir l’une et l’autre.
Un conseil d’administration formé de six membres ainsi qu’un commissaire du gouvernement ont été nommés par le Conseil des ministres et les statuts de l’école ont été achevés. Le PDG est donc le Dr Assaf. Le vice-président, M. Ghaleb Farhat, et les quatre membres sont : MM. Antoine Messarra, Abbas Halabi, Walid Nakib et Robert Fadel. Quant au commissaire du gouvernement, il s’agit de M. Ali Merhi.
L’ENA-Liban sera installée à Yarzé, dans un bâtiment qui est en train d’être rénové par le CDR. Tout devrait donc être prêt pour la rentrée.
En fait, toute l’équipe n’attend plus que le décret du Conseil des ministres prévoyant l’ouverture d’une session pour le recrutement et la formation de 30 fonctionnaires de deuxième catégorie dont les postes sont actuellement vacants.
Ce sera d’ailleurs la première fois qu’une telle initiative sera prise au Liban pour les fonctionnaires de cette catégorie.
Une fois le décret publié, le conseil d’administration organisera un concours d’entrée, ouvert à tous les candidats qui le souhaitent, âgés de 28 ans maximum pour ceux qui viennent du secteur privé et de 35 ans maximum pour ceux qui sont déjà au sein de l’Administration. Il y aura un délai pour l’acceptation des demandes d’inscription et le concours se fera en trois phases : d’abord un test psychotechnique pour évaluer les capacités logiques et psychotechniques des candidats, puis quatre épreuves écrites et un « grand oral ». Les épreuves écrites, de 5 heures chacune, porteront sur le droit public, l’économie et les finances publiques, le management et la culture générale. Quant au « grand oral », il sera d’une demi-heure pour chaque candidat et se déroulera devant une commission libano-française. D’ailleurs, toutes les modalités du concours ont été établies en coopération avec l’ENA-France et son directeur actuel, M. Antoine Durleman. Une convention a été signée entre les deux écoles, il y a trois mois, et elle porte sur une coopération très étroite entre les deux écoles, au niveau du concours d’entrée, de la formation et des stages.

Une formation
de dix-huit mois
Une fois le concours réussi, les 30 participants deviendront des « élèves fonctionnaires » et seront payés pendant les dix-huit mois de leur formation, qui seront divisés de la manière suivante : trois mois de cours, alternés avec deux mois de stage, dont un auprès d’un ministre, un auprès d’une ambassade et le troisième auprès d’un chef d’entreprise. À la fin de leur formation, les nouveaux fonctionnaires seront affectés à des postes de deuxième catégorie, en tant que directeurs de cabinet. La formation sera assurée par des intervenants français (financés par la France ) et libanais.
Le Dr Assaf est convaincu que ces nouveaux fonctionnaires insuffleront un esprit nouveau pour la restructuration des ministères et la réorganisation de l’État. « Nous nous sommes engagés à fournir de nouveaux éléments à l’Administration, affirme-t-il, et c’est notre responsabilité. Nous ne sommes pas tenus par une répartition confessionnelle et nous présenterons à l’État les 30 meilleurs candidats. Si l’on veut réformer l’État sur la base de la méritocratie, on ne peut pas s’arrêter aux considérations confessionnelles et nous ne le ferons pas. »
Après cette première session, le Dr Assaf pense déjà à une promotion pour les Affaires étrangères et il y aura ensuite une formation pour les fonctionnaires déjà en poste, notamment ceux de la première catégorie (les directeurs généraux).
Selon le Dr Assaf, l’ENA-Liban devrait former tous les fonctionnaires à partir de la troisième catégorie et d’ici à cinq ans, le gros des effectifs du secteur public devrait être renouvelé.

Une coopération étroite
avec le Conseil des ministres et la fonction publique
Pour les fonctionnaires de la première catégorie, la formation sera spéciale et elle portera sur les nouvelles techniques de l’information, le management public, les finances publiques, les relations internationales et les questions sociales.
Le gouvernement sera-t-il tenu de nommer les fonctionnaires de la première catégorie parmi ceux qui ont bénéficié de la formation de l’ENA ? Le PDG de l’école le souhaite, même s’il reconnaît que l’école qu’il dirige pour une période de trois ans renouvelables n’a pas le pouvoir d’imposer ses règles au Conseil des ministres. « Nous travaillons en coopération étroite avec le Conseil de la fonction publique et le Conseil des ministres, pour répondre aux besoins de l’État, qu’ils doivent eux-mêmes définir », précise-t-il toutefois.
Y a-t-il un profil particulier du fonctionnaire modèle ? « Nous allons former, dit-il, les cadres supérieurs de l’État avec des compétences bien précises qui se résumeraient à quatre qualités essentielles : le sens de l’intérêt général (l’éthique, la rigueur, la disponibilité et l’écoute, la conscience de gérer des deniers publics et la prise en compte du long terme), la capacité d’anticipation (ouverture d’esprit, imagination, innovation, capacité d’analyse et de synthèse), la maîtrise du management public moderne (la disposition à conduire les changements, le sens de la négociation et de la communication et la capacité à contracter et à évaluer) et l’aptitude à la gestion traditionnelle (animation des équipes, mobilisation des énergies et des talents, optimisation des choix sous contrat). Le candidat doit aussi pouvoir intégrer la mutation de l’environnement au niveau national et sur les plans régional et international, avec les évolutions en perspective et le processus de mondialisation. »
Énoncé de la sorte, tout paraît réalisable, mais quand il voit l’état actuel de l’Administration, ne se sent-il pas découragé ? Le Dr Assaf sourit d’un air entendu, comme s’il avait fréquemment entendu ce genre de remarque. « Avec les autres membres du conseil d’administration, nous sommes très motivés pour mettre en marche et appliquer le processus dans un but unique : la modernisation de l’État. L’avenir de nos jeunes en dépend, car si on ne leur donne pas cet exemple, on augmentera l’émigration. Je suis conscient du fait qu’il s’agit d’un énorme défi, je ne débarque pas de Mars, même si cette planète s’est rapprochée de nous, mais je suis convaincu que nous pouvons et que nous avons les moyens d’agir. Nous avons aussi toutes les capacités requises. Il s’agit simplement de canaliser les énergies, en évaluant les contraintes, pour avoir la volonté nécessaire, la motivation, les moyens et les convictions. C’est d’ailleurs le rôle du responsable. »
N’a-t-il pas de doutes sur l’avenir du projet ? « Non, se contente-t-il de dire avec simplicité. Il faut savoir travailler en terrain miné. »
Certains critiquent le modèle français. Est-il valable pour réformer l’Administration libanaise ? « Je suis convaincu que les grandes écoles françaises ont donné à la France une élite. Même si certaines personnes sont critiquées, je pense qu’il s’agit d’un excellent système d’enseignement. »
Pour le Dr Assaf, le projet est donc réalisable et essentiel. Rendez-vous en janvier pour un premier bilan.
Scarlett HADDAD
Ce n’était qu’un rêve, mais cela pourrait devenir une réalité. L’ENA-Liban, qui n’était qu’une idée en 1999, n’attend plus qu’un décret du Conseil des ministres pour démarrer. Le conseil d’administration de cette école, à sa tête le Dr Élie Assaf, est prêt pour organiser un concours d’entrée destiné à recruter 30 fonctionnaires de deuxième catégorie...