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conférence - Waël Kheir appelle la justice à arrêter les assassins de Bonnie Witherall et de Jamil Rifaï La FDHDH stigmatise les attaques répétées contre la communauté évangélique au Liban

La Fondation des droits de l’homme et du droit humanitaire (FDHDH) a tenu hier une conférence de presse pour dénoncer les deux attentats qui ont visé, au cours des derniers mois, la communauté évangélique au Liban : le 21 novembre 2002, la missionnaire américaine Bonnie Penner Witherall avait été abattue à Saïda et le 6 mai dernier, le Jordanien Jamil Rifaï avait été tué dans un attentat à l’explosif visant un pasteur hollandais à Tripoli. La conférence de presse s’est déroulée en présence du troisième secrétaire à l’ambassade de Chine, Zhang Haitao, de l’attaché à l’ambassade américaine, Fady Hafez, et de deux pasteurs évangélistes.
« Derrière ces deux actes criminels se cache un motif religieux, irrespectueux de la liberté de conscience garantie par l’article 18 de la Déclaration universelle des droits de l’homme », a affirmé le porte-parole de la FDHDH, M. Waël Kheir. La liberté de conscience fait partie du droit naturel et des normes impératives essentiels à l’homme – le jus cogens – qui s’imposent nécessairement au droit positif interne et qui sont consacrés par des chartes internationales, a poursuivi M. Kheir. L’article 18 de la Déclaration universelle des droits de l’homme stipule d’ailleurs que « toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion. Ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seul ou en commun, tant en public qu’en privé, par l’enseignement, les pratiques, le culte et l’accomplissement des rites ». Les dispositions de cet article concernent aussi bien le cas de Bonnie Penner Witherall que celui de Jamil Rifaï, a indiqué Waël Kheir : « Bonnie Witherall a mis en application son droit à exprimer librement sa religion. Jamil Rifaï a usé de son droit à changer de religion », a-t-il indiqué.
De plus, l’État ne peut que reconnaître ces libertés et ces droits, puisqu’ils sont essentiels à l’homme et constants, c’est-à-dire qu’il n’appartient à aucune autorité de les annuler, de ne pas les respecter ou de les ôter à leurs propriétaires, a-t-il souligné. Selon M. Kheir, « l’État a failli jusqu’à présent à ses responsabilités du moment que ceux qui ont versé le sang des deux victimes sont toujours libres et que rien ne prouve qu’ils risquent de se retrouver bientôt sous les verrous ».
Le porte-parole de la FDHDH a par ailleurs critiqué les violations des droits de l’homme qui se trouvent consacrés par les textes constitutionnels libanais, notamment en ce qui concerne la nécessité pour une personne d’être affiliée aux dix-huit communautés reconnues par l’État pour avoir droit au statut de citoyen libanais – une violation flagrante de l’article 18 de la Déclaration de 1948. « Le fait qu’il existe un glossaire de communautés reconnues limite la liberté de croyance, et il s’agit d’une atteinte au principe de la liberté inaliénable consacrée par l’article 18 », a-t-il indiqué.
M. Kheir a également critiqué l’absence d’un statut juridique pour les personnes qui sont en faveur de la laïcité, et, par conséquent, l’inexistence d’une plate-forme juridique qui permettrait à ces personnes d’exercer leur pensée librement, sans masquer leurs convictions réelles en société. « Ces personnes ont droit à un statut personnel hors du contexte communautaire », a-t-il souligné. Il s’agit également d’une atteinte aux communautés elles-mêmes, puisque les personnes athées sont obligées d’adhérer à des sacrements auxquels elles ne croient pas, en définitive. « N’est-il pas plus conforme au principe de la liberté et aux principes sacrés de limiter l’espace religieux aux croyants ? » s’est-il interrogé.
M. Kheir a ensuite plaidé en faveur de l’adoption, dans les plus brefs délais, d’une définition juridique moderne du terme « religion », qui aille dans le sens de la démocratie et du respect des droits de l’homme, pour limiter les excès de part et d’autre. Ce qui passe par l’amendement de la décision du haut-commissaire français n° 60 L.R. (1936) qui énumère les communautés reconnues par l’État libanais. Il a enfin plaidé en faveur de l’identification des meurtriers des deux évangélistes.
De son côté, l’archevêque de l’Église libanaise baptiste évangélique, le pasteur Edgar Traboulsi, invité à la tribune de la FDHDH, a condamné les deux crimes de Saïda et Tripoli. Le pasteur Traboulsi a mis en exergue l’attachement de la communauté évangélique à la liberté de l’être humain, notamment la liberté de conscience, d’expression et de religion. « Nous n’avons jamais réprimé quiconque en raison de ses opinions, de sa religion ou de sa race. Au contraire, nous avons souvent souffert et subi le martyre pour obtenir notre liberté de religion et étendre cette liberté à nos prochains », a-t-il estimé. « (...) Nous avons toujours revendiqué la liberté pour tous, chrétiens, musulmans, agnostiques... Nul n’a le droit de porter un jugement sur la conscience de l’être humain en ce qui concerne sa relation avec Dieu. Les textes constitutionnels et les autorités n’ont qu’à garantir la liberté de religion à tout le monde », a-t-il poursuivi, en mettant l’accent sur l’importance du pardon et de la rédemption et sur le rejet de la haine dans la croyance évangéliste. « Nous pardonnons à ceux qui ont porté atteinte à deux de nos frères. Nous les appelons au repentir pour qu’ils obtiennent la rédemption divine. Nous prions aussi pour tous ceux, notamment les hommes politiques, les journalistes et les figures religieuses, qui mènent une campagne, par le biais des médias, contre les évangélistes, qui sont la cible d’accusations politiques haineuses et infondées : ils ne doivent pas être à la base d’incitation au meurtre d’innocents », a-t-il conclu, en réaffirmant l’allégeance des évangélistes au Liban.
Répondant aux questions des journalistes, concernant notamment la responsabilité, du point de vue des droits de l’homme, de certains députés, tels que MM. Walid Joumblatt, Nasser Kandil ou Bassem Yamout, qui ont initié des campagnes contre ce qu’ils ont appelé « le judéo-christianisme », M. Kheir a estimé que nul n’avait le droit de porter un jugement sur la liberté de croyance de quiconque, et que ces agissements correspondent à « une campagne d’intimidation ». « Il y a au Liban une théorie idéologique selon laquelle les chrétiens existent dans le monde arabe pour remplir un certain rôle. C’est une conception irrecevable en matière de droits de l’homme, parce que nul n’a à justifier son existence par une fonction quelconque », a-t-il conclu.
M. H. G.

Sur l’inhumation de Jamil Rifaï
Le Liban est connu pour être un modèle d’ouverture, de tolérance, d’acceptation de l’autre. Un modèle de coexistence interreligieuse et de respect des libertés. Ces principes sont au cœur de la légitimité libanaise et sont consacrés par les textes constitutionnels. Ils sont fortement ancrés dans le discours politique, dans la conscience du Liban. Ils constituent le pilier éthique sur lequel repose l’entité libanaise.
Curieux destin que celui de Jamil Rifaï, le ressortissant jordanien assassiné à Tripoli, mahométan converti au christianisme et membre de la communauté évangélique. Tout aussi curieux a été son enterrement : selon des sources proches de la FDHDH, la famille jordanienne de Rifaï, considérant que celui-ci était un « apostat », a refusé de prendre en charge son inhumation. Certains dignitaires musulmans ont refusé, pour leur part, d’organiser un office funéraire, estimant que cela n’était pas de leur ressort, du fait de la conversion du Jordanien. Quant aux dignitaires chrétiens, ils n’ont pas eu le droit d’organiser la cérémonie des obsèques. La solution a été une inhumation, discrète, dans une fosse commune du camp de réfugiés palestiniens de Beddaoui (Tripoli).
Triste – et profondément choquante – fin de parcours pour Jamil Rifaï. Un affront à la sacro-sainte liberté de conscience, de culte et de religion, à laquelle le Liban s’est juré de faire allégeance. Il est vrai que l’existence de l’individu et le respect qui lui est dû pèsent parfois bien peu dans la balance des différentes açabiyyats, au sens déterminé par le sociologue arabe Ibn Khaldoun au XIVe siècle.
Michel HAJJI GEORGIOU
La Fondation des droits de l’homme et du droit humanitaire (FDHDH) a tenu hier une conférence de presse pour dénoncer les deux attentats qui ont visé, au cours des derniers mois, la communauté évangélique au Liban : le 21 novembre 2002, la missionnaire américaine Bonnie Penner Witherall avait été abattue à Saïda et le 6 mai dernier, le Jordanien Jamil Rifaï avait été...