Rechercher
Rechercher

Actualités

Droits de l’homme - Le rapport d’Amnesty 2002 accablant pour le Liban Augmentation des cas de torture en prison(photo)

Arrestations arbitraires, emprisonnement d’opposants politiques, procès qui n’obéissent pas aux normes internationales de justice et d’équité, fermeture de médias, assassinats politiques et tortures contrôlées par les services de renseignements... Ceci ne traduit ni la situation au Chili, du temps de Pinochet, ni encore les exactions commises dans un quelconque pays d’Afrique. Telle est la situation au Liban, rapportée par le rapport 2002 d’Amnesty International. Le Liban, qui se voulait l’exemple de la tolérance et de la démocratie dans la région, qui était la terre d’asile d’opposants politiques venus des quatre coins du Moyen-Orient...

Hier midi à Beyrouth, Amnesty International a présenté son rapport annuel 2002. Ce document a été rendu public simultanément dans plusieurs capitales du monde, notamment à Londres, siège de l’Association internationale pour la protection des droits de l’homme. Dans l’après-midi, les membres et les bénévoles de l’organisation ont observé un sit-in, place des Martyrs, en signe de solidarité avec « les victimes de la liberté d’opinion et d’expression », un droit que garantit l’article 19 de la Déclaration des droits de l’homme des Nations unies.
Dans ce rapport, qui dresse un bilan de la situation des droits de l’homme dans le monde, une section est consacrée – comme d’habitude – au Liban.
Le document a été présenté au siège de l’Ordre de la presse en présence notamment de Georges Skaf, vice-président du syndicat de la presse, de Ahmed Karoud, directeur du bureau régional d’Amnesty International, d’Ordesse Hamad, chercheur au programme Moyen-Orient au secrétariat international de l’organisation, de Abdelhady Khawaja, directeur du centre des droits de l’homme à Bahreïn, et de Nisrine Saleh, membre des groupes libanais d’Amnesty.
C’est M. Hamad, venu spécialement de Londres pour l’occasion, qui a présenté la section du rapport consacrée au Liban. Trois pages accablantes.
M. Hamad, qui a précisé que le rapport couvre la situation des droits de l’homme durant l’année 2002, a souligné que « la torture dans les prisons libanaises, notamment au ministère de la Défense, est en hausse ». Un fait qui est également rapporté par le document. En voici un résumé.
Au cours de l’année 2002, des dizaines d’opposants politiques, chrétiens et musulmans, ont été arrêtés. Parmi les musulmans arrêtés figurent des personnes soupçonnées d’appartenir à des groupements religieux sunnites, notamment le Parti islamique de libération et d’autres soupçonnés d’avoir des liens avec el-Qaëda.
Parmi les chrétiens interpellés, figurent des jeunes et des étudiants appartenant aux Forces libanaises et au mouvement aouniste, arrêtés durant des manifestations contre la présence syrienne au Liban ou pour la distribution de documents politiques.
Le rapport précise que certaines de ces personnes arrêtées « ont été torturées pour obtenir des aveux ».
Le document souligne que des dizaines de personnes ont été traduites en justice, parmi elles notamment celles qui sont accusées d’appartenir à l’Armée du Liban-Sud et de « collaboration » avec Israël. « Leurs procès devant le tribunal militaire n’ont pas obéi aux normes internationales des procès équitables », relève le document. Dans ce cadre aussi, les témoignages font état d’aveux soutirés sous la torture. D’autres prisonniers politiques, notamment des islamistes, sont restés en prison en attendant l’ouverture de leur procès.
Le rapport revient également sur l’arrestation, le procès et le jugement du conseiller du chef des FL dissoutes Samir Geagea, Toufic Hindi, et des deux journalistes Habib Younès et Antoine Bassil, tous les trois condamnés par le tribunal militaire et qui « pourraient être des prisonniers d’opinion », relève le document, soulignant « qu’apparemment leur procès était injuste ».
Le texte reprend également des témoignages sur la torture et la maltraitance pratiquées sur des détenus politiques dans des prisons contrôlées par les services de renseignements. Deux anciens détenus indiquent qu’ils ont été battus, parfois à l’aide de câbles d’acier, sur les pieds, le ventre, la tête et le visage, qu’ils ont été privés d’eau et de nourriture durant trois jours et qu’ils ont été accrochés à des poulies (qui pendent du plafond) par les poignets liés derrière le dos. L’un d’eux, arrêté à plusieurs reprises, indique qu’il avait 16 ans quand il avait subi pour la première fois ce genre de torture.
Sous la rubrique des assassinats politiques, on retrouve le nom du militant FL Ramzi Irani, enlevé en plein jour à Beyrouth et retrouvé mort deux semaines plus tard dans le coffre de sa voiture. M. Hamad a relevé dans ce cadre que « jusqu’à présent, les autorités libanaises n’ont pas effectué une enquête juste et indépendante relative à cette affaire ».
Le rapport évalue également le dossier des disparus, rappelant qu’une commission ministérielle chargée du dossier avait été créée sans pour autant que les résultats de ses travaux ne soient rendus publics. Au sujet des détenus libanais dans les geôles syriennes, le document précise qu’un comité formé des familles de ces prisonniers avait rendu visite, en juillet dernier, au ministre syrien de l’Intérieur pour s’informer du sort de leurs proches. Le responsable n’avait pas donné suite à leur requête.
Sur la liberté d’expression, le rapport rappelle la fermeture de la chaîne de télévision MTV et l’invalidation de l’élection de Gabriel Murr au Parlement à « l’issue d’un jugement inéquitable du Conseil constitutionnel interdisant à l’accusé de faire appel ». Le texte rappelle la décision du ministre de l’Intérieur visant à interdire les manifestations de soutien à la chaîne. L’année 2002 a connu « une augmentation des mesures d’oppression contre les médias et les entreprises de presse qui contestent les politiques du gouvernement et la présence syrienne au Liban », précise le rapport.
Celui-ci dresse également un bilan sombre de la situation des réfugiés politiques qui ont choisi le Liban comme terre d’exil et qui sont arrivés clandestinement à destination. Deux réfugiés irakiens « sont morts dans la prison de Roumié par manque de soins de santé, selon certaines informations », indique le texte, insistant sur la torture subie en prison par certains de ces réfugiés clandestins.
Le document ne néglige pas les atteintes aux droits des enfants et la violence envers les femmes. Dans ce cadre, M. Hamad a souligné « la recrudescence des viols et des crimes d’honneur ».
Une note positive quand même : le rapport précise que la situation dans certaines prisons s’est améliorée, notamment dans la prison de femmes à Baabda, où les détenues ont été transférées dans un nouveau bâtiment, qui n’abrite plus les locaux réservés aux geôliers hommes. De plus, les autorités libanaises ont permis à des représentants de la Croix-Rouge de visiter, en octobre dernier, certaines prisons du pays.

Patricia KHODER
Arrestations arbitraires, emprisonnement d’opposants politiques, procès qui n’obéissent pas aux normes internationales de justice et d’équité, fermeture de médias, assassinats politiques et tortures contrôlées par les services de renseignements... Ceci ne traduit ni la situation au Chili, du temps de Pinochet, ni encore les exactions commises dans un quelconque pays...