Toujours est-il que les politiciens qui ont participé à la concertation évoquée ont commencé par passer en revue l’historique des batailles pour la présidentielle au Liban. En énumérant les phases et les articulations circonstancielles des disputes successives. Des phases qui présentent un trait commun : les tentatives du pouvoir en place de se maintenir, au besoin en recourant à la fraude au niveau des urnes. Il y eut ainsi les tristement célèbres élections du 25 mai 47, sous Béchara el-Khoury, président qui est effectivement parvenu à ses fins, mais pour se faire dégommer en 52 par une révolution blanche. Il y eut ensuite les élections de 57, organisées pour faciliter la reconduction de Camille Chamoun, avec comme résultat une deuxième révolution, mais rouge. Plus tard, les chéhabistes n’ont pas réussi à faire passer l’idée d’une prorogation du mandat présidentiel et le général a renoncé à se représenter. Pendant la guerre, Élias Sarkis s’est distingué de la liste en refusant catégoriquement la rallonge de deux ans soutenue par les instances internationales et arabes. Amine Gemayel, selon la plupart des professionnels, aurait forgé le dessein de rester, en tablant sur un vide du pouvoir, mais n’avait pu y parvenir et s’était trouvé contraint, en dernière minute, de désigner un cabinet militaire sous la direction du général Michel Aoun. Élias Hraoui a obtenu pour sa part un bonus de trois ans, malgré l’opposition initiale de la majorité écrasante des députés, comme malgré l’article 49 de la Constitution, et cela grâce à la décision prise par le président Hafez el-Assad.
Après ce récapitulatif, qui en dit long en fait sur les conditions présentes, les participants au dialogue cité se sont derechef penchés sur l’article 49, qui interdit toujours à un président en exercice de se représenter avant l’intervalle d’un sexennat. Certains ont soutenu qu’il faut maintenir ces dispositions ou alors les amender. Pour que le mandat présidentiel soit ramené à quatre ans, et renouvelable une seule fois. Mais d’autres s’y sont opposés. En soulignant que six ans suffisent. Et qu’en ramenant le mandat à quatre ans, on risque de voir le président en place mobiliser et monopoliser tout le potentiel de l’État pour assurer sa réélection et éliminer toute concurrence possible. Ces professionnels relèvent qu’en démocratie, si un président est rééligible, c’est uniquement quand le suffrage universel s’exerce, et non par un vote de la Chambre facile à contrôler par des pressions ou des cadeaux déterminés. D’autres encore, mi-sérieux, ont suggéré que l’on rajoute au serment d’investiture prévu à l’article 50 C (Constitution) l’engagement suivant : « Je jure de ne pas solliciter de prorogation ou de reconduction. » Ajoutant que le président Lahoud, qui n’a pas couru après la présidence mais l’inverse,
devrait proclamer dès maintenant son intention de respecter la Constitution telle quelle, en récusant les efforts déployés en faveur de la reconduction de son mandat. Il serait ainsi pratiquement le premier chef de l’État des temps de paix qui, ayant la possibilité sans doute de faire réviser la Constitution, s’y refuserait et il ferait de la sorte exemple pour l’avenir. Du même coup, soulignent ces mêmes sources, le président mettrait un terme aux divisions internes, qui risquent de s’intensifier, autour de la reconduction. La période restante de son mandat se déroulerait de la sorte dans le calme. Cependant, des personnalités font remarquer que le président Lahoud n’a jamais exprimé l’intention de prolonger son bail à Baabda. Dès lors, il ne serait pas tenu à déclarer qu’il s’y refuse. Sans compter qu’une telle proclamation ne changerait sans doute rien aux manœuvres axées sur la reconduction. La faute, concluent ces sources, a été d’ouvrir trop tôt la campagne de tiraillements. Alors que la situation régionale, qui conditionne finalement les présidentielles, ne s’est pas encore décantée.
Émile KHOURY
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