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La « feuille de route » suscite à Beyrouth des réactions mi-figue, mi-raisin

Terjé Roed-Larsen, coordinateur onusien du processus de paix, est formel, catégorique, tranchant : la « feuille de route » est intangible. Elle ne subira aucune modification, il n’est pas question de la renégocier et son application démarre sur les chapeaux de roue. Ces fermes propos suscitent à Beyrouth des réactions variées. Le scepticisme le dispute à un espoir tempéré.
Les optimistes se réfèrent à la détermination affichée par Bush qui martèle depuis son avènement sa volonté de voir un État palestinien s’établir en 2005. À partir de quoi, la question des réfugiés palestiniens, primordiale pour le Liban, serait réglée. En effet, ces réfugiés, devenant des ressortissants d’un État reconnu, disposeraient enfin de passeports normaux, leur permettant de se rendre dans n’importe quel pays. Ils auraient également le choix de rester, mais deviendraient alors des résidents étrangers ordinaires, soumis aux lois et règlements qui régissent le statut de tels hôtes. Ils pourraient enfin retourner dans les territoires palestiniens. Ou, si cela est impossible, s’ils sont originaires par exemple de zones sous contrôle de l’État israélien, ils seraient indemnisés. En tout cas le danger de l’implantation serait gommé au Liban. Les camps tomberaient sous le contrôle de l’État et leur population désarmée.
Toujours selon les optimistes du cru, Bush, qui veut se faire réélire facilement, cherche à atteindre avant cette échéance les objectifs suivants :
– Ramener les Israéliens et les Palestiniens à la table des négociations, pour discuter de l’exécution, étape après étape, de la « feuille de route ». En discutant les amendements proposés par chacune des deux parties. L’objectif étant de proclamer la création de l’État palestinien en 2005. Pour débattre ensuite avec l’État hébreu des questions qui resteraient à régler.
– Assurer la sécurité, l’arrêt de la violence, durant les pourparlers. Le but des deux rencontres au sommet américano-arabe prévues à Charm el-Cheikh et à Akaba est de conforter les efforts déployés en faveur de la « feuille de route » par un climat de calme.
– Réactiver la coalition internationale de lutte contre le terrorisme. Pour que les organisations subversives soient neutralisées et ne puissent agir partout. La consolidation de cette alliance serait facilitée par la mise sur les rails des négociations israélo-palestiniennes ainsi que par le redémarrage des pourparlers syro-libano-israéliens. Le tout aiderait par ricochet à stabiliser l’Irak, en jugulant par ailleurs l’activisme fondamentaliste dans la région.

L’autre point de vue
Quant aux sceptiques, ils font valoir que Sharon a présenté des propositions de retouches qui vident pratiquement la « feuille de route » de son contenu. Certes, reconnaissent-ils, il renonce apparemment à insister sur ces amendements. Non pas sous la pression US, mais par complaisance à l’égard de Bush, afin d’en faciliter la réélection. Sharon accepterait donc de retourner à la table des négociations. Mais après les élections US, et quels qu’en soient les résultats, Israël se remettrait à atermoyer, que Sharon se trouve ou non au pouvoir. En rééditant ainsi les manœuvres dilatoires de Yitzhak Shamir, qui avait fait mine d’accepter les principes de Madrid, en se promettant de les diluer, de gagner au moins dix ans, ce qui a été fait largement. Le prédécesseur de Sharon, qui était également chef du Likoud, avait été contraint de se plier à la volonté immédiate de Bush père, parce qu’il y avait en jeu une ligne de crédits militaires américains de l’ordre de dix milliards de dollars. Mais comme Shamir l’a indiqué dans ses mémoires, il lui a été facile ensuite de contourner les prescriptions de la conférence de paix de Madrid et de torpiller pratiquement le processus. Sharon n’aurait qu’à suivre cet exemple, en engageant des pourparlers sans fin. Et en obtenant, puisque la « feuille de route » elle-même prévoit cette condition préliminaire, un arrêt de l’intifada ou plus exactement de la violence palestinienne. Pour réaliser son seul véritable objectif, la sécurité d’Israël, ce qui lui permettrait en outre de remporter haut la main les prochaines élections israéliennes. Quant aux problèmes de la colonisation et du retour de réfugiés, ils resteraient sans solution. Selon ces pessimistes, la seule façon de faire fléchir vraiment Israël consiste à poursuivre l’intifada et les attentats-suicide. Cela modifierait sans doute également les calculs de l’Administration US, surtout avec l’apparition d’une résistance irakienne organisée, liée aux mouvements fondamentalistes. Les États-Unis, après avoir gagné sur le terrain, perdraient politiquement et se verraient contraints, tôt ou tard, à remettre le destin de l’Irak aux Irakiens. S’ils ne le font pas, concluent ces sources, la région serait en proie, pour de longues années, aux guerres, à l’anarchie et aux révolutions.

Émile KHOURY
Terjé Roed-Larsen, coordinateur onusien du processus de paix, est formel, catégorique, tranchant : la « feuille de route » est intangible. Elle ne subira aucune modification, il n’est pas question de la renégocier et son application démarre sur les chapeaux de roue. Ces fermes propos suscitent à Beyrouth des réactions variées. Le scepticisme le dispute à un espoir...