Entre cette expérience du passé et la situation présente, la similitude est évidente. Le président Lahoud, qui suit une politique de volume national, considère la présence militaire syrienne comme légale, nécessaire et provisoire. Ce qui n’est pas du tout l’avis, on le sait, de l’opposition chrétienne, représentée notamment par le groupe de Kornet Chehwane.
Le régime présent pourrait être taxé à son tour non pas de nassérisme mais de suivisme, ce qui est à peu près pareil. Il pourrait, à l’exemple de Chéhab, préférer rester attaché à ses constantes et perdre, plutôt que de se voir reprocher un parti pris en faveur de sa confession. Il ne peut faire comme d’autres qui se barricadent derrière des positions confessionnelles dans la perspective des prochaines échéances électorales.
Il n’a donc pas un parti communautaire derrière lui pour le soutenir. De plus, ceux qui tentent d’améliorer l’image de marque du régime auprès de la rue chrétienne ne semblent pas bien placés pour marquer des points.
D’autant que le président Lahoud n’est prêt à aucune concession concernant ses positions de base. Qui, en définitive, peuvent d’ailleurs lui servir de point d’appui gagnant. Tout comme elles risquent de le desservir, tout dépendant des circonstances qui prévaudront localement, et régionalement, dans un an et demi. En tout cas, la philosophie des loyalistes est qu’il vaut mieux perdre en continuant à avoir raison que gagner en ayant tort sur le fond. Ils ajoutent que le président Lahoud n’a pas besoin d’intermédiaire, surtout pas du genre qui est rejeté, entre lui et sa communauté. Il traite directement avec Bkerké pour des positions coordonnées en vue de servir les causes locales et régionales.
Mais les tiraillements vont crescendo et il semble probable que le mandat s’achève sur des crises plutôt que sur des réalisations.
Ainsi le Conseil des ministres est menacé de paralysie si un accord minimal n’est pas conclu au sujet des dossiers litigieux. Les heurts politiques peuvent même conduire rapidement à la dissolution du nouveau gouvernement. Le pays pourrait alors être plongé dans une crise de pouvoir aux conséquences incalculables. Surtout si l’on devait empêcher à tout prix Hariri de former de nouveau le cabinet. Ce qui est possible, et même assez logique, du moment que le problème ne tient pas dans la composition du gouvernement mais dans l’antagonisme chronique, irrémédiable, opposant les deux têtes de l’Exécutif, le président de la République et le président du Conseil. Ce postulat est démontré par le fait que l’on a certes changé de gouvernement, mais pas de climat. En fait, comme le relèvent nombre de professionnels, Hariri semble se comporter sur la base d’un calcul simple : le régime va s’en aller et lui, il va rester. Il est donc contre la reconduction, car cela signifierait sa propre éviction à terme. Mais, ajoutent les mêmes sources, le régime pense pour sa part que jusqu’à l’échéance présidentielle, dans un an et demi, il garde toute latitude de mettre Hariri sur la touche. Beaucoup prévoient du reste que les nouveaux Trente ne durent pas jusqu’à la fin du mandat, du moment qu’ils ne font qu’expédier les affaires courantes, à cause des disputes. Mais les décideurs ne veulent pas de secousses et vont tenter d’arranger les choses.
Émile KHOURY
Les plus commentés
Retour des Syriens : Assad s'impose dans le débat
Nasrallah : Israël n’a réalisé aucun de ses objectifs dans cette guerre
Autosécurité : Nadim Gemayel veut rouvrir « Les Yeux d'Achrafieh »