Rechercher
Rechercher

Actualités

Personne ne veut en reconnaître la paternité La chasse à courre présidentielle est bien ouverte !

On s’en doutait dès les premières prises de bec « maronitiques » qui ont suivi la formation du nouveau cabinet : la course à la présidence de la République est lancée, avec un an et demi d’avance. Les derniers âpres débats en Conseil des ministres sont venus confirmer que l’on est déjà pratiquement en campagne. Mais personne ne veut assumer ce démarrage par trop anticipé et les différents protagonistes s’en rejettent réciproquement la responsabilité. Tout en évitant d’ouvrir de suite une confrontation plongeant le pays dans une longue crise que son économie, déjà mal en point, ne supporterait pas. On n’en est donc pas encore aux surenchères explosives. Mais chacun affûte ses armes, balise ses voies de pénétration, prépare le terrain. En évitant autant que possible d’investir le potentiel que lui confère sa position au sein du pouvoir, pour utiliser comme premières munitions l’appui de sa communauté propre et de ses alliances traditionnelles. Le président Hariri tourne ainsi son regard vers son fief de Beyrouth, en se focalisant sur les demandes de la cité. Le président Berry se replante au Sud, pour une tournée de villages émaillée de propos sur la nécessité de répartir les futures écoles équitablement entre toutes les régions. Le secrétaire général du Hezbollah, sayyed Hassan Nasrallah, se rend de son côté dans sa région de base, la Békaa, pour y parler de la Résistance et y recommander le report des échéances électorales, la présidentielle comme les législatives. Quant au chef de l’État, il tient certes un discours d’ordre national aconfessionnel, mais certains de ses partisans tentent de faire briquer son image de marque auprès de sa communauté d’origine, en se fondant sur sa dernière rencontre avec le patriarche Sfeir. Selon des observateurs avertis, il est manifeste que Karim Pakradouni, que certains qualifient de maire du palais, c’est-à-dire de porte-parole officieux du régime, s’efforce de consolider ses positions au sein de la collectivité chrétienne. Il s’adresse plus particulièrement aux maronites en évoquant les projets qui leur importent (comme les naturalisations, la loi électorale, les nominations ou la décentralisation) pour les ramener dans le giron du pouvoir. Mais le parcours du régime ressemble un peu à celui de Chéhab jadis. Ce premier général-président avait, lui aussi, tracé une ligne politique visant à servir la nation tout entière. Mais les chrétiens en général (les maronites, en particulier, attendaient de lui qu’il servît les siens) étaient déçus et lui reprochaient de suivre une voie favorisant le nassérisme. Le régime d’alors avait ainsi perdu les législatives dans son propre fief du Kesrouan, au profit du Helf tripartite. Chéhab avait ensuite renoncé à se présenter pour un deuxième mandat. D’ailleurs le patriarche Méouchy était intervenu auprès de l’Administration Kennedy pour qu’il n’y ait pas de reconduction.
Entre cette expérience du passé et la situation présente, la similitude est évidente. Le président Lahoud, qui suit une politique de volume national, considère la présence militaire syrienne comme légale, nécessaire et provisoire. Ce qui n’est pas du tout l’avis, on le sait, de l’opposition chrétienne, représentée notamment par le groupe de Kornet Chehwane.
Le régime présent pourrait être taxé à son tour non pas de nassérisme mais de suivisme, ce qui est à peu près pareil. Il pourrait, à l’exemple de Chéhab, préférer rester attaché à ses constantes et perdre, plutôt que de se voir reprocher un parti pris en faveur de sa confession. Il ne peut faire comme d’autres qui se barricadent derrière des positions confessionnelles dans la perspective des prochaines échéances électorales.
Il n’a donc pas un parti communautaire derrière lui pour le soutenir. De plus, ceux qui tentent d’améliorer l’image de marque du régime auprès de la rue chrétienne ne semblent pas bien placés pour marquer des points.
D’autant que le président Lahoud n’est prêt à aucune concession concernant ses positions de base. Qui, en définitive, peuvent d’ailleurs lui servir de point d’appui gagnant. Tout comme elles risquent de le desservir, tout dépendant des circonstances qui prévaudront localement, et régionalement, dans un an et demi. En tout cas, la philosophie des loyalistes est qu’il vaut mieux perdre en continuant à avoir raison que gagner en ayant tort sur le fond. Ils ajoutent que le président Lahoud n’a pas besoin d’intermédiaire, surtout pas du genre qui est rejeté, entre lui et sa communauté. Il traite directement avec Bkerké pour des positions coordonnées en vue de servir les causes locales et régionales.
Mais les tiraillements vont crescendo et il semble probable que le mandat s’achève sur des crises plutôt que sur des réalisations.
Ainsi le Conseil des ministres est menacé de paralysie si un accord minimal n’est pas conclu au sujet des dossiers litigieux. Les heurts politiques peuvent même conduire rapidement à la dissolution du nouveau gouvernement. Le pays pourrait alors être plongé dans une crise de pouvoir aux conséquences incalculables. Surtout si l’on devait empêcher à tout prix Hariri de former de nouveau le cabinet. Ce qui est possible, et même assez logique, du moment que le problème ne tient pas dans la composition du gouvernement mais dans l’antagonisme chronique, irrémédiable, opposant les deux têtes de l’Exécutif, le président de la République et le président du Conseil. Ce postulat est démontré par le fait que l’on a certes changé de gouvernement, mais pas de climat. En fait, comme le relèvent nombre de professionnels, Hariri semble se comporter sur la base d’un calcul simple : le régime va s’en aller et lui, il va rester. Il est donc contre la reconduction, car cela signifierait sa propre éviction à terme. Mais, ajoutent les mêmes sources, le régime pense pour sa part que jusqu’à l’échéance présidentielle, dans un an et demi, il garde toute latitude de mettre Hariri sur la touche. Beaucoup prévoient du reste que les nouveaux Trente ne durent pas jusqu’à la fin du mandat, du moment qu’ils ne font qu’expédier les affaires courantes, à cause des disputes. Mais les décideurs ne veulent pas de secousses et vont tenter d’arranger les choses.
Émile KHOURY
On s’en doutait dès les premières prises de bec « maronitiques » qui ont suivi la formation du nouveau cabinet : la course à la présidence de la République est lancée, avec un an et demi d’avance. Les derniers âpres débats en Conseil des ministres sont venus confirmer que l’on est déjà pratiquement en campagne. Mais personne ne veut assumer ce démarrage par trop...