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Interview - Les propriétaires des carrières n’ont pas respecté les lois dans leur travail, souligne l’ancien ministre de l’Environnement « Nous ne permettrons pas que Naamé devienne un second Bourj Hammoud », affirme Chéhayeb

Avec sa fougue habituelle et son franc-parler, Akram Chéhayeb, président de la commission parlementaire de l’Environnement et ancien ministre de l’Environnement, exprime, dans une interview à «L’Orient-Le Jour», son opinion sur la crise des carrières, « artificiellement provoquée », et la question des déchets après la saturation de la décharge de Naamé, « dont nous ne permettrons pas la transformation en un second Bourj Hammoud ». Au lendemain de la séance parlementaire consacrée à ses deux sujets, il ne cache pas sa déception après les réponses peu convaincantes apportées par le président du Conseil des ministres concernant la politique de traitement des déchets, et déclare qu’il demanderait à nouveau au gouvernement de poser la question de confiance mardi prochain, notant que l’absence de quorum « mine la fonction de contrôle des députés ». Sur l’interpellation présentée par le député Nicolas Fattouche au gouvernement, il se contente de remarquer que « les propriétaires de carrières ont longtemps ignoré les textes de loi, pourquoi revendiquer avec autant de force l’application d’une décision judiciaire aujourd’hui ? ».

«Le problème des carrières ne date pas d’hier, bien qu’il soit régulièrement soulevé depuis quelque temps », déclare d’emblée M. Chéhayeb.
Il rappelle que dans le cadre du plan directeur, les équipements des carrières se trouvant hors des régions désignées devaient être démontés, précisant que le texte avait stipulé deux points essentiels : d’une part, toute personne désirant exploiter un terrain non autorisé dans le plan directeur devait se référer directement au Conseil des ministres pour obtenir un permis, d’autre part, l’importation de gravier et de sable est autorisée « afin d’ouvrir la voie à une réelle compétition ».
Or qu’est-il arrivé depuis l’adoption du plan ? « Les équipements n’ont pas encore été démontés, certaines carrières “protégées” n’ont pas arrêté de fonctionner, l’intérêt pour les sites autorisés dans la chaîne de l’Anti-Liban est resté inexistant parce que les propriétaires en question sont convaincus que le gouvernement reviendra sur sa décision », répond-il. « Or la région désignée par le plan directeur a besoin de réhabilitation pour être en mesure d’accueillir une telle activité, des travaux qui requièrent quelque six mois. À mon avis, avec l’importation et l’écoulement des stocks existants, nous pourrions combler le besoin du marché d’ici là. »
Ne considère-t-il pas qu’en fermant les carrières, l’État prive toute une catégorie de la population de sa principale source de revenus ? « Au contraire », affirme-t-il. « Quand les carrières seront situées dans l’Anti-Liban, les chauffeurs de camions auront d’autant plus de travail que la distance sera plus longue. Même pour les matières premières importées, il faut qu’elles soient transportées à destination. Les opportunités de travail en seront augmentées. »
Économiquement, M. Chéhayeb souligne que « le développement est intimement lié au respect de l’environnement dans la conception moderne du progrès ».
Demandera-t-il de nouveau au gouvernement de poser la question de confiance lors de la prochaine séance parlementaire mardi ? « Quand je l’ai fait hier (mardi), parce que la réponse du Premier ministre sur la question des déchets m’a paru expéditive, peu documentée et peu convaincante, un défaut de quorum a été provoqué à la Chambre par la sortie des députés », raconte-t-il. « J’avais prévenu le président de la Chambre qu’un tel comportement minerait l’une des fonctions du député, qui est celle de contrôler l’action du gouvernement. » Toutefois, la possibilité de réitérer cette initiative mardi prochain, lors de la séance parlementaire, n’est pas exclue selon lui.

Qu’y a-t-il après
la fermeture de Naamé ?
Prié de commenter l’interpellation du député Nicolas Fattouche (à propos du non-respect par le gouvernement d’une décision du Conseil d’État concernant la réouverture de la carrière de son frère) et la recommandation finale appelant le Conseil des ministres à respecter la décision judiciaire, M. Chéhayeb considère que « celle-ci donne à M. Fattouche la latitude de rouvrir le débat sur le plan directeur, ce à quoi nous sommes hostiles », précise-t-il. « D’autre part, celui qui revendique l’application des lois et des décisions judiciaires doit être lui-même respectueux des textes. Or on ne peut que constater que dans toutes les carrières au Liban, dont la sienne, les lois ont été longtemps ignorées, sinon il n’y aurait pas eu besoin d’un plan directeur. De plus, malgré la décision du Conseil d’État, on ne peut nier que le site exploité par le frère de M. Fattouche à Dahr el-Baidar a été considérablement endommagé. »
Quel impact aura, selon lui, cette recommandation sur le prochain Conseil des ministres ? « Nous comptons sur les ministres sensibles au respect de l’environnement et sur la compréhension du président de la République, et espérons que le Conseil des ministres prendra en considération l’intérêt public », répond-il simplement.
Interrogé spécifiquement sur ses griefs et sur ses informations en matière de politique de traitement des déchets, l’ancien ministre rappelle que le plan d’urgence, mis en place en 1997 pour régler le problème de la capitale et de ses environs après la fermeture du dépotoir de Bourj Hammoud, et qui a conduit à l’installation de la décharge de Naamé, devait être suivi d’un plan global que le gouvernement tarde à exécuter. « La décharge de Naamé a déjà accueilli quatre millions de tonnes de déchets environ, alors qu’il était prévu qu’elle en recoive deux millions en dix ans », précise le député de Aley. « Elle est par conséquent déjà saturée. Cela fait un an et demi que nous appelons le gouvernement à trouver une alternative, parce qu’une nouvelle décharge ne pourrait être installée avant un an et deux mois environ. Nous n’avons toujours pas obtenu de réponse. »
Selon lui, le gouvernement « manque de sérieux et de sens de la responsabilité » dans la gestion de ce dossier. Il n’hésite pas à brandir la menace d’une fermeture par tous les moyens, en dernier recours, de la décharge saturée, même si les ordures devront envahir les rues de la capitale. « Nous ne permettrons pas que ce site devienne un second Bourj Hammoud (en référence au dépotoir sauvage au nord de Beyrouth) », martèle-t-il.
Pourquoi a-t-il soulevé la question de l’enfouissement vertical ? « J’ai peur qu’on n’ait recours à cette technique à Naamé, vu la saturation du site », souligne M. Chéhayeb. « Or l’efficacité de cette technologie dans le cas des grandes quantités n’a jamais été testée. D’autant plus que les risques environnementaux sont réels, puisqu’il deviendra impossible, après la fermeture du site, de réhabiliter l’endroit et le recouvrir d’un jardin. Enfin, d’un point de vue économique, cette alternative profitera à la société qui exploite la décharge au détriment du contribuable libanais, puisque la première ne baissera pas ses prix alors que l’infrastructure n’a pas besoin d’être renouvelée. Elle ferait alors des profits de 40 % supérieurs à ceux d’aujourd’hui. »
Mais, conclut-il, « nous ne les laisserons pas faire, ce n’est pas pour rien que nous soulevons ce sujet avec autant d’insistance ».

Suzanne BAAKLINI
Avec sa fougue habituelle et son franc-parler, Akram Chéhayeb, président de la commission parlementaire de l’Environnement et ancien ministre de l’Environnement, exprime, dans une interview à «L’Orient-Le Jour», son opinion sur la crise des carrières, « artificiellement provoquée », et la question des déchets après la saturation de la décharge de Naamé, « dont nous...