C’est donc en faisant abstraction de cet élément, naguère déterminant, que les formations locales, Rencontre de Kornet Chehwane comprise, tentent actuellement de tisser de nouveaux réseaux d’alliances. En se fixant, généralement, un objectif d’ordre national plutôt que confessionnel. Ce que le clivage articulé autour de la présence militaire syrienne rendait impossible jusqu’à présent. Ainsi, à cause de ses positions dans cette affaire, la Rencontre n’a jamais pu recruter des figures de proue musulmanes. Désormais, elle souhaite, comme d’autres fronts d’ailleurs, forger des partenariats autour d’une perception commune des problèmes à caractère purement interne. Comme la récession économique (le grand sujet), les libertés, la loi électorale, la décentralisation ou les naturalisations. Le tout dans la double perspective, évidente, de la présidentielle et des législatives. Les forces politiques espèrent, dans ce cadre, avoir leur mot à dire. Dans la mesure où les circonstances régionalo-internationales, qui pourraient évoluer d’ici à un an, le permettraient…
Un virage a donc été pris à l’Est. Le mérite, nul n’en disconvient, en revient principalement au patriarche Sfeir. Au cœur de la crise irakienne, le prélat a sagement récusé l’exploitation par des puissances étrangères du dossier des relations libano-syriennes. Il a donc refusé de se ranger derrière la bannière des Américains, ou d’autres Occidentaux, dressés contre la Syrie. Bkerké n’a donc prêté aucune attention au fameux Syria Accountability Act. Le patriarcat ne cesse de répéter que Libanais et Syriens peuvent, et doivent, s’entendre entre eux fraternellement, sans interférence de parties tierces, pour corriger les failles relationnelles, sur base d’un respect de souveraineté mutuel. Dans l’intérêt des deux pays, même sur le plan tactique puisque l’entente réduirait à néant les pressions hostiles exercées du dehors. Allant plus loin, le cardinal n’a pas ménagé les puissances qui, comme les USA, n’adoptent de positions qu’en fonction de leurs intérêts propres, qui peuvent changer. Ainsi, Washington considère, à sa convenance, tantôt que la présence militaire syrienne au Liban est une affaire qui ne concerne que ces deux pays. Et tantôt qu’il y a là un état de fait inadmissible. En tout cas, le patriarche pense que l’essentiel, pour les Libanais, est de consolider leur unité, notamment par le biais de coalitions politiques à caractère national, forcément modéré. Il s’agit donc de promouvoir des rapprochements islamo-chrétiens au sein d’une galaxie opposante constructive. Dont le but serait de faire corriger les relations libano-syriennes, d’instaurer un État de droit respectueux de la Constitution, de lutter contre la corruption, de soutenir la ligne libanaise suivie par l’Église maronite, en consolidant la coexistence.
Après la chute de Saddam, le Liban est appelé à renforcer un climat d’union islamo-chrétienne ménageant les intérêts légitimes de la Syrie face aux pressions exercées par l’Amérique. Et prenant en compte le cas du Hezbollah, confronté également aux pressions US, ainsi que la cause centrale palestinienne. Dans cet esprit unitaire, un séminaire a été organisé comme on sait à Saydet el-Jabal, pour la région de Jbeil-Kesrouan. Le député Farès Souhaid a indiqué à ce propos que le débat a porté sur le thème : Est-il possible, aujourd’hui, de parvenir à un discours politique commun islamo-chrétien ? De son côté, Samir Frangié, autre pilier de la Rencontre, indique que des contacts ont lieu actuellement, qu’un débat est engagé au sein de la société, pour se préparer à des changements attendus, afin que le mouvement de contestation puisse finalement déboucher sur la fondation d’un État digne de ce nom, via un front islamo-chrétien historique.
Émile KHOURY
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