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Une opération limitée, mais à forte signification géopolitique

Bien que de portée réduite, le dernier redéploiement syrien déploie un langage politique crypté qui a son importance. En effet si le mouvement au Nord, région frontalière, se déroule pour ainsi dire en circuit fermé, sans perte d’emprise réelle sur le terrain, il offre par contre une ouverture plus nette au centre. Plus exactement, le périmètre de Beyrouth, cœur battant du pays et de sa vie politique, se trouve maintenant dégagé, avec le repli de Doha, d’Aramoun et de Choueifate. Ces zones résidentielles de grande banlieue sont, comme on sait, le fief d’une frange communautaire réputée pour être au moins aussi proche des frères palestiniens que de la grande sœur.
Autre signal à relever : contrairement au précédent redéploiement (d’avant la guerre en Irak) présenté comme étant une application de Taëf, le récent mouvement ne se réclame pas de ce pacte. À preuve que les troupes syriennes ont directement regagné la Syrie et n’ont pas été se cantonner dans la Békaa, comme le prévoit le document cité. D’ailleurs des sources informées, apparemment dûment autorisées, déclarent que la décision de retrait total est maintenant prise. Qu’elle est en marche, comme on voit, mais sans précipitation. Car, selon ces pôles, il faut tenir compte de multiples considérations locales, régionales ou extérieures. Dont les capacités de relève opérationnelle de l’armée comme des FSI libanaises, les impératifs de maintien de la stabilité sécuritaire sans rupture. Il faut aussi éviter de donner l’impression qu’on se plie aux pressions, pour ne pas dire aux injonctions, US. C’est sans doute l’une des raisons du volume assez réduit de l’opération et du peu de battage médiatique que l’on a permis autour.
On sait en effet que l’on avait donné beaucoup plus de retentissement aux redéploiements antérieurs. Qui s’étaient déroulés en juin 2001, en avril 2002, et en février 2003. Il n’y a pas eu cette fois de communiqué commun, ni d’exposé explicatif politico-technique. Les contingents précédemment retirés avaient été relocalisés au Liban même, dans la Békaa. Désormais, on entend tout à la fois dépasser le simple repli, donc amorcer le vrai retrait, et prévenir toute exploitation du thème donnant à penser que Damas satisfait docilement les exigences US. Dans cet esprit, les mêmes sources fiables citées plus haut soutiennent que les spéculations sur une nouvelle phase prochaine de reflux sont erronées. En ajoutant, avec insistance, qu’il s’agit bien d’un redéploiement et non d’un préretrait. Du moment que les troupes syriennes gardent des positions (des permanences) à Beyrouth même ainsi que dans tous les mohafazats ou presque. Dans ce cadre, contredisant les témoignages, ces sources affirment que les Syriens n’ont pas tous regagné la Syrie. Elles précisent que les opérations se déroulent en base d’un plan conjoint établi par les deux commandements en fonction des besoins, des possibilités et des circonstances. Un programme ponctuel qu’on ne doit pas assimiler à un regroupement en vue d’un retrait en bonne et due forme, répètent ces loyalistes.
Qui s’inscrivent en faux, sur le plan politique, contre les déductions de certains politiciens qui veulent voir dans le redéploiement syrien l’un des résultats des derniers entretiens entre le président de la République et le patriarche maronite. Les responsables cités affirment que le sujet n’a pas été débattu entre les deux hommes.
Cependant, beaucoup de politiciens estiment que le dernier redéploiement n’a techniquement, et politiquement, de sens, que s’il doit être bientôt suivi d’autres replis significatifs. Pour aboutir probablement, selon ces professionnels, à un retrait total (avec quelques positions gardées quand même dans la Békaa) d’ici à la fin de l’année. À l’appui de leurs pronostics, ces politiciens soulignent qu’au cours des dernières semaines, nombre de positions syriennes ont été cédées sans bruit aux réguliers libanais. À leur avis, il doit y avoir beaucoup de réunions entre officiers dans la phase présente . Et ils estiment que ce qui conditionne surtout le rythme du départ, c’est la disponibilité de l’armée libanaise à prendre la relève. Des capacités qui s’affirment de jour en jour, comme le montrent les raids réussis contre les malfrats, notamment dans la région de Brital, dans la Békaa. Mais il faut quand même y aller à pas comptés, ajoutent ces politiciens, car la sécurité est la toute première des lignes rouges. Il ne faut pas que les fauteurs de troubles en puissance se croient tout permis à cause du départ des Syriens. L’État libanais, par le truchement de ses forces propres, veut d’entrée de jeu montrer qu’il est capable de frapper d’une main de fer toute atteinte à la sacro-sainte stabilité intérieure.
Signalons enfin que, selon certains observateurs qui avouent cependant ne pas disposer de chiffres précis, le nombre des militaires syriens présents au Liban serait passé ces derniers temps de 35 000 à 20 000.
Philippe ABI-AKL
Bien que de portée réduite, le dernier redéploiement syrien déploie un langage politique crypté qui a son importance. En effet si le mouvement au Nord, région frontalière, se déroule pour ainsi dire en circuit fermé, sans perte d’emprise réelle sur le terrain, il offre par contre une ouverture plus nette au centre. Plus exactement, le périmètre de Beyrouth, cœur battant...