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ONG - Les militantes se constituent en réseau Le statut civil, pomme de discorde au sein des associations féminines

La nouvelle est certes réjouissante et porteuse d’espoir. Les associations qui s’intéressent aux problèmes de la femme – elles sont nombreuses – ont enfin décidé de se constituer en réseau. C’est ce qu’ont annoncé hier les ONG concernées lors d’une conférence de presse qui s’est tenue au siège de l’Ordre de la presse à Raouché. Longtemps attendue et souhaitée par la société civile dans son ensemble, cette initiative annonce une nouvelle ère de militantisme désormais fondée sur la concertation et le travail collectif, estiment les militantes. Seulement, les choses ne sont pas aussi simples. Si l’engagement en faveur de la condition de la femme a de tout temps divisé les milieux associatifs, notamment pour des raisons politico-religieuses, la constitution d’un réseau ne résoudra pas, semble-t-il, pour autant les divergences. Tout au plus, ce dernier pourra contribuer à « rapprocher les points de vue », tout en introduisant dans ces milieux le concept de travail en commun. Quant aux sujets tabous, tels que la mise en place d’une loi sur les statuts civils unifiés, il faudra pour l’instant les laisser de côté, ont affirmé unanimement les participantes à cet événement, en attendant qu’une solution de compromis puisse être trouvée.
« Peut-être faudra-t-il attendre les générations futures pour prendre la relève. Après tout, nous n’avons pas le monopole de cette vision. » Ces paroles sont celles de Fahmiyé Charafeddine, professeur à l’UL et militante de longue date dans les rangs des ONG féminines. Mme Charafeddine intervenait à la suite d’une objection formulée par Samira el-Kotmé, responsable de l’association al-Najat, une ONG fondamentaliste, sur certaines clauses de la charte constitutive. Cette dernière critiquait entre autres « la notion d’égalité entre les sexes et plus particulièrement l’égalité biologique », en allusion aux questions relatives à la sexualité de l’homme et de la femme qui ne saurait en aucun cas être mise sur un même pied d’égalité, un thème dont il n’était même pas question au cours de cette assemblée.
C’est au tour d’Iqbal Doughan, présidente du Conseil féminin libanais, de rectifier le tir en annonçant que ce réseau ne doit pas inciter les membres à abdiquer de leurs convictions ou croyances. « Ce n’est pas une nouvelle organisation en tant que telle, mais une plate-forme de travail qui permet aux ONG d’œuvrer ensemble à améliorer les conditions de la femme. Ce réseau n’engage personne », a-t-elle dit en essayant d’arrondir les angles. Toutefois, les objections ne se sont pas limitées aux questions de « l’égalité biologique », mais ont englobé également le sempiternel problème des statuts personnels. Cette proposition, qui figure clairement dans la charte du réseau, continue de susciter une opposition de la part de certaines ONG féminines telles que le Conseil libanais de la femme, qui estime qu’il est encore tôt de parler de statuts civils, « les gens n’étant pas prêts à cette révolution dans les mœurs ».
C’est d’ailleurs à cette question que fera allusion Ghounwa Jalloul, qui représentait le Premier ministre Rafic Hariri à cette conférence. Applaudissant la nouvelle initiative qui, selon elle, « permettra de réaliser la véritable citoyenneté », la députée de Beyrouth s’est dépêchée de mettre le points sur les i, en affirmant que tout engagement en faveur de la femme « doit se faire dans le respect de la Constitution libanaise, notamment de l’article relatif à l’exercice de la croyance religieuse ». Il s’agit bien entendu de l’article 9, qui stipule notamment « le respect des statuts personnels ».
Pour Wadad Chakhtoura, présidente du Rassemblement démocratique des femmes, la constitution de ce réseau est le fruit de longs mois de discussions sérieuses. « Nous voulons provoquer un changement fondamental dans les rôles sociaux qui sont hérités et classés selon les sexes, ce qui, aujourd’hui n’est plus acceptable », a-t-elle affirmé.
Pour en revenir à la charte qui a été présentée par Mme Charafeddine, celle-ci a souligné que « les bouleversements charriés par la mondialisation ont commandé des changements qualitatifs au niveau de la vie sociale et de ses cadres organisateurs », d’où l’importance d’effectuer des modifications radicales dans la manière de traiter les problèmes, notamment les pratiques politiques.
« Il s’agit pour les associations féminines de remplir désormais un rôle plus efficace pour améliorer les législations et superviser leur application », a-t-elle affirmé en relevant que la notion « d’égalité absolue » au sens de l’élimination de la discrimination contre la femme « est encore difficile à réaliser ».
Quant à la stratégie proposée, elle consiste, sur le plan légal, de moderniser les lois en vigueur et d’en créer de nouvelles, notamment dans le domaine des statuts personnels. Le réseau vise prioritairement à œuvrer en faveur de la mise en application des conventions internationales signées par le Liban, sachant que celles-ci sont restées, dans la plupart des cas, lettres mortes. Il cherche en outre à lever les réserves émises sur certains textes internationaux, tels que la Convention pour l’élimination de toutes les formes de discrimination contre la femme (CEDAW). Le réseau réclame par ailleurs la modification de certains textes de lois considérés comme injustes envers la femme aussi bien dans le code pénal que dans le code du travail.
Sur le plan culturel, il s’agit d’œuvrer à « transformer les mentalités » en mettant en avant les capacités de la femme. Enfin, le dernier objectif consiste à œuvrer en vue de l’égalité des chances au plan de la participation effective à la prise de décision, a expliqué Mme Charafeddine.
Commentant la création d’un réseau dont les buts risquent une fois de plus de raviver la zizanie entre partisans de la laïcité et ceux qui défendent les statuts religieux, la directrice de l’Institut d’études pour la femme dans le monde arabe à la LAU, Mona Khalaf, a souligné que « l’important est de prouver que nous sommes enfin capables de présenter un plan d’action crédible. C’est la politique des petits pas. Par la suite, nous pourrons nous attaquer aux dossiers chauds », a-t-elle affirmé en espérant que le réseau pourra bientôt s’entendre sur une liste de candidates qui pourront se présenter aux prochaines élections législatives.

Jeanine JALKH
La nouvelle est certes réjouissante et porteuse d’espoir. Les associations qui s’intéressent aux problèmes de la femme – elles sont nombreuses – ont enfin décidé de se constituer en réseau. C’est ce qu’ont annoncé hier les ONG concernées lors d’une conférence de presse qui s’est tenue au siège de l’Ordre de la presse à Raouché. Longtemps attendue et...