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Service militaire - Une nécessité tant que le pays est menacé, affirme le commandement de l’armée II - 250 000 conscrits en 10 ans, un brassage synonyme d’unité nationale(photos)

Dix années déjà que le service militaire a été instauré. Dix années qui ont vu la formation de plus de 250 000 appelés. Face aux récriminations et aux innombrables critiques des jeunes et de leurs familles à l’égard du service militaire (voir « L’Orient-Le Jour » du lundi 14 juillet), l’heure est au bilan. Du côté du commandement de l’armée, on certifie que les objectifs ont été atteints quels que soient les aléas ou les griefs avancés. Objectifs que résume le général Élias Farhat, directeur de l’orientation au commandement de l’armée, en ces termes : « Le service militaire est un devoir national qui concerne tout le peuple. Le privilège de défendre son pays ne doit pas être réservé aux seuls militaires de carrière, il est essentiel de faire participer les jeunes aux tâches sécuritaires. » Bref, le service militaire est indispensable au Liban, tant que la région entière vit dans l’instabilité.

Constituant, selon le général Farhat, environ 35 % des effectifs de l’armée, les appelés donnent ainsi un sérieux coup de main à cette institution. Aide qui ne se limite pas à des fonctions administratives ennuyantes, telles que décrites par quelques appelés. « Nous avons besoin d’eux, observe le général, non seulement pour combattre ou défendre le pays quand le danger se présente, mais aussi pour nous aider à accomplir certaines missions dont nous avons la charge, comme nettoyer les forêts et les plages, déblayer des sites touristiques ou archéologiques, mener des campagnes de prévention, mais aussi assurer un déploiement militaire lors d’événements de grande envergure. »
Aux dires du directeur de l’orientation, les points positifs sont nombreux. « En effet, remarque-t-il, les casernes où sont regroupés les appelés sont les seuls lieux de rencontre des jeunes gens de toutes confessions. Ce brassage est nécessaire et favorise l’union nationale, notamment après tant d’années de guerre qui ont séparé les Libanais. De plus, la vie de caserne développe le sens de responsabilité individuelle des jeunes, les formant ainsi à l’indépendance. Gérer leurs propres affaires, s’acquitter des petites corvées de la vie quotidienne, mais aussi s’habituer à une vie saine et sportive sont, pour les jeunes, le meilleur moyen de s’éloigner de la drogue et de la corruption. »

La guerre et la crise
économique, causes
essentielles de l’émigration
Et le général Farhat d’évoquer les campagnes entreprises par le commandement de l’armée auprès des jeunes conscrits : sensibilisation aux problèmes de la drogue, du sida et de la santé en général et cours d’alphabétisation dont bénéficient, à chaque session, près de 200 appelés analphabètes.
Répondant aux critiques formulées par les appelés, tantôt les réfutant, tantôt les confirmant, le général Élias Farhat explique le point de vue du haut commandement de l’armée, tout en évitant cependant de répondre aux questions politiques.
À la critique accusant le service militaire d’être la cause principale de l’émigration des jeunes, Élias Farhat rétorque qu’il est complètement erroné de croire que le service militaire pousse les jeunes à l’exil. « C’est plutôt la guerre, la situation économique et le chômage qui ont entraîné les Libanais à quitter le pays, corrige-t-il. Les jeunes n’émigrent pas à cause du service militaire : ils partent à l’étranger pour faire leurs études, pour trouver un emploi ou à la recherche de conditions de vie meilleures. Nos statistiques montrent que les étudiants qui vont poursuivre leurs études à l’étranger n’ont pas augmenté en nombre depuis la mise en vigueur du service militaire. D’ailleurs, les universités du pays sont pleines à craquer. »
Et le directeur du bureau de l’orientation de constater que depuis la mise en vigueur de la loi exemptant du service militaire les jeunes de 18 à 30 ans ayant vécu 5 années à l’étranger, les émigrés viennent plus facilement visiter le pays.
Abordant le problème de la solde dérisoire que perçoivent les conscrits, le commandement de l’armée avoue être conscient de la gravité du problème, mais déplore que les requêtes qu’il a présentées à ce propos n’aient pas abouti. « Nous avons officiellement demandé, depuis 4 ans déjà, l’augmentation de la solde des conscrits. Mais le Conseil des ministres n’a pas donné suite à notre demande », regrette-t-il. « Cependant, poursuit le directeur de l’orientation, nous savons pertinemment bien que les jeunes vivent des conditions économiques difficiles, c’est la raison pour laquelle nous tentons, dans la mesure du possible, de les poster près de leur lieu d’habitation, afin de leur éviter des frais de déplacements. De même et malgré l’interdiction officielle faite aux conscrits de travailler durant la durée du service militaire, nous fermons les yeux sur les activités professionnelles de certains d’entre eux. » « Quant à ceux qui ont interrompu leur emploi pour servir leur patrie, leurs employeurs sont tenus par la loi de les reprendre au terme de leur service militaire, affirme le général Farhat. D’ailleurs, nos statistiques indiquent que 90 % des conscrits sont au chômage au moment où ils se présentent au service du drapeau. » (Un pourcentage qui s’explique par le fait que la majorité des employeurs refusent d’engager des jeunes gens n’ayant pas encore accompli leur service militaire.)

Un point positif, apprendre
à vivre ensemble
Certes, la fatigue engendrée par l’entraînement militaire ou par certaines fonctions et dont se plaignent de nombreux appelés est absolument normale, d’après le général Farhat. « Nous sommes conscients que, pour les conscrits, le service militaire n’est pas une partie de plaisir, remarque-t-il, d’autant plus que les appelés n’ont pas choisi la carrière militaire. Mais ils doivent réaliser qu’il est de leur devoir de servir leur pays. D’ailleurs, nous essayons, à tous les niveaux, de leur faciliter la tâche, afin de les aider à passer ce cap aussi bien que possible. » Et de préciser que, dans les services bureaucratiques, les horaires sont étudiés en fonction de la difficulté des tâches. Travaillant parfois de 5 à 11 heures, ou de 8 à 14 heures, les conscrits peuvent tout aussi bien être de permanence durant 48 heures d’affilée, note le général. Certaines fonctions étant exténuantes, il est tout naturel, d’après lui, que certains conscrits aient des horaires plus souples que d’autres.
Face au problème du confessionnalisme auquel se heurtent de nombreux conscrits dès leur entrée à la caserne et qui se traduit par la formation de petits clans confessionnels, le général Farhat met en exergue le rôle que l’État doit assurer à cet égard. « À notre niveau, nous faisons notre devoir en donnant l’exemple d’une armée unifiée, en éliminant toute forme de confessionnalisme et en inculquant aux conscrits le principe de l’appartenance commune à une même nation, à un même peuple », précise-t-il. Et de citer à ce propos différentes actions militaires défensives menées par l’armée libanaise contre les Israéliens, les Palestiniens, ainsi que les arrestations effectuées dans les milieux de la mouvance terroriste. « Ces actions-là, si nous les avons réussies, c’est bien grâce à notre unité. Mais, poursuit-il, comme pour expliquer le comportement confessionnel de quelques appelés, certaines choses arrivent parfois. Éliminer totalement les préjugés confessionnels des jeunes, relève de l’utopie. Mais il ne faut pas non plus nier une évidence : beaucoup de jeunes ont appris à vivre ensemble, à se connaître et à connaître leur pays. Et cela est très positif. »

Des facilités, plutôt
que des pistons
Quant au piston dont se plaignent ou usent de nombreux appelés, qui pour obtenir une permission, qui pour avoir des horaires plus souples, parfois même pour tenter carrément d’échapper à l’entraînement ou au service bureaucratique, le général souligne que le piston est malheureusement ancré dans les mœurs libanaises. « Nous travaillons en connaissance de cause, tout en appliquant les critères et lois spécifiques à l’armée », assure-t-il. Aussi, certifie-t-il que le report ou l’exemption du service militaire ne sont validés que dans des cas bien précis, notamment pour les étudiants, les fils uniques, les jeunes atteints de maladies bien spécifiques, et bien entendu ceux qui ont vécu 5 années consécutives à l’étranger, à la condition que cette période se déroule à partir de l’âge de 18 ans et avant 30 ans. « Par ailleurs, poursuit le général Farhat, durant la seconde période du service militaire, qui est étalée sur 9 mois, il est totalement normal qu’un conscrit obtienne une mutation qu’il a demandée, surtout s’il a servi dans un même endroit durant 6 mois. Car, durant les trois derniers mois, l’appelé doit obligatoirement servir à côté de sa région. Ces mesures dont bénéficient les conscrits ne peuvent donc être considérées comme des pistons, elles sont simplement des facilités pour rendre leur service militaire moins contraignant. »
Au terme de l’entretien avec le général Élias Farhat, une question s’impose, car c’est celle qui brûle les lèvres de tous les concernés. Qu’en est-il de l’avenir du service militaire ? Restera-t-il obligatoire ? Sera-t-il transformé en service civil ou sa durée sera-t-elle réduite ? « Le service militaire obligatoire n’est pas une décision militaire, mais politique », répond le général Farhat. Quant au commandement de l’armée, il se contente d’exécuter la loi y afférente. « Cependant, il faut réaliser que tant que la région est menacée, tous les jeunes Libanais ont le devoir de participer à la défense de leur pays. D’ailleurs, conclut-il, le service militaire n’a pas été inventé au Liban. De nombreux pays continuent de faire appel à leur jeunesse sans qu’ils ne soient pour autant menacés. »

Anne-Marie EL-HAGE

Les différents grades
du service du drapeau
Les conscrits sont répartis en compagnies de 120 appelés au sein de bataillons de 500 personnes. Chaque bataillon est formé de 4 compagnies.
Les conscrits sont intégrés dans trois groupes en fonction de leurs niveaux d’études :
Les simples soldats, représentant la majorité des conscrits, n’ont pas de diplôme universitaire. Ceux qui ont obtenu le bac sont minoritaires, car généralement les jeunes ne font pas le service militaire avant d’avoir terminé leurs études universitaires. Certains soldats lisent ou écrivent à peine, alors que l’on compte près de 200 analphabètes à chaque session. Généralement, ils servent durant 12 semaines avant d’être envoyés sur le terrain, ou dans d’autres départements de l’armée.
Les sous-officiers sont détenteurs soit d’une licence, soit d’un diplôme technique.
Les premiers ont le grade d’adjudant, les seconds le grade de sergent.
Ils suivent un entraînement global de 9 semaines dans les casernes et sont envoyés dans différents départements techniques ou bureaucratiques de l’armée en fonction de leurs spécialisations.
Les médecins, les ingénieurs, les architectes, les détenteurs d’un magistère ont le grade de lieutenant. Ils suivent leur formation militaire à l’École militaire et sont ensuite affectés aux différents départements de l’armée.
Mieux comprendre la loi concernant les 5 ans à l’étranger
La loi de 5 ans exempt du service militaire les jeunes gens ayant vécu, étudié ou travaillé à l’étranger durant au moins 5 années consécutives, à partir de l’âge de 18 ans et avant 30 ans, papiers de séjour et d’université à l’appui.
Durant ces 5 années passées à l’étranger, les jeunes ont la possibilité de retourner au pays pour une durée maximale de trois mois par an, et de la manière suivante :
Au cours de la première année passée à l’étranger, les étudiants devront d’abord y séjourner 9 mois avant de revenir au pays, pour une durée maximale de trois mois. Quant aux jeunes qui travaillent à l’étranger, pour bénéficier de l’exemption du service militaire, ils ne peuvent en aucun cas venir au Liban durant la totalité de la première année passée en dehors du pays. Au terme de cette première année, et durant les quatre années suivantes, étudiants et travailleurs pourront séjourner au Liban trois mois par an.
Pour tout renseignement, consulter le site Internet suivant : www.lebarmy.gov.lb
Quelques chiffres

• Budget annuel de l’État alloué au service militaire : 50 millions de dollars.
• Chaque conscrit coûte 1 000 dollars par mois à l’État en nourriture, habits, déplacements, soins, etc.
• La solde des conscrits : un soldat simple touche 110 000 LL par mois, un sous-officier, 179 000 LL et un officier 286 000 LL.
Dix années déjà que le service militaire a été instauré. Dix années qui ont vu la formation de plus de 250 000 appelés. Face aux récriminations et aux innombrables critiques des jeunes et de leurs familles à l’égard du service militaire (voir « L’Orient-Le Jour » du lundi 14 juillet), l’heure est au bilan. Du côté du commandement de l’armée, on certifie que les...