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CORRESPONDANCE Les tripes à la mode afro-américaine en tant que trésor national(photo)

WASHINGTON-Irène MOSALLI
On ne mange pas les tripes à la mode de Caen aux USA : non seulement on les déguste d’une autre manière mais aussi on vient de les faire entrer au musée. Pourquoi tant d’honneur? Parce qu’à l’origine, ce plat était servi aux esclaves noirs et que, par la suite, il est devenu l’une des composantes des célébrations de toutes leurs fêtes. Dans ce contexte, le Smithsonian Institution (qui chapeaute les plus importants musées du pays) a considéré cette spécialité comme trésor national et a introduit au Musée d’histoire afro-américaine de la ville d’Anacoste tous les documents s’y rapportant.
Ce matériel provient d’une firme alimentaire nommée Chitlins Market (le marché des tripes) possédant d’importantes archives concernant les nourritures festives afro-américaines. Et le musée d’Anacoste prépare actuellement une exposition à ce sujet, où les tripes occuperont une place de choix, à la surprise générale. Puis l’éclaircissement est venu de la bouche de Shauna Andersen, fondatrice du Chatlins Market, pour qui l’exposition est le reflet de 400 ans d’esclavage et d’oppression. « Je suis née, explique-t-elle, de parents musiciens qui devaient pénétrer et quitter les lieux où ils se produisaient par la porte arrière. La grande porte étant réservée aux Blancs. Mais ma grand-mère me disait toujours que cela ne m’empêcherait pas de réussir un jour dans la vie. »
Et plus tard, cherchant à arrondir ses fins de mois de comptable, elle s’est rappelée le temps où elle aidait sa grand-mère à nettoyer les tripes. Vieux métier, drôle de métier ? Peut-être, mais comment se pratique-t-il aujourd’hui, s’était-elle demandée. Elle s’enquiert alors auprès des départements de la Santé et de l’Agriculture et découvre qu’il n’y a pas de régulations dans ce domaine. Elle établit les siennes propres et s’associe à une amie pour lancer cette affaire.

Nourriture de survie
des esclaves
Elles commencent par mettre une petite annonce dans un journal. Elles reçoivent sur-le-champ cent demandes pour des tripes nettoyées. Puis cent autres et mille autres. Leurs produits sont congelés avant d’être expédiés. Elles ont vendu 200 tonnes depuis l’an 2002.
Les tripes qu’elles traitent sont des intestins de porc. Leur nettoyage est difficile car il se fait à la main et en plusieurs étapes : trempage, nettoyage et rinçage. Puis, on les fait bouillir jusqu’à ce qu’ils deviennent très tendres.
Les hommes du Sud des États-Unis, Noirs et Blancs confondus, trouvent ce mets savoureux. «De plus, explique Andersen, il a rallié les riches et les pauvres. » Au départ nourriture de survie des esclaves, il a par la suite gravi plusieurs échelons. Aujourd’hui sa firme compte 4 000 clients on line, dont une grande partie est âgée de moins de trente ans. En leur délivrant la marchandise, elle leur communique les différentes façons de les préparer : à l’ancienne (notamment farcies) ou au goût du jour (frites comme les calamars).
Ce sont toutes ces informations et ces témoignages qui ont participé à l’élaboration d’une page de l’histoire de l’Amérique et qui ont fait, par conséquent, que les tripes ont désormais valeur d’objets de musée.
WASHINGTON-Irène MOSALLIOn ne mange pas les tripes à la mode de Caen aux USA : non seulement on les déguste d’une autre manière mais aussi on vient de les faire entrer au musée. Pourquoi tant d’honneur? Parce qu’à l’origine, ce plat était servi aux esclaves noirs et que, par la suite, il est devenu l’une des composantes des célébrations de toutes leurs fêtes. Dans...