Le secteur industriel du bâtiment consomme « aisément 50 000 m3 d’agrégats par jour », a indiqué le président du syndicat des entrepreneurs, ajoutant que lorsque les carrières travaillaient, les prix en vigueur variaient entre 5 et 8 dollars le mètre cube. Leur fermeture a entraîné une fluctuation du marché et une hausse allant de 17 à 20 dollars le m3. En ce qui concerne le gravier importé de Syrie, son prix s’élève à 17 dollars le m3. « Il n’est même pas conforme aux cahiers des charges, c’est-à-dire que la granulation du sable et la qualité de la pierre ne répondent pas aux spécifications requises », a révélé M. Khazen, qui précise que certains pôles d’influence cherchent à « protéger » les importations d’Égypte, de Grèce et de Syrie et à imposer des prix à la hausse, puisqu’il faut compter le coût du transport. « Or, l’État est le principal utilisateur des agrégats, et par conséquent, ce sont les contribuables qui assumeront le coût. C’est une chose absurde quand on sait que le Liban peut être producteur, consommateur et même exportateur, selon les experts. Avec une balance commerciale déficitaire, le gouvernement devrait encourager l’exportation, augmenter ses revenus et faire des économies sur les dépenses. Au lieu de quoi, il gonfle les revenus du Trésor en augmentant les taxes et ne fait rien pour réduire les dépenses. » Mieux encore, « au cours des derniers mois, l’État s’est abstenu de verser aux sociétés chargées des travaux les montants qu’il leur doit. Or, tout retard cause des pertes à l’entrepreneur parce que celui-ci paye des intérêts aux banques ».
Aucune solution de rechange
M. Khazen révèle, par ailleurs, que le projet élaboré par le ministre de l’Environnement, Farès Boueiz, pour réorganiser le secteur des carrières n’a même pas été abordé en Conseil des ministres. De même, une étude faite par Dar al-Handasah, qui aurait coûté à l’État quelque 500 000 dollars, n’a jamais été examinée. « Les dirigeants ont tout simplement décidé de fermer les carrières et de sommer les propriétaires d’écouler leurs stocks de graviers. Rien n’est sérieusement entrepris pour résoudre le problème d’une pénurie qui met l’industrie du bâtiment en péril. Aucune solution de remplacement n’est proposée. Nous ne comprenons rien à leur logique », dit-il.
Rappelons qu’en 1999, le Conseil des ministres avait décidé de regrouper les carrières dans la région de Toufayl. Situé sur le versant est de l’Anti-Liban, le hameau est perché à 1 750 mètres d’altitude et n’est accessible en voiture que par la Syrie. Sur le versant libanais, c’est à dos d’âne qu’on peut s’y rendre, en suivant un sentier muletier tracé par les contrebandiers de Ham (1). Un délai de deux ans avait été donné aux entreprises pour s’installer à cet endroit. Mais les carriers avaient jugé trop « farfelue » l’idée et ne l’avaient pas prise au sérieux. « La région manque d’infrastructure routière, d’électricité et d’eau. Il faudrait attendre de longs mois avant d’assurer les équipements nécessaires. En hiver, les carrières fonctionnent au ralenti. C’est en été que l’exploitation est à son maximum. Il faut donc trouver une solution immédiate, en attendant une solution définitive », insiste M. Khazen.
M. Khazen a également signalé que le syndicat est favorable à la sauvegarde de l’environnement et à la préservation de la nature. Les carrières doivent se plier à des conditions techniques précises (équipement antipollution, filtres, système d’arrosage pour diluer les poussières de calcaire, etc.). La licence doit être assortie d’une garantie bancaire qui permettrait de couvrir les dommages en cas d’abus. L’exploitation doit se faire en terrasses pour permettre plus tard le reboisement du site. La charge des camions ne doit pas dépasser les 15 tonnes. En bref, la loi veillera à l’application d’une politique nationale pour prévenir et réprimer toute forme de dégradation, de pollution et de nuisance. « Assurer du gravier et du sable, pain quotidien des entrepreneurs, et garantir un cadre de vie écologiquement stable ne sont pas deux principes inconciliables. Il existe des moyens rationnels de régler le problème en coopération avec les ministères concernés, c’est-à-dire, les Travaux publics, l’Environnement, l’Économie, les Finances, la direction générale de l’Urbanisme et les syndicats concernés », a conclu M. Khazen.
May MAKAREM
(1) Voir L’Orient-Le Jour du 30 août 1999.
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