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CARNET DE NUITS Moi sans (2)


Samedi, 0h40. Je vous regarde, tous les deux. Je ne vous connais presque pas et pourtant on s’accoude sur la même table, trois cercles humides sous nos verres et le coude de la fille derrière moi me rentre un peu dans le dos. Pas de chance pour nos retrouvailles très anciennes, le haut-parleur est juste en face de ta bouche. Alors on se contente de se sourire, ça nous arrange à tous les deux, toi pour boire, moi pour regarder les têtes sans fin jusqu’au fond du LB et pour me demander ce que je pourrais bien te trouver, à toi, comme petites qualités. Ton copain, out, heureusement. Un type en noir, grand et nettement plus beau que la moyenne entre, comme à son habitude, après minuit et fait toujours son grand tour avant de venir se planter devant moi avec son grand sourire et me parler, un peu, de grande musique. Il finit toujours par poser sa main sur ma joue, mon bras. Les petits garçons adorent les femmes en forme de modèle, ça leur rappelle leur mère – tu parles si ça va continuer. Moi ça me lasse, alors le grand sourire mélomane finit par s’éloigner et me revoilà devant toi, sans trouver quelque chose à te dire. Cruel manque d’étincelle.
Dimanche, 21h, dîner quelque part à Kaslik. Étouffant. On n’a pas le choix. Les invités arrivent si lentement que j’ai largement le temps de penser à toi. Je te revois dans ton élément, la maison familiale d’été, les escaliers casse-gueule qui y mènent, une carcasse terrassée par de très vieux obus et une rombière astiquée à neuf – quel face-à-face. Tu fumes sur ton balcon, sur ta chaise, devant ce paysage qui est ta seule famille désormais, au milieu duquel évoluent les visages qui te servent, parfois mal, ça me fout en rogne, mais tes yeux qui sont ceux de ta mère pardonnent toujours, par paresse, par devoir ou par patience, je n’ai jamais su. Je marque toujours un temps d’arrêt avant d’aller t’embrasser, je t’observe un moment de loin, cachée dans le sombre frais des murs. Profil, fumée, chemise à manches longues toujours et, derrière toi, ces arbres qui débrayent le temps. Tu me dis que tu vas de nouveau les éclairer pour la nuit. Kaslik, dernier étage face à la mer. Un feu d’artifice pète dans tous les sens. L’étincelle est toujours réfugiée chez toi.
Diala GEMAYEL
Samedi, 0h40. Je vous regarde, tous les deux. Je ne vous connais presque pas et pourtant on s’accoude sur la même table, trois cercles humides sous nos verres et le coude de la fille derrière moi me rentre un peu dans le dos. Pas de chance pour nos retrouvailles très anciennes, le haut-parleur est juste en face de ta bouche. Alors on se contente de se sourire, ça nous arrange à...