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La présidentielle conditionnée par le partage des rôles entre grands électeurs


Un coup d’arrêt certain a été donné au lancement prématuré de la campagne pour la présidentielle. Le sujet a été retiré du marché politique et médiatique. Mais en coulisses, les professionnels ne peuvent évidemment pas s’empêcher de spéculer. Et leur intérêt se porte naturellement sur l’essentiel. C’est-à-dire de savoir comment les grands électeurs traditionnels, la Syrie et les États-Unis, vont s’organiser. De ce cadre de jeu dépendra le choix d’un nouveau président. Ou, éventuellement, la reconduction sinon la prorogation du mandat de l’actuel locataire de Baabda. Certains soutiennent que la Syrie restera maîtresse absolue des donnes, qu’elle soit ou non en bons termes avec les USA. Selon ces loyalistes, dont beaucoup plaident pour le maintien en place du régime présent, la Syrie pourrait certes se voir contrainte de retirer ses troupes du Liban, afin de désamorcer les pressions US et d’y offrir moins de prise. Mais elle obtiendrait, en contrepartie, de désigner le prochain président de la République. Car elle s’estime en droit, pour protéger ses flancs, de disposer au Liban d’un pouvoir qui aurait sa pleine confiance. Ces personnalités ajoutent que la Syrie n’irait pas chercher ailleurs ce qu’elle a déjà et tiendrait dès lors à faire proroger le mandat du président Lahoud. Dont la politique intérieure et le soutien extérieur, ainsi que sur le plan essentiel de la sécurité-défense, lui sont précieux. D’autant qu’à l’heure des graves échéances régionales, nul n’irait s’amuser à faire des expériences nouvelles, peut-être hasardeuses. En d’autres termes, on ne change pas une équipe qui gagne et qui est fiable. En d’autres termes également, la Syrie compenserait son retrait militaire par une affirmation accentuée de sa présence politique au Liban. Toujours selon les mêmes sources, les USA n’auraient pas d’objections à opposer à cette formule, dans la mesure où les demandes qu’ils présentent à Damas seraient satisfaites. Washington aurait en outre fait bonne figure auprès de ceux qui, dans le monde, militent pour que le Liban recouvre sa souveraineté territoriale. En définitive, l’accord tacite que prévoient ces loyalistes faciliterait la reconduction du mandat du président Lahoud. Ou, à défaut, déboucherait sur l’élection d’un chef de l’État qui serait autant soucieux de préserver avec Damas les plus étroites relations. Dans le respect du traité de fraternité conclu entre les deux pays et de ses corollaires. Mais d’autres pensent qu’il peut en être tout à fait autrement, cette fois. Car, à leur avis, le rôle syrien n’est pas encore confirmé et dépend de l’évolution sur la scène régionale. Il est toujours possible, ajoutent-ils, que Damas garde la haute main sur le choix d’un président libanais. Tout comme on peut envisager qu’il aurait un partenaire disposant d’un quota plus ou moins élevé, que les circonstances détermineraient. Ils ajoutent qu’en tout cas, le remplacement de la présence militaire par une présence politique, évoqué par les loyalistes susmentionnés, semble un non-sens puisque, en réalité, la Syrie est déjà influente au maximum sur la scène libanaise. Ces sources soulignent que les parties étrangères ont presque toujours eu leur mot à dire dans la présidentielle libanaise. Les Britanniques, en compétition avec les Français dans la région, avaient aidé à l’installation de Béchara el-Khoury. Ils ont de même favorisé par la suite Camille Chamoun, également appuyé par la Syrie d’Adib Chichakli, face à Hamid Frangié. Plus tard, les USA avaient puissamment contribué à l’élection de Fouad Chéhab, en accord avec Nasser, qui était l’électeur régional de l’époque. Seul, pratiquement, Sleiman Frangié avait accédé à la présidence par la seule volonté des députés libanais, sans intervention étrangère marquée. En plein milieu de la guerre, Hafez el-Assad et Yasser Arafat, présents militairement au Liban, s’étaient opposés sur la présidentielle. Abou Ammar, qui n’avait pas de députés libanais à ses côtés, faisait bombarder le siège provisoire du Parlement, la villa Mansour, pour empêcher l’élection. Mais le scrutin avait eu lieu quand même parce qu’Arafat avait été averti, voire menacé, et que la Syrie était en accord avec les USA. Sarkis avait donc été élu et Raymond Eddé avait eu ce commentaire : Assad a triomphé. Ensuite, sous l’occupation israélienne, Béchir puis Amine Gémayel avaient été élus. Le choix de René Moawad avait été le fruit d’un accord syro-saoudo-américain, à l’issue de Taëf. Selon des témoins, il se serait agi en fait d’une décision saoudo-américaine seulement entérinée par la Syrie. Après l’assassinat de Moawad, Hraoui a été désigné par les Syriens, avec le feu vert des Américains. Un jeu de balancier, donc. Et l’on se demande si, pour la prochaine édition, la décision va appartenir à la Syrie, à l’Amérique ou aux deux ensemble.
Émile KHOURY
Un coup d’arrêt certain a été donné au lancement prématuré de la campagne pour la présidentielle. Le sujet a été retiré du marché politique et médiatique. Mais en coulisses, les professionnels ne peuvent évidemment pas s’empêcher de spéculer. Et leur intérêt se porte naturellement sur l’essentiel. C’est-à-dire de savoir comment les grands électeurs...