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La trêve entre les dirigeants tient à la volonté des décideurs

L’on est certes en période de trêve. Mais il y a des risques que le feu couve sous la cendre. Car la substance même de la politique locale est conflictuelle. Jamais, même durant la guerre, le pays n’a souffert d’un climat politique aussi empoisonné, aussi confessionnalisé, aussi divisé au sein même du pouvoir. La construction ne tient que par la volonté d’une force étrangère, on sait bien laquelle. Qui intervient pour que l’État survive à ses contradictions et que les institutions se remettent à fonctionner, vaille que vaille. Pour l’heure, les tuteurs privilégient la procédure constitutionnelle régulière et condamnent les débordements confessionnels. Mais il y a peu de temps encore, ils ne rappelaient pas beaucoup à l’ordre les auteurs de provocations délibérées et de déclarations haineuses. C’est dire qu’en quelque sorte, les démiurges règlent la climatisation à leur convenance conjoncturelle. Ils peuvent à tout moment souffler de nouveau le chaud, après avoir refroidi récemment les ardeurs intempestives des protagonistes locaux.
Les raisons du problème, sinon du mal, ne sont pas vraiment traitées. Ni même bien diagnostiquées, en général. Des professionnels, qui confondent peut-être un peu les causes et leurs effets, imputent les dérapages à un déficit dans l’état de santé politique du pays. Ce qui perturbe le fonctionnement des glandes institutionnelles, tout en déréglant l’attribution des responsabilités. Pour ces pôles, le confessionnalisme prend manifestement le pas sur l’esprit unitaire national. Cela, à leur avis, parce que certains responsables tentent de dominer la scène, en infléchissant les actes de gouvernement dans un sens servant leurs positions propres.
Ce n’est pas là l’opinion d’autres observateurs, pour qui tout est normal ou presque. Dans ce sens, selon eux, qu’il est normal que les décideurs en viennent à la conclusion que, pour assurer la cohésion de la gestion libanaise, il vaut mieux favoriser une seule tête. À savoir le régime, déclaré ligne rouge infranchissable par quiconque. Ce qui peut mener, en bout de course, à l’adoption de ce système présidentiel que prône Joumblatt.
Quoi qu’il en soit, les jours qui précèdent la courte pause gouvernementale d’été (deux semaines en principe) servent de test de vérification pour la « feuille de route », le plan de travail qui a été établi. Il va être loisible de voir si le compte des pertes et profits est enfin clôturé et si les luttes d’influence larvées vont prendre fin. Les fortes secousses qui ont accompagné puis suivi la mise en place du nouveau gouvernement sont en tout cas résorbées. Ce qui va permettre au président Lahoud, fait rare, de ne pas assister cette semaine au Conseil des ministres, sans trop se faire de souci. On sait en effet que le chef de l’État se trouvera en voyage officiel en Ukraine. C’est la première fois que cela se produit sous le présent gouvernement. Une précision utile : aux termes du nouveau gentleman’s agreement, l’ordre du jour de la séance a (déjà) été établi en accord entre les secrétariats des deux présidents. Et, pour plus de précautions, ce programme ne comporte que des sujets de pure routine. On peut donc parier que les débats se dérouleront sans heurt. Pour que, ensuite, les loyalistes puissent se targuer de l’harmonie retrouvée entre leurs camps respectifs.
Il reste cependant des zones d’ombre. Ainsi, tout le monde, Hariri en tête, soutient qu’il faut respecter la Constitution en se hâtant de préciser que cela ne signifie en aucune manière des concessions au niveau des prérogatives ! Donc, chacun tient à signer en réservant ses droits, comme au bas de tout contrat basé sur une irrémédiable méfiance mutuelle. Cela étant, et sans craindre les contradictions de fond, les haririens répètent que leur chef est déterminé à éviter tout clash avec le régime comme avec quiconque. Hariri veut promouvoir la coopération et l’entente. En face, les partisans du régime se disent d’accord, dans la mesure où cela signifie qu’ils doivent avoir le dernier mot dans les décisions, puisqu’ils bénéficient du soutien des tuteurs. Ainsi, les nominations diplomatiques sont passées, sans qu’il y ait vote, malgré les objections du chef du gouvernement et des siens. Dont certains ont protesté ensuite, en contestant la notion de majorité de décision, car, à leur avis, le président du Conseil n’est pas le premier parmi les ministres mais le chef du cabinet, son opinion devant être dès lors forcément prise en compte. Tout comme, du reste, celle du président de la République. Un raisonnement assez compliqué qui en pratique peut se traduire ainsi : si le président du Conseil ou le président de la République dit non, il faut lui donner raison ou, à tout le moins, remettre sous étude la question débattue. On reviendrait ainsi au gel des dossiers brûlants, situation de blocage que Hariri lui-même s’est engagé à dépasser. Il convient de souligner cependant qu’en ce qui concerne la garde rapprochée de Hariri, on s’y montre nettement plus coulant. En affirmant qu’il faut tirer un trait sur ce qui s’est passé et préserver l’entente. Dans l’esprit souhaité par Damas, dont les vœux ont été répercutés par Sleiman Frangié, reçu récemment par Assad. Le jeune ministre, on le sait, souligne qu’il est sur la même ligne que Baabda mais qu’il a de bons rapports avec Koraytem. Ses proches indiquent que les prérogatives de tous doivent être respectées.
Philippe ABI-AKL
L’on est certes en période de trêve. Mais il y a des risques que le feu couve sous la cendre. Car la substance même de la politique locale est conflictuelle. Jamais, même durant la guerre, le pays n’a souffert d’un climat politique aussi empoisonné, aussi confessionnalisé, aussi divisé au sein même du pouvoir. La construction ne tient que par la volonté d’une force...