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séminaire - Le Forum démocratique, Kornet Chehwane et le Renouveau démocratique ont procédé à une autocritique constructive L’opposition franchit un pas de plus vers l’action nationale(photos)

Procéder à une autocritique constructive de l’action menée par l’opposition ces trois dernières années, envisager une coordination plus organisée et plus vaste, à même de sortir les pôles opposants du carcan communautaire dans l’optique notamment des prochaines législatives, et jeter les bases d’un mouvement de réflexion capable d’ouvrir la voie à une regénération de la culture politique au Liban : telles sont les trois dynamiques qui se sont dégagées du séminaire de Notre-Dame du Mont à Fatqa (Kesrouan), organisé samedi par le député Farès Souhaid, en présence d’une mosaïque de personnalités de l’opposition, pour l’essentiel des membres du Rassemblement de Kornet Chehwane, du Forum démocratique et du Renouveau démocratique. Une rencontre sous le thème : « Ensemble pour le Liban ».

Des éléments communs
Tour à tour, une trentaine de personnalités de différents horizons politiques et communautaires, de l’opposition communiste aux Forces libanaises, mais réunis autour de principes communs – en l’occurrence l’édification d’un État de droit au Liban, le rejet des ingérences étrangères et le respect de la souveraineté du Liban, la promotion d’une culture nationale et d’un discours capable d’assurer l’émergence d’une nouvelle classe politique et d’un pouvoir à même de consacrer le pacte interlibanais, et la revendication d’une loi électorale juste et équitable pour des élections représentatives et démocratiques –, se sont relayées à la tribune pour débattre, entre eux, mais aussi avec le public et les journalistes, de la ligne d’action suivie par l’opposition depuis la réconciliation de la Montagne et la création du Rassemblement de Kornet Chehwane et du Forum démocratique, à la fermeture de la MTV et la destitution du député Gabriel Murr par le Conseil constitutionnel.
Ainsi, le séminaire s’est-il déroulé en présence de MM. Samir Frangié, Nayla Moawad, Pierre Gemayel, Farès Souhaid, Nassib Lahoud, Mansour el-Bone, Jean Aziz, Camille Ziadé, Farid el-Khazen, Gabriel Murr, Chakib Cortbaoui et Simon Karam, pour le Rassemblement de Kornet Chehwane, de Habib Sadek, Élias Atallah, Hikmat el-Eid et Nadim Abdel Samad du Forum démocratique, de l’ancien bâtonnier Assem Salam, de l’avocat Mohammed Matar, des piliers du comité du dialogue islamo-chrétien Saoud el-Maoula et Roger Dib, du professeur Issam Sleiman, membre du Forum d’action nationale de l’ancien Premier ministre Sélim Hoss, et de personnalités de la société civile, à l’instar du coordinateur du comité parlementaire pour la défense des étudiants, Ziyad Baroud.

Habib Sadek
et Saoud el-Maoula
Prononçant le mot d’ouverture du séminaire, qui s’est déroulé à Fatqa pour la troisième année consécutive, l’un des organisateurs, Assaad el-Raï, a immédiatement donné le ton de la journée, en plaidant en faveur « d’un courant de contestation large, fondé sur le pluralisme politique ».
Une idée caressée par les différentes composantes de l’opposition depuis la rencontre pour les libertés au Carlton initiée par Habib Sadek en août 2001, à la suite des rafles dans les rangs du courant aouniste et des FL. Mais le « revirement » du chef du PSP, Walid Joumblatt, qui constituait en quelque sorte le « parrain » de ce « centre politique », avait ramené chacun à l’intérieur de sa sphère et brisé la dynamique en cours de formation. Tendance qui devait se confirmer par les revers infligés par le pouvoir à Kornet Chehwane : la fermeture de la chaîne de télévision de l’opposition, MTV, puis l’annulation de la députation de Gabriel Murr. La dynamique avait cessé de fonctionner.
C’est justement dans le sens de la formation d’une opposition « souple » et « plurielle » qu’ont été les interventions des participants à ce séminaire, à commencer par les six principaux orateurs, MM. Saoud el-Maoula, Farès Souhaid, Habib Sadek, Mohammed Matar, Pierre Gemayel et Mansour el-Bone.
Si MM. Gemayel et Bone ont mis en exergue la nécessité, pour l’opposition, de lutter en faveur du rétablissement de la démocratie et des libertés et de rejeter les pratiques d’un pouvoir qui a noyauté les partis et les organes intermédiaires et dénaturé la formule libanaise consensuelle, Mohammed Matar a insisté, de son côté, sur l’irrespect continuel, par les dirigeants, de la notion de souveraineté nationale. Selon M. Matar, une loi électorale équitable et garantissant une véritable représentation peut seule garantir l’élection d’une Assemblée qui soit représentative et permettre au citoyen de demander des comptes aux responsables. Pour sa part, Habib Sadek a tiré à boulets rouges sur le pouvoir, qu’il a accusé de tenir un « discours monolithique ». M. Sadek a lancé un appel à « toutes les forces démocratiques et opposantes, dans leur diversité, à se retrouver pour dialoguer et mettre en place un plan d’action politique, économique et social afin de mettre fin à l’effondrement du pays à tous les niveaux ». Effondrement qu’il a imputé à « la formule politico-confessionnelle au pouvoir qui tire sa force de son maître, le parrain régional (...) », allusion au rôle de la Syrie au Liban.
Pour Saoud el-Maoula, le défi, pour l’opposition, est de « faire face au coup d’État contre Taëf constitué par les législatives de 1992 », à travers un « renouveau » sur le plan national, plus particulièrement au niveau des jeunes, et dont le point de départ était, selon lui, le synode pour le Liban. « Il faut une réponse plurielle aux agissements du pouvoir, qui incite les jeunes à démissionner de la vie publique et qui les empêche de se retrouver », estime Maoula, qui se veut pourtant optimiste : « Nous vivons des moments exceptionnels. Nous sommes en train de récupérer notre pays progressivement, de tous ceux qui nous l’ont volé. Nous retrouvons petit à petit notre identité, à travers des étapes cruciales comme celles de la fermeture de la MTV, ou la victoire du Metn. Ce combat pacifique que nous menons actuellement est porteur d’espoir. » Et de mettre en exergue « l’importance de la rencontre islamo-chrétienne pour reconstruire ensemble le Liban ».

Souhaid :
« Annuler la loi d’amnistie »
Dernier à prendre la parole avant le débat général, Farès Souhaid a été aussi le plus percutant. « Une page a été tournée dans la région (avec la chute de Saddam Hussein). Au Liban aussi la période qui a débuté avec la fin des combats est sur le point de s’achever aujourd’hui. Or nous avons deux options : ou bien réaliser un règlement interne entre ceux parmi les dirigeants qui peuvent encore se recycler, l’opposition et la société civile, ou bien attendre les développements régionaux pour s’y adapter. La première option est la plus saine, parce qu’elle garantit l’unité des Libanais et permet une transition pacifique entre deux périodes. La deuxième option est celle du pouvoir, qui essaye de perpétuer l’état de fait en attendant des propositions de l’extérieur pour changer son fusil d’épaule », a-t-il indiqué. Selon M. Souhaid, ce nouveau règlement doit être, en pratique, foncièrement différent de celui de 1990, puisqu’il doit assurer « un Exécutif qui ne soit pas asservi, à même de se conformer à la Constitution ». « Ceux qui réclament l’amendement de Taëf œuvrent consciemment ou inconsciemment à une nouvelle répartition des Libanais en fonction du critère communautaire », a-t-il ajouté, en réclamant « l’abrogation de la loi d’amnistie et la réouverture de tous les dossiers, si le pouvoir refuse de tourner la page de la guerre ». Et de conclure en accusant le pouvoir de « provoquer, par ses pratiques, l’intervention de l’extérieur sur la scène locale, à travers des textes étrangers, tels que le Syria Accountability Act ».

Autocritique et perspectives d’action
Un débat s’en est suivi auquel le public a participé, permettant à l’opposition de faire sa propre autocritique. L’un des premiers à prendre la parole est Nassib Lahoud, qui désire répondre aux critiques selon lesquelles l’opposition a mené des batailles perdues d’avance dont le bilan a été plus négatif que positif, comme celles de la MTV ou du Metn. Pour M. Lahoud, il convient de faire la part des choses. Le pouvoir s’est senti agressé et a réagi en annulant les résultats, mais cela n’ôte aucun mérite à l’opposition pour les victoires remportées dans des conditions de déséquilibre des forces. Une position à laquelle fera écho Chakib Cortbaoui, pour qui l’opposition est « d’abord une culture de contestation qui se construit progressivement ». « Le citoyen ne doit pas attendre que les conditions soient réalisées, il doit lui-même comprendre qu’il a une part de responsabilité à assumer », dit-il. Une idée reprise par Camille Ziadé, selon qui il est nécessaire pour l’opposition de mener une action à long terme, ciblée et orientée et pour les jeunes de comprendre qu’il s’agit d’une lutte de longue haleine. « Les jeunes quittent parce qu’ils s’attendent à des résultats immédiats. C’est une erreur », a-t-il ajouté.
S’adressant à Issam Sleiman au terme d’un débat sur la loi électorale, Habib Sadek et Assem Salam ont reproché à Sélim Hoss de ne pas avoir démissionné de la présidence du Conseil en l’an 2000, après avoir pris connaissance de la loi électorale. Dans le même ordre idée, Saoud el-Maoula a critiqué tous les leaders musulmans « qui ont accepté de participer au simulacre d’élection de 1992 ». Jean Aziz, représentant des FL, saluant son courage, lui répond : « Nous aussi nous devons faire notre autocritique. Nous n’avons aucune expérience dans l’opposition. Nous avons été catapultés du pouvoir à l’interdiction pure et simple. »
À Khalil Nader (mouvance de l’opposition Kataëb) qui reproche à toutes les figures de l’opposition d’être moins efficaces que les associations de droits de l’homme comme Solide et de ne pas être aussi courageuses que les jeunes « qui se font tabasser pour leurs idées lors des manifestations et qui sont le véritable moteur de la victoire de Gabriel Murr au Metn », Samir Frangié répond, excédé : « Chacun a le droit de choisir les moyens qu’il veut pour atteindre son but. Ce pouvoir va disparaître, il est de notre responsabilité à tous de créer une opposition plurielle pour pallier le vide qu’il va laisser ». Un message adressé aussi au courant aouniste, dont un représentant s’explique brièvement avec Farès Souhaid sur les raisons pour lesquelles Kornet Chehwane est « tellement réfractaire au Syria Accountability Act et élude à ce point le véritable problème qui est, en fait, l’occupation syrienne ».
Désillusionné, Gabriel Murr se lance dans une diatribe contre le pouvoir et évoque la défragmentation de la société libanaise et le noyautage des partis, des ordres et des médias, qui ont tous si peu réagi à la fermeture de la MTV et à sa destitution. M. Murr affirme qu’il est interdit de passage à l’antenne et, à tour de rôle, la plupart des personnalités politiques assises dans la salle, reprennent après lui en cœur : « Moi aussi ».
Le mot de la fin revient à Issam Sleiman, qui, pragmatique, souligne les difficultés de consolider un front d’opposition nationale en raison de la volonté chez chacun des pôles de conserver sa marge de manœuvre, ses principes directeurs et de consolider ses intérêts.
Ce qui empêche sans doute un front allant de Michel Aoun à Hussein Husseini et Sélim Hoss, en passant par les forces du centre, d’émerger aujourd’hui. Ce qui a conduit aussi, par le passé, les plus belles alliances plurielles à disparaître. Des expériences qu’il est grand temps, aujourd’hui, de transcender. Une hantise qui animait samedi les opposants de Fatqa.

Michel HAJJI GEORGIOU
Procéder à une autocritique constructive de l’action menée par l’opposition ces trois dernières années, envisager une coordination plus organisée et plus vaste, à même de sortir les pôles opposants du carcan communautaire dans l’optique notamment des prochaines législatives, et jeter les bases d’un mouvement de réflexion capable d’ouvrir la voie à une...