Le viager*

Cette interminable tragi-comédie des loyers ressemble à la mise en boîte taquine que nos bambins apprennent dès qu’ils savent placer une phrase : tu veux connaître l’histoire de la cruche d’huile d’olive ? Si tu dis oui ou si tu dis non, tu veux connaître l’histoire...
Il y a de quoi être excédé. Cela fait un demi-siècle (un bail !) que nous traînons de loi d’exception en loi d’exception. Toutes favorables aux locataires, anciens surtout. Apparemment la justice sociale y trouve son compte : les moins nantis risquent peu d’être jetés à la rue. Mais, en définitive, ce sont les générations montantes qui casquent. On ne loue plus, ou alors à des tarifs prohibitifs, on vend. Et l’on entend beaucoup de jeunes se plaindre de ne pas pouvoir se marier, parce qu’ils n’ont pas les moyens de se loger. Certes, ils peuvent toujours se délocaliser, puisqu’il existe des régions où l’habitat est moins cher. Mais cet éloignement, pas toujours possible d’ailleurs, est coûteux, en déplacements comme en perte de temps et d’énergie. Sans compter les liens, familiaux ou amicaux, qui se distendent forcément.
Le dossier reste cependant d’une complexité effroyable. Paradoxalement, parce que l’on n’a jamais songé à élaborer un code bien fragmenté, couvrant des cas de figure géographiques, techniques ou sociaux fondamentalement différents les uns des autres. L’ennui, dit-on, naquit un jour de l’uniformité. Les ennuis aussi. Une même loi pour tous, c’est injuste tant que les inégalités demeurent souveraines. Il faut en tout cas espérer que la prochaine mouture prendra en compte les contrariétés des jeunes autant que la quiétude des personnes âgées. Qui vivent pratiquement en viager.
J.I.
*Le viager, de Pierre Tchernia, 1971.