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La création de deux mohafazats, un nouveau pied de nez à Taëf

La loi est faite pour être tournée, disent les chicaneurs professionnels. Et Taëf est fait pour être détourné. Dans la mesure exacte où l’on clame en chœur la nécessité de réhabiliter ce contrat de mariage, on s’ingénie à y porter des coups de canif.
Ainsi des députés dont les blocs sont représentés au gouvernement et qui appartiennent donc au camp loyaliste, joignent leur voix à celle de collègues opposants pour dénoncer la nouvelle atteinte au pacte que constitue la création des deux mohafazats du Akkar et de Baalbeck-Hermel. Ils pensent qu’à force de tronquer et de trahir Taëf, on va finir par le vider de tout contenu salvateur.
De plus, sur un plan pratique, cette augmentation des districts risque d’entraver, en la rendant plus complexe, la délicate opération de décentralisation administrative en gestation. Sans compter qu’elle compromet le programme de reconfiguration globale des mohafazats, qui doivent se trouver multipliés par un quotient supérieur à deux fois si l’on veut respecter les préceptes de Taëf. On sait en effet que le projet de fond, établi il y a plus de dix ans, prévoit de porter le nombre de mohafazats de six à quatorze. Aux fins, notamment, d’élaborer une loi électorale sur cette nouvelle base, du moment que Taëf ordonne que le mohafazat soit l’unité retenue comme circonscription.
Pour les députés qui s’insurgent contre les dispositions adoptées à la Chambre, l’approche effectuée est aussi partiale que partielle. Ils soulignent qu’il aurait fallu préparer un programme complet de restructuration. Pourquoi, au nom de quelle logique, s’exclame le député Salah Honein, veut-on traiter du tracé administratif par fragments séparés ? Il précise qu’il n’est pas contre le changement, à condition qu’il soit cohérent et complet.
Les défenseurs du tableau retenu affirment que l’objectif est uniquement de faciliter la vie et les formalités des gens en leur épargnant de coûteux déplacements. Ainsi les habitants de Baalbeck-Hermel n’auront plus besoin de se rendre à Zahlé pour leurs affaires administratives. En outre, la promotion des cazas en mohafazats leur permettrait d’élaborer des plans de développement plus pointus et plus profitables pour leurs populations respectives.
À ces arguments, les contestataires répondent que si l’on voulait vraiment une réforme sans arrière-pensées politiques, on aurait dû tout simplement prier le gouvernement d’accélérer la mise en chantier de la décentralisation administrative et le redécoupage des zones. Un programme qui est bien antérieur à la proposition de création de deux nouveaux mohafazats et qui offre l’avantage d’être global. Ce qui lui donne une dimension nationale effaçant toute suspicion d’ordre politico-régional ou confessionnel. Ils rappellent que lorsqu’il était ministre de l’Intérieur, Michel Murr avait préparé trois projets complémentaires: la loi électorale, le découpage des circonscriptions et la décentralisation administrative. Qui prévoyait d’instaurer 32 districts en gommant tout simplement les labels de mohafazats ou de cazas. Toujours selon ces contestataires, il est assez évident que l’on a surtout voulu consacrer l’existence de deux fiefs électoraux supplémentaires distincts, l’un de la Békaa, l’autre du Nord. Un essai de récupération pour compenser un peu le fiasco du projet officieux de faire du Liban une seule circonscription. On sait que cette idée, avancée jadis comme simple ballon d’essai par des ultras loyalistes, avait été rapidement retirée du marché après le tollé élargi qu’elle avait provoqué à tous les horizons du paysage politique local. L’on s’est donc efforcé d’amortir ce revers par une astuce politique. la preuve étant, à leurs yeux, que la demande du député Neemetallah Abi-Nasr de créer aussi un mohafazat à Jbeil-Kesrouan a été ignorée. Il faut dire qu’aujourd’hui, l’intéressé s’étonne de la position adoptée par ses pairs de Jbeil-Kesrouan qui n’ont pas milité pour son projet. En fait, au moment du vote, Farès Boueiz, Farid el-Khazen et Abbas Hachem se concertaient dans une salle hors de l’hémicycle et ils n’ont pas participé au scrutin. Abi-Nasr ne baisse cependant par les bras et poursuit ses démarches pour obtenir que les gens de sa région aussi voient leur vie administrative facilitée. En pratique, son projet reste en commissions. Notamment parce que Joumblatt voudrait de son côté qu’à part Kesrouan-Jbeil, on tire du Mont-Liban un deuxième nouveau mohafazat groupant le Metn-Sud, Aley et le Chouf.
Concernant le découpage des circonscriptions, des sources proches de l’Intérieur indiquent que la tendance reste à l’adoption d’une formule moyenne, entre le mohafazat et le caza. De sorte qu’on ajouterait en définitive trois circonscriptions au nombre arrêté en l’an 2 000. Ces sources précisent que le ministre Élias Murr est contre toute précipitation et ne veut rien bâcler. Il souhaite favoriser toute solution qui, tout en répondant au vœu de la majorité de la population favorable au mohafazat, puisse assurer la représentation des minorités dans certaines régions.

Philippe ABI-AKL
La loi est faite pour être tournée, disent les chicaneurs professionnels. Et Taëf est fait pour être détourné. Dans la mesure exacte où l’on clame en chœur la nécessité de réhabiliter ce contrat de mariage, on s’ingénie à y porter des coups de canif.Ainsi des députés dont les blocs sont représentés au gouvernement et qui appartiennent donc au camp loyaliste,...