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Actualités

Tant qu’il y aura des hommes*

Rijalates…Vocable arabe de testostérone viril adouci d’une finale aux hormones féminines. Qui veut dire des hommes, des vrais. De la rue en bas, monte la complainte de l’aveugle mendiant qui chante nos rijalates disparus. Un regret amer : en cette pause morose d’été, notre fierté d’antan repose. Pour l’éternité.
Pourtant, nos illustres aînés n’étaient pas vraiment des hommes d’État. La plupart venaient non pas de la Fonction publique mais de cabinets d’avocats ou de familles politiques, les deux se combinant du reste souvent. Sur le plan intérieur, on le sait, ils assument une large partie du brutal, du sanglant effondrement de la précédente République. Ils ont permis, quand ils n’en étaient pas complices, la corruption, les haines confessionnelles, les pertes de temps et d’énergie en stupides luttes d’influence (comme quoi rien n’a changé).
Mais leur grandeur commune est d’avoir cru dans ce pays. Cette foi, certains d’entre eux l’ont payée de leur vie. Ou de celle de la chair de leur chair, leurs fils, leurs petits-enfants, leurs neveux. À défaut du sens de l’État, ils avaient le sens de la nation. De sa dignité propre. Dès les premiers pas de l’indépendance, ils se sont heurtés aux visées ou aux exigences de l’environnement régional. Ainsi, au prix de fréquentes brouilles, assorties d’une fermeture des frontières, ils refusaient toujours de livrer des opposants syriens qui leur demandaient l’asile politique. Avant guerre, on pouvait entendre le jeune Khaddam, dont la vivacité ne s’est jamais démentie, vitupérer à l’AIB même contre le laxisme manifesté par les autorités libanaises à l’égard des libertés que prenait la presse locale. Ce mur d’incompréhension, les dirigeants d’avant le déploraient, mais ne pliaient jamais.
Finalement, leur gracieux château de cartes, tissé de beaucoup d’erreurs et de quelques bons principes, a été démoli. Aujourd’hui, le Liban est tenu, par le traité de défense-sécurité découlant du pacte dit de fraternité, de remettre à Damas tout ressortissant syrien recherché dans son pays. Il fait mieux encore : il leur livre, en se voilant quand même les yeux sinon la face, des Libanais. Houeiss en faisait partie. Son accident, car ce n’était rien d’autre et il n’était pas un terroriste, s’était produit à Dhour Choueir. Territoire syrien par excellence, du moment, comme disait l’autre, que les deux peuples n’en font qu’un. Oui, mais lequel ?
J.I.
*From Here to Eternity, de Fred Zinnemann, 1953.
Rijalates…Vocable arabe de testostérone viril adouci d’une finale aux hormones féminines. Qui veut dire des hommes, des vrais. De la rue en bas, monte la complainte de l’aveugle mendiant qui chante nos rijalates disparus. Un regret amer : en cette pause morose d’été, notre fierté d’antan repose. Pour l’éternité.Pourtant, nos illustres aînés n’étaient pas...