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Exécutif - Le président du Conseil a tenu un débat ouvert à l’Ordre des médecins Hariri : Pas de consensus sur les nominations diplomatiques

C’est dans l’immense salle qui porte son nom, au siège de l’Ordre des médecins, que le président du Conseil, M. Rafic Hariri, a choisi de s’exprimer en public, pour la première fois depuis l’attentat contre la Future TV. Pendant près de deux heures, il n’a peut-être pas dit tout ce qu’il avait sur le cœur, mais ses allusions sur la situation économique bloquée, ses boutades sur le fait qu’il faut descendre bien bas pour parler de politique et même ses silences en disaient long sur son état d’esprit. Il a quand même fait passer une information au sujet du Conseil des ministres d’aujourd’hui, précisant qu’il n’y a aucun accord préalable sur le train des nominations diplomatiques. « J’ai mes remarques et je les ferai au sein du Conseil des ministres. Même si tout ce qui se dit là-bas est aussitôt divulgué dans la presse. »
Les présidents des Ordres des médecins de Beyrouth et du Liban-Nord, Mahmoud Choucair et Ibrahim Jokhadar, avaient bien essayé de consacrer ce débat ouvert aux problèmes sanitaires et aux conditions de travail des médecins, mais certaines questions ont rapidement glissé vers la politique. Les médecins ont commencé par ce qui les tracasse le plus, à savoir les arrangements fiscaux pour les professions libérales. Ce qui a permis au Premier ministre de lancer une idée qui pourrait, selon lui, servir de solution à ce problème. M. Hariri est parti d’une idée simple : au lieu de s’engager dans un débat stérile avec les avocats, les médecins, les ingénieurs et les autres membres des professions libérales sur le montant de leurs revenus, les contraignant à apporter la preuve de gains réduits, il vaudrait mieux les imposer sur leur consommation, en augmentant la TVA, puisque de toute façon, d’une manière ou d’une autre, ils vont dépenser leur argent. Bien entendu, les grandes sociétés continueront à payer un impôt sur le revenu. Mais cette formule ne serait valable que pour les individus à revenus moyens. M. Hariri a longuement expliqué qu’il ne s’agissait encore que d’une idée, mais elle a occupé une partie des débats, obtenant même l’approbation de bâtonnier de Beyrouth, Me Raymond Chédid.

« Non au régime présidentiel »
Les médecins ont aussi évoqué la CNSS et M. Hariri a clairement exprimé sa désapprobation de la gestion de cette institution, qui a, selon lui, de grosses dépenses internes, au détriment des citoyens et, en fait, de ceux qui devraient bénéficier de ses prestations. « On a souvent voulu me présenter comme hostile à la CNSS. Ce n’est pas du tout vrai. Je suis pour le renforcement de cette institution et l’élargissement de son champ de fonctionnement, mais je suis convaincu qu’il faut lui mettre des garde-fous », a déclaré le Premier ministre.
En réponse à une question, M. Hariri a critiqué la politique d’octroi systématique de licences à des universités pas toujours de haut niveau, pratiquée en 1999, qui a abouti à la prolifération d’établissements en principe d’études supérieures, mais en fait, qui nuisent à la réputation du Liban et au niveau de l’enseignement dans ce pays. « Il est peut-être temps de revoir certaines licences, ainsi que l’ensemble de la politique éducative, de manière à ce qu’elle permette aux jeunes diplômés d’être absorbés par le marché du travail », a ajouté M. Hariri.
À la question de savoir si l’accord de partenariat euro-méditerranéen est en faveur du Liban, M. Hariri a répondu par l’affirmative, tout en faisant passer un « s’il est appliqué » assez sceptique, s’empressant toutefois d’ajouter que si Chypre est intégrée à l’Union européenne, cela ne peut qu’être bénéfique pour le Liban.
Au sujet du rapport de l’Inspection centrale, publié récemment, qui dénonce une grave dilapidation de fonds publics au sein de l’Administration et de la demande des évêques maronites de consacrer une séance du gouvernement à l’examen de ce rapport, M. Hariri a été plutôt évasif, précisant que ce rapport suivra la procédure légale. « Quant à la demande des évêques, elle ne connaîtra pas un sort particulier et sera traitée comme toutes les autres. Bien qu’en fait, il s’agisse d’une demande politique. »
M. Hariri a violemment critiqué ceux qui disent que pendant la guerre, la situation économique était meilleure. « En fait, les gens ne payaient pas d’impôts et l’argent venait des trafics divers. »
Le président du Conseil a aussi affirmé que le Liban ne peut être gouverné par un homme ou un parti. Ce qui a permis à quelqu’un de lancer : « Si, par vous, Monsieur le Premier ministre. » M. Hariri s’est ensuite engagé dans une longue explication de son opposition au régime présidentiel (idée avancée par M. Walid Joumblatt). Selon lui, la tendance internationale est de passer des régimes présidentiels aux régimes parlementaires, afin de pouvoir demander des comptes au gouvernement, puisqu’on ne peut le faire avec les chefs d’État. « La philosophie de la démocratie est de pouvoir demander des comptes aux gouvernants. Or, le président est au-dessus de toute demande de ce genre. C’est pourquoi le régime présidentiel est contraire au concept même de la démocratie. »
Se sentant privé du droit de parole, un médecin de la Békaa, le Dr Oussama Chamas, a failli provoquer un esclandre, accusant les présidents des Ordres des médecins de se moquer des personnes présentes et lançant à l’adresse du Premier ministre que lui et (le président) Berry ne servent que les régions qui les concernent électoralement, tandis que les autres régions tombent dans l’oubli et la pauvreté. Alors que MM. Choucair et Jokhadar commençaient à « tancer l’insolent », M. Hariri a tenu à le laisser parler, avant de lui répondre calmement. « C’est vrai que les gens sont mécontents, lui a-t-il dit. Il y a beaucoup de lacunes dans notre système politique, mais cela ne signifie pas que tout doit être rejeté. Il faut améliorer ce qui existe et non le détruire. Sans doute n’en avons-nous pas fait assez pour certaines régions, mais nous avons quand même lancé quelques projets de développement. Cessons de nous détruire. Notre pays suscite l’admiration des étrangers, pourquoi ne pouvons-nous en voir les bons côtés ? Pourquoi faut-il tout laisser en plan, en attendant une réconciliation nationale qui risque de prendre du temps ? Certains politiciens véhiculent un tel discours qui vise à saper notre confiance en nous. Mais notre situation n’est pas si mauvaise. Cela ne veut pas dire que tout me plaît, loin de là. Je sens avec les gens, mais j’assume aussi mes responsabilités. »

Scarlett HADDAD
C’est dans l’immense salle qui porte son nom, au siège de l’Ordre des médecins, que le président du Conseil, M. Rafic Hariri, a choisi de s’exprimer en public, pour la première fois depuis l’attentat contre la Future TV. Pendant près de deux heures, il n’a peut-être pas dit tout ce qu’il avait sur le cœur, mais ses allusions sur la situation économique bloquée,...