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Institutions - Controverse larvée sur une nouvelle Constitution Plaidoyer pro domo des artisans de Taëf

Dans un entretien au Nahar, et dans un réflexe naturel de paternité, le président Hussein Husseini, artisan des accords de Taëf, estime que la mission du prochain président devra être de donner corps vraiment à ce pacte national. Démentant un préjugé courant, l’ancien chef du Législatif soutient que le document fondateur attribue au premier magistrat une position d’une extrême importance. Son pouvoir, dit Husseini, prime tous les autres. Mais la pratique suivie, du reste illégale, a occulté ce principe. Il n’empêche que, selon l’ancien chef du Législatif, il n’existe pas de formule pouvant se substituer à Taëf. En 13 ans, indique-t-il, il n’a jamais entendu quelqu’un avancer une idée utile de remplacement des textes.
Bien d’autres pôles expérimentés partagent cet avis. Qui se résume dans cet argument : avant de changer de costume, corrigeons-en les faux plis, il redeviendra tout à fait présentable. Même avec ses imperfections, même avec une concrétisation tronquée, déviée, Taëf continue à offrir des avantages certains. En effet, aux yeux de ces personnalités, sans les accords en question, les querelles interprésidentielles auraient provoqué des secousses qu’on n’aurait pas pu amortir. Pour déboucher sans doute sur une crise de pouvoir explosive. Or, ajoute-t-on, il est évident qu’on ne saurait revenir à l’ancien système. Car les prérogatives régaliennes du président de la République suscitaient un rejet permanent, au nom de la participation. Ainsi, l’on assistait à des conflits fréquents entre le chef de l’État et les présidents du Conseil quand ces derniers ne lui étaient pas soumis.
Taëf a traité ce problème, soutiennent ses défenseurs. En redistribuant les pouvoirs, pour les équilibrer dans la limite du possible. Il a établi le principe de leur séparation, mais dans un cadre de coordination, pour le service bien compris d’un État solidement uni. Le président de la République ne peut plus proposer de lois, prérogative limitée à la Chambre comme au Conseil des ministres. Il n’est plus autorisé à convoquer seul les sessions ordinaires. De même, il ne dispose plus de la signature unique des traités. Bien entendu, l’ancien texte (d’ailleurs pratiquement jamais appliqué) lui permettant de former un gouvernement à sa guise, pour nommer ensuite parmi ses membres un Premier ministre, est abrogé. De ce fait, il n’a plus le pouvoir de révoquer les ministres quand il le veut. Quant aux décrets ou lois, il n’a plus la faculté de les garder par- devers lui sans les promulguer s’ils lui déplaisent. Bref, il n’est plus un souverain élu, ce qui faisait des chefs de gouvernements de simples « bâchkatebs » (clercs d’office), selon la boutade de l’un d’entre eux. Taëf a en effet décidé d’impartir l’Exécutif au Conseil des ministres réuni. Une personne morale constituant un pouvoir collégial.
Sans ces accords, répètent leurs défenseurs, et si on avait conservé l’ancienne formule, le pays aurait sauté dans l’inconnu. Les textes ont assuré, à leur avis, une protection contre les effets négatifs des querelles interprésidentielles qui se produisent de temps à autre. Des conflits qui auraient été plus nombreux encore, et plus néfastes, si l’on n’avait pas confié l’Exécutif au Conseil des ministres et si des articles déterminés n’avaient pas imposé un minimum d’entente technique entre les dirigeants. Selon ces sources, sans Taëf, le président de la République aurait fait sauter aujourd’hui le chef du gouvernement. Pour nommer un cabinet à sa seule convenance, solution adoptée jadis à de rares occasions, sous prétexte de faire barrage à des césures internes d’ordre confessionnel. Ainsi, le président Frangié avait révoqué le ministre de l’Éducation, Henri Eddé. Il avait refusé la formation mise sur pied par Saëb Salam. Et il avait nommé Rachid Solh. Dans le même esprit, à l’ombre de l’ancien système, le régime actuel aurait pu renvoyer le gouvernement et il aurait même pu dissoudre la Chambre. Sans aller jusque-là, il aurait pu tout neutraliser, en refusant de signer puis de promulguer les lois et les décrets. Il est facile de déduire, ajoutent les mêmes personnalités, qu’avec l’ancienne formule un vent de discorde aurait soufflé aujourd’hui sur le pays, à cause des tiraillements entre les dirigeants.
Mais c’est justement là que le bât blesse. Même si l’on ne veut pas imputer directement à Taëf la responsabilité de ces heurts, force est de se demander si les textes sont suffisants pour les prévenir ou y parer. Les nombreux articles, qui lient la prise de décision concrète à un accord entre le président de la République et le président du Conseil, ne disent pas que faire, à quel saint se vouer, à quel arbitrage recourir quand cet accord fait défaut.
Ce qui fait qu’on s’en remet à la Syrie. Cependant, le président Husseini répond en redisant que la faute n’en est pas aux textes, mais à la pratique, En regrettant, à ce propos, que l’on n’ait jamais formé ce gouvernement d’entente nationale ordonné par Taëf. Et qui aurait donné une autre consistance au Conseil des ministres, détenteur du pouvoir exécutif. Tout comme l’on n’a jamais adopté une loi électorale équitable, équilibrée et juste, assurant une vraie représentation parlementaire des différentes composantes du pays.
Émile KHOURY
Dans un entretien au Nahar, et dans un réflexe naturel de paternité, le président Hussein Husseini, artisan des accords de Taëf, estime que la mission du prochain président devra être de donner corps vraiment à ce pacte national. Démentant un préjugé courant, l’ancien chef du Législatif soutient que le document fondateur attribue au premier magistrat une position d’une...