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Affaires étrangères - À l’heure des grandes épreuves, le Liban privé d’un soutien utile La panne diplomatique est aussi un mal pour l’intérieur du pays

Une coïncidence malheureuse, dans laquelle il ne faut surtout pas voir un symbole : Élysé Alam, notre ambassadeur à Paris, disparaît à un moment où Paris II semble bloqué. Et à quelques jours du déblocage, espéré sinon certain, du dossier des nominations diplomatiques en Conseil des ministres, demain jeudi.
En fait, la diplomatie libanaise est en crise ( plaisant euphémisme) depuis de longues années. Des ambassades mineures en trop grand nombre, souvent bourrées d’effectifs népotiques, parachutés pour satisfaire des dirigeants ou des politiciens. Une dégradation du niveau par manque d’attraits sur le plan de la rémunération (certains diplomates à l’étranger y vont de leur poche). Des conflits d’intérêts d’ordre confessionnel... La litanie est longue.
Le pays s’est trouvé de la sorte, se trouve toujours, privé d’un soutien utile, voire indispensable, à l’heure de la grande épreuve de la guerre. Et de la plus grande épreuve d’une paix ratée, empoisonnée. Il aurait eu besoin de rameuter ses émigrés, pour tenter de s’en sortir économiquement. Or nos chancelleries n’ont pas les moyens de mener campagne dans ce domaine. La disparition du ministère des Émigrés n’y est pour rien : c’était un département fantôme, sans autres instruments que des attachés dont bon nombre, sans aucun savoir-faire, avait été recruté par complaisance ou corruption. D’ailleurs, ces attachés spéciaux avaient été récusés par nombre de capitales étrangères d’accueil pour qui leur présence constituait une ingérence dans leurs affaires intérieures. Donc, sauf les festivals organisés dans la mère patrie autour d’un verre d’arack pour les vacanciers libanais de l’étranger, aucun effort de mobilisation n’est produit par les autorités locales. Et l’on a pu voir récemment un précédent digne du Guiness Book of Records : l’ambassadeur des États-Unis à Beyrouth démarcher les colonies libanaises installées dans son pays pratiquement pour le compte de l’État libanais ! Battle a en effet battu la campagne pour presser les émigrés ou les hommes d’affaires d’investir au Liban.
À part l’économie et les finances, les émigrés auraient pu aider leur pays d’origine sur le plan diplomatique pur. L’affaire de Chebaa, par exemple, aurait fait l’objet d’un lobbying pressant auprès des délégations à l’Onu, pour tenter de placer ces hameaux sous l’autorité de la 425 et non de la 242. C’est-à-dire pour accréditer la thèse, essentielle, de la légitimité d’une résistance armée à l’occupation israélienne. D’autant que l’après-11 septembre a imposé de lui-même une certaine distinction entre la diplomatie libanaise et la diplomatie syrienne. L’alignement subsiste, bien entendu, mais dans un cadre où les spécificités montrent plus de relief. Et c’est bien parce que le Liban est plus ou moins démocratique que la Syrie, en butte aux pressions US lors de l’histoire d’Irak, n’avait pas hésité à accepter que Hariri la représente pratiquement auprès des Occidentaux, pour défendre ses positions. Les Syriens savaient en effet que les USA, comme la France, l’Angleterre ou l’Allemagne, ont tendance à considérer les Libanais comme appartenant viscéralement au monde libre, dans leur mentalité et non au monde unipartisan, pour ne pas dire totalitaire. Ce qui signifie, en pratique et en diplomatie, qu’un Libanais est entendu en Occident d’une oreille plutôt sympathique, alors qu’un interlocuteur délégué par un système autoritariste y est accueilli avec une certaine réserve mentale.
Mais le principal déficit de la paralysie du corps diplomatique libanais se situe, paradoxalement, au niveau des affaires intérieures de ce pays. Dans ce sens que les diplomates libanais auraient pu, auraient dû, non seulement défendre nos intérêts extérieurs, mais intervenir de façon pressante sur les dossiers primordiaux à caractère local. Comme, par exemple, la révision de la Constitution, la correction de trajectoire par rapport à Taëf. Ce n’est pas leur rôle, pourra-t-on objecter. Mais si, au contraire : du moment que les décisions concernant la vie politique, et la vie tout court, de ce pays sont notoirement prises à l’étranger, c’est dehors qu’il faut essayer de les influencer, de les infléchir. Pour recouvrer, justement, le droit de décider par nous-mêmes. Et de permettre à notre diplomatie d’être enfin elle-même.

Jean ISSA
Une coïncidence malheureuse, dans laquelle il ne faut surtout pas voir un symbole : Élysé Alam, notre ambassadeur à Paris, disparaît à un moment où Paris II semble bloqué. Et à quelques jours du déblocage, espéré sinon certain, du dossier des nominations diplomatiques en Conseil des ministres, demain jeudi.En fait, la diplomatie libanaise est en crise ( plaisant...