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PARLEMENT - Vingt interventions hier, les projets de loi sensibles seront votés aujourd’hui Un véritable leitmotiv place de l’Étoile : les violations quotidiennes de la Constitution(photo)

Vingt députés se sont exprimés hier au cours de la première journée d’une session parlementaire qui, finalement, aura tenu ses promesses. C’est-à-dire que le consensus et la discipline ont été le maître mot des haririens et des lahoudiens qui ont évité de s’en prendre à ceux de l’autre camp ; c’est-à-dire aussi que les ténors de l’opposition n’ont pas failli à leur salutaire réputation : mettre les points sur les i et dénoncer toutes les avanies, violations quotidiennes de la Constitution et autres scandaleuses vicissitudes de la praxis politique telles qu’élevées au rang d’art de vivre par les dirigeants libanais.

À tout seigneur tout honneur : c’est le président du mouvement du Renouveau démocratique, Nassib Lahoud, qui ouvre le bal des interventions parlementaires. Avec la même constance, le même souci de mettre le doigt sur les plaies, comme depuis au moins trois ans, il commence par évoquer les toutes récentes scènes de ménage entre les gens du pouvoir en général – entre Émile Lahoud et Rafic Hariri en particulier. Lesquelles ont eu au moins le mérite, selon lui, de montrer d’une façon franche et flagrante l’ampleur de la crise à laquelle ils ont mené le pays, l’ampleur du déséquilibre auquel ils ont conduit la praxis constitutionnelle, qu’ils ont totalement « défigurée ». Ces scènes de ménage ont également eu le mérite « non seulement de prouver l’incapacité (des gens du pouvoir) à résoudre les crises socio-économiques, mais également leur impuissance à ne serait-ce qu’expédier les affaires courantes et assurer le plus simple des besoins » de la population.
Et pour argumenter, pour illustrer ce « déséquilibre » et cette « impuissance » patente qu’il vient d’évoquer, pour dénoncer cette vie politique viciée imposée à tout un pays, Nassib Lahoud y va carrément par quatre chemins.
Un : occuper un poste de pouvoir ou de responsabilité se résume désormais à une lutte pour un poste, pour une part du gâteau, pour des intérêts personnels et partisans « qui enrichissent la solde de tel ou tel responsable en prévision des échéances et autres batailles à venir ». Cette fonction se résume aussi, poursuit le député du Metn, par « une disponibilité évidente et totale à dynamiter le Conseil des ministres et toute autre institution du pouvoir », quitte à miner le peu de confiance qui reste dans le pays. « Et cela, c’est le summum du mépris face aux souffrances et aux difficultés quotidiennes » des Libanais.
Deux : marginaliser la Constitution et les lois, et puis crier sur tous les toits qu’on y revient enfin, en exigeant des citoyens une totale reconnaissance. « Et en attendant les nouveaux rounds d’escarmouches entre les présidents, nous nous posons, à l’unisson avec les Libanais, la question suivante : si les responsables disent qu’ils vont, dorénavant, appliquer la Constitution, qu’est-ce qu’ils pouvaient bien appliquer auparavant ? » assène le président du RD dans un hémicycle où l’on aurait entendu une mouche voler.
Trois : réduire les fonctions de la République aux personnes, « comme si celles-ci étaient plus importantes que les postes ou les institutions, comme si la première mission pour un responsable serait de grapiller, minutieusement, le maximum de prérogatives, d’en acquérir et d’en emmagasiner de nouvelles », accuse-t-il. Déplorant que ces responsables ne se contentent pas des prérogatives qui leur incombent et qu’ils ne fassent pas en sorte de les conforter en les mettant en pratique du mieux qu’ils peuvent.
Quatre : continuer à demander un arbitrage extérieur, « et précisément celui de nos frères syriens », afin de trancher sur des sujets purement internes. « Alors qu’à ces questions, ce sont des mécanismes politiques constitutionnels purement libanais qui devraient répondre ; d’autant plus que ces sujets n’ont aucun lien avec quelque coopération stratégique entre les deux pays que ce soit, ni avec les intérêts supérieurs de la nation syrienne ».
Nassib Lahoud explique ensuite que tout cela n’est que le résultat de la non-application de l’accord de Taëf, et la preuve la plus évidente de cette violation de l’esprit de cet accord est « le gouvernement actuel, ainsi que la façon dont il a été formé : totalement antidémocratique et oublieuse des moindres besoins et des priorités internes du Liban ». Il dénonce ensuite les atteintes continues contre les médias, la liberté d’information, et contre la confiance en l’économie du pays – atteintes face auxquelles le pouvoir se place en simple spectateur, « incapable d’en identifier les auteurs, ni d’en dévoiler les desseins ».
Et à l’heure où tous les pays de la région – « sauf le Liban ! » – essaient de consolider leur situation interne, de se réconcilier avec leurs citoyens, de renforcer leur unité nationale et de redynamiser la crédibilité de leurs institutions, il n’est plus permis, souligne le député du Metn, de se contenter de rafistolages. « Le changement est devenu urgentissime – un changement de mentalités, de façon de faire, de performances –, de même que la nécessité de trouver les vraies solutions aux vrais problèmes », conclut-il.

Les coups de poing
de Fattouche et de Abi-Nasr
Après les conflits entre les deux pôles de l’Exécutif et leurs désastreuses conséquences sur la praxis politique dénoncés par Nassib Lahoud, le président de la commission parlementaire des Affaires étrangères, Ali el-Khalil, a choisi de mettre l’accent, pour la énième fois en à peine une semaine, sur le monstrueux retard dans les nominations diplomatiques. En prenant la peine de remercier le chef de la diplomatie, Jean Obeid – sans doute un peu agacé par cet excès de zèle intempestif et injustifié –, de continuer à déployer ses efforts afin d’aboutir à un accord (entre les trois présidents) à ce sujet. Le très berryiste député du Liban-Sud a également dénoncé le projet de décret approuvé au cours du dernier Conseil des ministres et fixant une nouvelle tarification pour les frais des communications locales et les liaisons Internet, invitant le gouvernement à reconsidérer cette décision, au regard du poids de la vie quotidienne dont souffrent les consommateurs.
Troisième sujet explosif à être abordé : l’éventualité d’une reconduction du mandat de certains ou de tous les membres du Conseil constitutionnel. Et c’est le tonitruant Nicolas Fattouche qui s’est inscrit avec virulence contre quelque reconduction que ce soit. « Nous devons respecter la Constitution, et toute velléité de reconduction équivaut à une violation de cette Constitution. La reconduction du Conseil constitutionnel est une récompense, mais une récompense de quoi ? C’est une récompense de la misère et de l’asservissement », assène le député de Zahlé. Qui s’était demandé quelques minutes plus tôt pour qui la Chambre légifère : « Pour des institutions qui ne respectent pas les lois que l’on crée ? Pour un responsable qui les viole à coups de communiqués ou de poursuites ? Chacune de nos lois nous échappe, et chacun les interprète comme il veut. La législation est en crise », souligne celui qui a conclu en « suppliant » le Premier ministre de « ne plus utiliser le mot “transparence” ». Fattouche à Hariri : « Que Dieu vous vienne en aide. » Hariri, dans un éclat de rire général : « Tu es un saint. » Fattouche : « Je suis un pécheur, mais ce que je dis est vrai. »
Sixième député à prendre la parole, Nehmetallah Abi-Nasr. Avec un très grand sens de la concision, de la lucidité et de la précision, il a estimé que les Libanais « ont perdu toute confiance en nous, et ils sont sur le point de ne plus nous respecter ». Le député de Jbeil s’est ensuite lancé dans une kyrielle de dénonciations : l’état plus que déplorable des routes et les insultes des citoyens qui vont crescendo ; les biens-fonds expropriés sans qu’aucune indemnité ne soit payée par l’État – « et cela est particulièrement anticonstitutionnel » – ; l’armée présente sur une grande partie du territoire libanais, et qui occupe « sans motif légal » écoles, terrains de jeux, couvents, waqfs, « et cela est tout aussi anticonstitutionnel » ; le chômage en hausse libre, proportionnel à la paupérisation et à la chute du pouvoir d’achat.
Et Nehmetallah Abi-Nasr condamne ensuite sans ambages les promesses non tenues : réforme de l’administration et arrêt de la corruption et du gaspillage ; loi électorale juste et évoluée, permettant une véritable représentativité ; décentralisation administrative et développementale moderne... « Le peuple n’en peut plus de promesses, il demande à voir un groupe de travail politique harmonieux, loin de la lutte pour le pouvoir, transparent, convaincu que le Liban est la patrie définitive de tous les Libanais et qu’un plan de sauvetage économico-politique est indispensable », conclut-il.

La passivité « exceptionnelle » des députés
Quant au député de Batroun, Boutros Harb, il commence par évoquer la présence « timide » des députés, en réalité leur passivité « exceptionnelle » à l’égard de ce qui se passe au Liban, comme dans le monde. Il dénonce ensuite la stérilité du gouvernement qui, au lieu de se réunir afin de trouver les solutions aux conflits entre ses membres, prend pour prétexte les voyages d’Émile Lahoud et de Rafic Hariri pour continuer à ne pas produire. « Notre système est malade parce qu’ils bloquent ses rouages, violent sa Constitution et ses lois, et parce que les fonctionnaires puissants ne cessent de porter atteinte aux institutions constitutionnelles, au Conseil des ministres, aux ministres qu’ils accusent de confessionnalisme », accuse l’un des ténors de l’opposition. Qui dénonce ensuite la justice à deux vitesses, qui fonctionne très bien lorsqu’elle est sollicitée par « des chefs de services de sécurité ou par des ministres », mais qui reste inféconde lorsque les intérêts de ces chefs ou de ces ministres « ne coïncident pas avec ceux du pays ». Boutros Harb s’attarde ensuite longuement sur les cancers en nette augmentation dans les cazas de Chekka et du Koura, à cause de la proportion trop élevée de dioxine rejetée par les usines qui y sont implantées. S’attirant, quelques heures plus tard, un communiqué signé de ses collègues nordistes Fayez Ghosn, Farid Makari et Sélim Saadé, qui répliquent que les projets de collecte des ordures et celui d’incinération de pneus visant à créer de l’électricité ne sont que pures idées, et elles n’ont pas été adoptées parce qu’elles nuisent à la santé des habitants.
Autres interventions : Abbas Hachem qui dénonce les violations répétées du nécessaire développement durable ; Anouar el-Khalil qui déplore l’état de l’autoroute Kfar-Remman-Nabatiyeh, ainsi que le non-paiement des salariés de l’hôpital gouvernemental de Marjeyoun, et qui évoque la situation ambiguë de l’aviation civile ; Sami el-Khatib qui axe son intervention sur la situation en Israël et dans les territoires palestiniens ; Ibrahim Bayan qui demande au gouvernement des explications sur la réduction du budget de l’Université libanaise ; idem pour Marwan Farès ; Ghassan Moukheiber qui se demande où peuvent bien être les plans d’une véritable politique étrangère au sujet, notamment, d’une « feuille de route » libanaise, et qui réaffirme la nécessité de rectifier les relations libano-syriennes sur les plans politique, économique et sécuritaire ; Nazem Khoury qui évoque la paralysie du Conseil des ministres et l’absence du Parlement ; Jamal Ismaïl qui souhaite que la proposition de créer un nouveau mohafazat pour le Akkar soit acceptée (d’ailleurs les contacts se sont, paraît-il, intensifiés en ce sens) ; Farid el-Khazen qui souligne que ce gouvernement se contente d’expédier les affaires courantes ; Georges Kassarji qui évoque, avec véhémence, le dossier assez sensible des carrières, ainsi que Wajih Baarini.

Ziyad MAKHOUL
Vingt députés se sont exprimés hier au cours de la première journée d’une session parlementaire qui, finalement, aura tenu ses promesses. C’est-à-dire que le consensus et la discipline ont été le maître mot des haririens et des lahoudiens qui ont évité de s’en prendre à ceux de l’autre camp ; c’est-à-dire aussi que les ténors de l’opposition n’ont pas failli...