Parallèlement, Beyrouth se sent très concerné par l’évolution du côté de la « feuille de route ». En effet, si les choses marchent bien et qu’un État palestinien est créé d’ici à 2005, il y aurait un début de solution au problème des réfugiés palestiniens installés au Liban. Le risque d’implantation deviendrait moindre. Ces déplacés auraient en effet le statut légal de ressortissants d’un État reconnu. Ils disposeraient d’un passeport leur permettant de gagner toute destination. Et s’ils décident de rester ici, ils seraient traités comme tout résident étranger. Bien évidemment, à ce moment-là, il ne serait plus question de laisser aux camps le privilège de l’extraterritorialité. On les désarmerait et ils tomberaient sous le contrôle des autorités locales. D’un autre côté, le succès de la « feuille de route » devrait entraîner des négociations syro-libano-israéliennes débouchant sans trop de difficultés sur la restitution du Golan à la Syrie et de Chebaa au Liban.
En revanche, si l’initiative du quartette devait déboucher sur un fiasco, il n’y aurait plus de limites au cycle de violences. Israël pourrait alors tenter d’appliquer son projet dit du transfert, c’est-à-dire de pousser la population de la Cisjordanie et de Gaza à l’exode. L’escalade se généraliserait et se traduirait, sans doute, par une recrudescence marquée de la résistance irakienne aux forces de la coalition. Tandis que les camps palestiniens au Liban se retrouveraient en ébullition. La libération des territoires occupés ne pourrait plus se faire par la voie diplomatique, mais par les armes. Avec le risque d’une guerre, d’une dure riposte israélienne rendue possible par l’absence d’un rempart international efficace. D’autant que l’Administration US va bientôt entrer en période électorale et n’aurait plus les mêmes moyens d’intervention ou de dissuasion que maintenant. Dans ce contexte, le candidat Bush aurait intérêt à marquer rapidement des points du côté de la « feuille de route » comme du côté de la stabilisation de l’Irak. Il doit au moins obtenir une trêve durable sur le terrain israélo-palestinien.
Tout peut arriver dans les mois à venir, sur le plan régional. Dès lors, souligne l’officiel cité, il faut renforcer la cohésion et l’unité du Liban, en commençant par les dirigeants, pour parer à toute éventualité. La gravité de la situation porte le vice-président du Conseil, Issam Farès, à rappeler que de multiples échéances intérieures et régionales attendent les Libanais. Qui font face à de sérieux problèmes socio-économiques, tandis que l’Administration bat de l’aile, qu’un climat de tensions confessionnelles divise le pays, que la dette publique s’accroît, que la justice est assoiffée d’indépendance. Il ajoute qu’il faut une réforme administrative autant qu’économique, qu’il ne faut plus négliger la diaspora libanaise dans le monde et que l’on doit adopter une loi électorale moderne. Sans compter la mise en chantier de l’abolition du confessionnalisme politique et la décentralisation. Quant à la « feuille de route », Farès souligne que tout dépend en définitive de la capacité d’Abou Mazen de contrôler le côté palestinien et de Sharon d’en faire de même pour les extrémistes israéliens.
Émile KHOURY
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