Qu’elle était verte ma vallée*

Enfants nappés, nimbés par une rêverie profonde. Issus de notre verte vallée, de la haute plaine féconde. Poètes et peintresses, princes et princesses, Saïd Akl, Fawzi Maalouf en premier, Martha Hraoui, Claire Chevolleau en secondes. Joyaux scintillant au soleil des arts.
Puis, dans le lointain prosaïque, le Nader, l’oiseau rare. Ralph de son prénom, a gardé le goût âpre d’une nature de champs, d’eau et d’arbres, traversée par les cieux antiques et les statues de marbre. De l’école en sandales poussiéreuses, en passant par la défense d’une auto moins dangereuse, à la présidence des écolos antimondialistes, cette galaxie sulfureuse. Ce septuagénaire, encore vert naturellement, veut toujours forcer les portes de la Maison-Blanche. Peut-être un peu trop étanches, d’autant qu’avec les démocrates il n’a plus les coudées franches.
N’empêche que cela reste un immense personnage. Il y a quelques années, il est revenu dans sa Békaa natale, en pèlerinage. On l’a regardé comme un Martien débarquant pour conclure un traité avec les humanoïdes. On l’a un peu promené dans la larme facile, les mezzés bien arrosés, les sites touristiques, les discours creux et vides. Personne n’a tenté, ni à cette précieuse occasion ni plus tard, de le sensibiliser sinon à la cause politique perdue d’un pays égaré, du moins aux durs problèmes de son environnement social d’origine, de son berceau rural déserté. Pas pour mendier, mais pour quémander son aide auprès des instances de soutien aux populations déshéritées. Bref, personne ne l’a branché sur un lobbying humanitaire.
Avec les Martiens pourtant, il ne faut pas rester terre à terre.
J.I.

* How Green Was My Valley, de John Ford, 1940.