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Vie politique - Déjà des interrogations sur l’éventuel après-Syrie Quel arbitrage, purement national, pour les matches entre responsables ?

Un constat d’abord : jamais les crises locales provoquées par les affrontements entre gens du pouvoir ne se dénouent sans une pressante intervention syrienne. Une question ensuite : qui pourrait bien arbitrer ces conflits, une fois que Damas aura retiré son épingle du jeu ?
Bien entendu, cette interrogation tourmentée perce surtout dans les cercles modérés amis de la détente. Qui regrettent, comme l’a fait le député Nazem el-Khoury lors d’une intervention télévisée, de constater qu’il n’existe pas de recours potentiel local.
Se référant à la théorie pure, certains professionnels suggèrent que l’on s’en remette à la Chambre pour régler les incidents qui peuvent opposer les deux têtes de l’Exécutif. Surtout lorsqu’il s’agit de démêler l’écheveau des textes constitutionnels, d’en éclaircir le sens pour dissiper des malentendus sur les prérogatives. On sait en effet que de multiples polémiques endémiques tournent autour de procédures comme la formation d’un gouvernement, l’élaboration d’un ordre du jour pour le Conseil, la convocation de cette instance à titre exceptionnel en l’absence du chef du gouvernement, le recours à l’urne pour trancher une question litigieuse, etc. Mais se rabattre sur la Chambre implique, tout d’abord, que l’on corrige les failles profondes du système, pour le démocratiser vraiment. Ainsi, le président Hoss relève en substance dans un article que la vie politique « est réfrénée, en l’absence de mécanismes de contrôle qui permettent de demander des comptes. Cela, estime-t-il, est dû à une loi électorale qui ne satisfait pas les objectifs requis. Ainsi qu’à l’argent politique qui a corrompu la société. Sans compter la marque dominante imprimée par des clivages sectaires qui font passer l’allégeance à la communauté avant la fidélité à l’État comme à la nation. »
Dès lors, pour que le Parlement puisse jouer un rôle utile de régulateur, il faut nécessairement une loi électorale équitable et équilibrée, assurant la saine représentation de toutes les composantes du pays. Pour que la Chambre puisse demander des comptes aux responsables, il faut que ses membres eux-mêmes en répondent à l’électorat. Or, actuellement, nombre d’entre eux s’en trouvent pratiquement dispensés, même si leur comportement laisse à désirer, parce qu’ils ont été parachutés. Ils ne doivent pas leur siège à un vote libre, mais au billet obtenu pour embarquer sur un bus relevant de parties influentes. Par suite de quoi, ces députés ne regardent pas trop ce que fait le pouvoir en place. Les responsables de l’Exécutif, de leur côté, ne surveillent pas suffisamment une Administration gangrenée par la corruption, par le népotisme partisan ou confessionnel. À tel point que si des bruits de scandale entourent un politicien, il se trouve à même de présenter la chose comme constituant une atteinte à la dignité de sa communauté !
D’autres pensent que pour prévenir les divergences entre les présidents, il faut réviser et préciser les articles de la Constitution qui les invitent à coopérer. Pour qu’il y ait cohabitation sans heurt et partenariat véritable.
Il faut donc ou bien s’entendre sur un arbitre local pour remplacer la Syrie qui assume actuellement ce rôle en vue d’assurer la stabilité de ce pays, quoi qu’il lui en coûte parfois. Ou bien amender les textes constitutionnels relatifs à l’accord entre les présidents. Cela afin que, dans chaque cas de figure, il n’y ait qu’un seul d’entre eux qui puisse décider. On pourrait également envisager d’adopter un système sinon présidentiel du moins semi-présidentiel. Pour qu’il n’y ait plus qu’une seule tête responsable, au double sens du terme puisque du même coup il lui faudrait accepter de rendre compte à la Chambre. On éviterait ainsi la paralysie provoquée, comme le souligne également le président Hoss, par la dichotomie à coloration confessionnelle.
Quant à se fier à l’urne pour trancher chaque litige, c’est là une solution peu rassurante. D’une part elle peut être source de forts ressentiments de la part du camp qui aurait perdu le vote. D’autre part cette perspective rendrait encore plus difficile la formation des gouvernements, chacun faisant des poings et des pieds pour s’y assurer la majorité. Certains estiment d’ailleurs à ce propos qu’il est nécessaire d’édicter un article constitutionnel donnant carte blanche au président du Conseil désigné pour composer son équipe comme il l’entend. Le président de la République pourrait, le cas échéant, exprimer des réserves, que la Chambre prendrait en compte, si elle le souhaite, lors du vote pour l’investiture du cabinet. Il reste, pour conclure, une évidence : sans le rôle-tampon joué par la Syrie, les crises politiques intérieures auraient gravement déchiré ce pays. Il n’empêche que cette pratique est anormale et qu’il faut un recours d’arbitrage purement national. Pour que la paix civile prenne tout son sens, qu’il y ait vraiment un État de droit et des institutions.

Émile KHOURY
Un constat d’abord : jamais les crises locales provoquées par les affrontements entre gens du pouvoir ne se dénouent sans une pressante intervention syrienne. Une question ensuite : qui pourrait bien arbitrer ces conflits, une fois que Damas aura retiré son épingle du jeu ?Bien entendu, cette interrogation tourmentée perce surtout dans les cercles modérés amis de la détente....