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FONCTION PUBLIQUE - Quand le répondant d’un directeur général est le régime Police et politique, les deux mamelles de la Sûreté

Farouk Abillama a été, lui aussi, directeur de la Sûreté générale. Cet homme de goût, brillant, a également été un diplomate de haut vol. Ce qui tend à prouver que la fonction ne fait pas l’homme. Dans ce sens qu’elle ne coule pas ses titulaires dans un moule identique. Encore qu’il existe, bien évidemment, des critères, des paramètres, des obligations communs pour tous.
Un cadre d’autant plus nécessaire, à la Sûreté, que c’est un service extrêmement singulier. Il est, de par la loi, le seul autorisé à traiter, en les liant au besoin, du contrôle de l’immigration, du contre-espionnage, de la surveillance des résidents étrangers comme des frontières. Mais aussi, et peut-être surtout, du baromètre politique du pays, de ses tensions et de toutes les manigances pouvant indisposer l’État en tant que tel. Cette dernière dimension, relativement occultée, car elle obéit naturellement à des règles efficientes de discrétion, explique bien des choses étranges à première vue. On comprend mieux ainsi pourquoi la direction de ce service est rarement confiée à un cadre sorti de ses propres rangs. En effet, la formation technique des éléments se trouve axée, dès le départ, sur des missions parapolicières ou administratives, genre guichet de passeports. Bien peu sont versés en sciences politiques. Et encore moins dans « l’expérience », qui est le principal capital dans ce domaine précis. Il faut donc, pour le poste de directeur, un homme ferme mais doté également d’une certaine tournure d’esprit politique. C’est pourquoi la sélection, qui exclut évidemment des politiciens professionnels qui seraient immédiatement récusés par leurs pairs, se fait le plus souvent parmi des diplomates ou des militaires de carrière venus du renseignement.
En fait, la Sûreté générale combine chez nous les attributions de la Sûreté générale, des renseignements généraux et de la DST qui servent l’État français. Pour une partie de sa tâche, elle relève effectivement du ministère de l’Intérieur, sous le chapiteau duquel elle se trouve administrativement placée. Mais pour la deuxième partie, concernant la politique locale ou ses recoupements avec des charnières sécuritaires comme l’espionnage et le terrorisme, elle est tenue d’en référer au pouvoir central. Elle informe donc, régulièrement, la haute autorité politique.
Et là, on constate combien Taëf et la Constitution qui en est issue restent imparfaits. L’autorité politique, ont-ils décrété, c’est désormais le Conseil des ministres. Imagine-t-on un seul instant le directeur de la SG en train de briefer trente ministres sur des secrets d’État ou d’alcôve ? Le voit-on, par exemple, évoquer des plans pour éradiquer des organisations déterminées devant des sympathisants présumés ? La simple logique veut que ce haut fonctionnaire, doté cependant d’un « bras séculier » qui en fait souvent un négociateur politique utile, ne s’adresse qu’à une seule personne. Par habitude, si l’on peut dire, il s’adresse au chef de l’État. C’est un peu normal, dans la mesure où le président de la République est le régulateur public par excellence. Mais cela peut se discuter à cause, redisons-le, du manque de clarté des textes, récemment relevé par Hoss: la Constitution donne au chef du gouvernement le titre de président du Conseil des ministres. Ce qui donne à penser qu’il résume l’autorité politique de référence. Mais la Constitution confie par ailleurs la présidence de ce même Conseil au chef de l’État, quand il participe aux séances, c’est-à-dire aux seuls moments où le Conseil existe. Il y a donc ambiguïté.
En pratique, pour ce qui est du directeur de la Sûreté générale, le problème ne se pose pas. Il est tacitement convenu que son répondant reste le régime en place, qui, d’ailleurs, le cas échéant, a veillé à sa nomination. De plus, il est bon de rappeler que lors du retour de Hariri, certains milieux ont affirmé qu’il y aurait une répartition des domaines réservés : le politique et le sécuritaire (la SG en somme) au chef de l’État ; l’économique et le diplomatique au président du Conseil.
Le problème commence lorsque d’aventure il y a de la friture sur la ligne entre le régime et la direction de la SG. On peut se demander si ce n’est pas le cas actuellement. D’abord, il est un peu étonnant qu’un communiqué public du ministère de l’Intérieur critique la Sûreté générale. C’est une initiative hors normes, en termes d’État. Non pas parce que la Sûreté dépend de l’Intérieur : elle en est autonome, redisons-le, pour toute la partie de sa mission qui n’est pas policière ou administrative. Mais parce qu’en principe les deux secteurs devraient graviter dans la même orbite politique. Du fait qu’Élias Murr appartient au premier cercle du régime et que Jamil Sayyed doit ses galons de général au président Lahoud. Qui, lorsqu’il était commandant en chef, avait tenu tête à ce sujet à Hariri. Or aujourd’hui, la SG se range aux côtés des haririens contre la NTV. Chaîne qui, à vrai dire, a vertement attaqué Sayyed. L’accusant, entre autres, de collusion avec Mikati, rival potentiel de Hariri, dans des arrangements à l’AIB. Tout cela après une rebuffade essuyée par la SG à la suite d’une décision de la « nouvelle majorité » ministérielle de lui refuser le recrutement de cinq cadres.
Naguère, Sayyed servait de trait d’union avec Joumblatt. Aujourd’hui, le leader du PSP n’est pas opposé au régime. Les choses changent. Ce qui confirme, répétons-le, que l’homme fait la fonction, qu’il en fait ce qu’il veut, et non l’inverse comme l’affirme l’adage. Une évidence pour conclure : sur ce nouveau front comme sur d’autres, il faudra un arbitrage des décideurs. Qui ont décidément bien du mal à faire régner l’harmonie au sein du camp qui leur est fidèle.
Jean ISSA
Farouk Abillama a été, lui aussi, directeur de la Sûreté générale. Cet homme de goût, brillant, a également été un diplomate de haut vol. Ce qui tend à prouver que la fonction ne fait pas l’homme. Dans ce sens qu’elle ne coule pas ses titulaires dans un moule identique. Encore qu’il existe, bien évidemment, des critères, des paramètres, des obligations communs pour...