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Communautés - Un formidable exemple d’objectivité et de démocratie Le synode patriarcal maronite : un événement aux résonances neuves

«L’Église maronite n’a jamais envisagé de se constituer en nation et de s’emparer d’un territoire qui lui appartiendrait exclusivement. » Grâce au synode patriarcal qui vient de se tenir, un pas important a été franchi par l’Église maronite pour se défendre de toute aspiration nationaliste qui a pu se manifester durant la guerre, et dont certains pourraient encore caresser le rêve, comme moyen de résoudre les difficultés auxquelles fait face la communauté maronite dans ses rapports avec les autres communautés libanaises.
Mais contrairement aux orientations du message du Carême du patriarche et de l’homélie de la messe d’ouverture, le communiqué a soigneusement évité de se référer à l’épisode de la guerre, en dépit de sa gravité. Dans le paragraphe consacré aux motivations de la tenue du synode patriarcal, il n’est nulle part question de la frénésie de mort qui s’est emparée d’une partie de la société libanaise, et donc des chrétiens.
Dans son homélie de clôture, le patriarche a fait allusion à une série de thèmes absents du communiqué final, en rapport notamment avec la bioéthique et la « guerre juste ». C’est donc peut-être faute de temps que le synode patriarcal n’a pas abordé le thème de la guerre libanaise, dans l’espoir d’y revenir durant la seconde session.
Car tôt ou tard, il faudra lever l’ambiguïté des droits politiques des chrétiens et de la confusion qui s’est créée dans les esprits entre la défense politique, pacifique de ces droits par l’Église, et leur défense par les partis et les milices, qui se sont superposées par moments jusqu’à se confondre, mais qui étaient et doivent demeurer distinctes, car ni leurs moyens ni leurs objectifs n’étaient les mêmes.
Ainsi, il faudra bien, un jour ou l’autre, vérifier si toutes les guerres dans lesquelles se sont impliqués des chrétiens ont été défensives, parler par exemple des razzias du port et du Koura, de la criminalisation de la guerre, des crimes contre l’humanité auxquels elle a pu donner lieu, de ces massacres à répétition qui ont fait, ou plutôt défait, le Liban sans parler des moissons de morts fauchés par les voitures piégées.
Il est certain qu’en se défendant de toute aspiration nationaliste, l’Église maronite a déblayé le terrain à une lecture critique de l’histoire de la guerre et, plus généralement, de l’histoire du Liban indépendant. Mais cette lecture doit se poursuivre pour démythifier la guerre et réaliser la véritable catharsis dont la communauté a besoin pour dépasser cette période de son histoire et entrer dans la nouveauté du dialogue avec le monde arabe. La génération de la guerre doit encore se penser et se repenser pour atteindre une conscience historique critique de ce qu’elle a vécu.
Cela dit, force est de souligner que, grâce au synode, les maronites sont en train de donner aux autres communautés libanaises un formidable exemple d’objectivité et de démocratie. La récapitulation de leur antique histoire aux oreilles des autres communautés devrait aider ces dernières à se repenser et à accepter la richesse de l’héritage proposé, sachant que l’exigence de liberté et d’égalité de ce concitoyen indomptable est telle qu’il préférera se laisser mourir ou partir, ce qui revient au même, plutôt que de se plier à la servitude d’une citoyenneté de seconde classe.
À tous égards, le synode patriarcal maronite est un événement neuf aux résonances neuves. L’un des rares de ces dernières années où l’on tourne en rond dans les cercles vicieux dont personne n’a l’énergie de sortir le pays, blocages institutionnels, présence militaire et tutelle politique syrienne, aveuglement et laisser-faire économique, corruption administrative, résistance sans horizons, hémorragie humaine.
Mais il y a plus. Car le véritable trésor des maronites, c’est l’« insondable richesse » du Christ, et si la hiérarchie de l’Église maronite « fait de la politique », c’est en prenant de la hauteur, avec infiniment de courage mais aussi de prudence, en prenant soin d’en faire une des formes de sa présence ecclésiale.
C’est du reste la raison pour laquelle les maronites doivent garder à l’esprit que c’est par le Christ qu’ils sont en contact les uns avec les autres, que c’est lui le trait d’union qui fait d’eux des frères. Malgré les nombreux autres liens qui peuvent les unir, rien ne doit remplacer cette conscience d’Église s’ils ne veulent pas verser dans le communautarisme.
Enfin, en tant que fils de Roi, les maronites doivent savoir que rien n’est jamais acquis une fois pour toutes, et que tout est préservé par grâce, moyennant un effort de conversion permanent et l’acceptation joyeuse des tribulations que le Très-Haut leur enverra dans Sa sagesse et Sa bonté. Ils doivent savoir en même temps que si la recherche de fonds pour les projets et les nouvelles structures n’est pas à négliger, mourir à soi ne coûte rien, et qu’une fois cette fondation posée, tout devient possible, et dans la joie.

Fady NOUN
«L’Église maronite n’a jamais envisagé de se constituer en nation et de s’emparer d’un territoire qui lui appartiendrait exclusivement. » Grâce au synode patriarcal qui vient de se tenir, un pas important a été franchi par l’Église maronite pour se défendre de toute aspiration nationaliste qui a pu se manifester durant la guerre, et dont certains pourraient encore...