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CONFÉRENCE - « Découvrez les capacités », séminaire pour une intégration dans la vie active Seulement 17 % des handicapés ont un emploi, malgré une loi moderne

Le droit au travail, ce n’est qu’en l’an 2000 que les handicapés du Liban l’ont obtenu, après de longues années de lutte et d’isolement. Une loi ultramoderne leur a accordé le droit non seulement de travailler mais aussi et surtout de faire partie intégrante de cette société qui les a trop longtemps ignorés. Trois ans plus tard, promesses et bonnes intentions semblent s’être évaporées, car la mise en application de cette loi est toujours hypothétique. Aujourd’hui, seuls 17 % des handicapés ont un emploi. C’est ce laxisme dans l’application de leurs droits qu’a dénoncé le séminaire « Découvrez les capacités », organisé à l’hôtel « Crown Plaza » par le Rotary Club de Beyrouth, le Rotaract Club de Beyrouth et l’Union libanaise des handicapés physiques.

Les chiffres foisonnent et se contredisent. On ne connaît pas vraiment le nombre de handicapés au Liban. Ils seraient 60 000, soit 1,5 % de la population, selon les chiffres de l’Administration centrale de la statistique, mais plus de 100 000 selon les estimations des Nations unies. Mais cette fois, ce n’est pas sur les chiffres que porte la polémique, plutôt sur la qualité. Une qualité de vie meilleure à laquelle ont droit les handicapés, et que la société s’entête à leur refuser, par ignorance, par préjugés, et ce malgré les lois en vigueur. La loi 220 ratifiée en l’an 2000 était pourtant le résultat d’une prise de conscience tant mondiale que nationale. Prise de conscience qui reconnaissait clairement aux handicapés le droit de mener une vie normale. « Il devenait urgent pour le Liban, pays qui se voulait de droit et où le handicap était devenu un problème de société depuis la guerre, de rétablir l’égalité entre ses fils », explique à ce propos l’avocat Marwan Sakr. C’est ainsi que les handicapés ont obtenu le droit à la santé, à l’éducation, au logement, à l’accès aux transports en commun, à vivre dans un environnement sain, mais aussi au travail. « Des droits, précise le consultant, qui leur permettaient alors non seulement de s’intégrer totalement dans la société mais aussi d’y acquérir l’indépendance à laquelle aspire toute personne. »

Des aménagements
très abordables
Trois ans après la ratification de cette loi, l’euphorie s’est dissipée. Pour les handicapés, rien n’a vraiment changé, seulement 17 % d’entre eux ont aujourd’hui un emploi. La loi qui impose aux entreprises privées et publiques de plus de 60 personnes un quota de 3 % de handicapés attend toujours d’être appliquée et les demandes d’emploi continuent de s’entasser dans les tiroirs des chefs d’entreprise et du Bureau national de l’emploi. Et pour cause, ici on craint leur manque de productivité, là on est convaincu de leur taux d’absentéisme élevé. De plus, engager un handicapé semble nécessiter un tel équipement ! « Et pourtant, explique Sylvana Lakkis, présidente de l’Union libanaise des handicapés physiques, il suffit parfois de si peu pour nous permettre l’accès à certains lieux. Car il n’est pas nécessaire de se lancer dans des dépenses mirobolantes, mais d’avoir un peu d’imagination pour aménager les espaces de travail en fonction des handicapés. »
Certes, les initiatives privées existent et se distinguent même par leur constante lutte en faveur des droits des handicapés. On note, par exemple, les sessions de formation informatique organisées par la Fondation Saradar à l’intention des handicapés ou les séminaires de sensibilisation et les campagnes d’éveil mis en place par le Rotaract Club de Beyrouth dans l’ensemble des écoles et universités libanaises, en collaboration avec l’ONG Save the Children et les organismes publics. Des initiatives qui ont non seulement aidé les handicapés à développer leurs talents et leurs capacités intellectuelles, afin de faciliter leur intégration, mais qui ont su prouver qu’ils pouvaient fournir un rendement équivalent à celui de toute personne « normale ».

Aussi productifs sinon plus
Aussi louables soient-elles, ces initiatives demeurent insuffisantes, car elles restent des actes isolés. « En effet, déplore Sylvana Lakkis, peu d’employeurs acceptent de donner, ne serait-ce que la moindre chance, aux personnes handicapées, même si la loi leur fait miroiter d’hypothétiques réductions d’impôts. » Il en résulte pour les handicapés, dont plus de 50 % n’ont pas été scolarisés, un taux de chômage double de celui de la population normale. « Un taux de chômage qui ne se répercute pas seulement sur les intéressés et leurs familles, mais aussi sur l’ensemble du pays », observe-t-elle, précisant à titre d’exemple qu’en Grande-Bretagne, le pouvoir d’achat des handicapés représente entre 45 et 50 % de celui de l’ensemble de la population.
Au cœur de cet isolement social que vit la majorité des handicapés, quelques parcours personnels émergent, prouvant à qui veut bien le constater que les handicapés, contrairement à ce que laissent croire les préjugés et les idées préconçues, sont capables, au même titre que les personnes normales, de réfléchir, de produire, de se surpasser et d’être des membres actifs de la société. Bassam Nakad, qui a eu la chance de travailler dans l’entreprise familale de fabrication de vin, a ainsi raconté son défi, prouvant qu’il pouvait produire au niveau professionnel autant qu’une personne normale et parfois même plus. De même, Omar Najem el-Dine a relaté son expérience professionnelle dans une banque et dans l’enseignement universitaire, précisant que son handicap ne l’a jamais empêché d’être productif et que personne ne s’est jamais plaint de son rendement. Encourager les entreprises privées à embaucher davantage de personnes handicapées, afin de diminuer le chômage, d’augmenter la productivité de la population, tout en donnant aux handicapés leurs droits essentiel : c’est sur une note pleine d’espoir que Pierre Kanaan, président du Rotary Club de Beyrouth, a clôturé le séminaire. Initiative certes très louable, mais qui nécessiterait davantage de maturité et de sensibilisation de l’ensemble d’une société encore trop prisonnière de ses préjugés.
Anne-Marie EL-HAGE
Le droit au travail, ce n’est qu’en l’an 2000 que les handicapés du Liban l’ont obtenu, après de longues années de lutte et d’isolement. Une loi ultramoderne leur a accordé le droit non seulement de travailler mais aussi et surtout de faire partie intégrante de cette société qui les a trop longtemps ignorés. Trois ans plus tard, promesses et bonnes intentions semblent...