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Actualités

Tout reste question de climat, de rapports de forces et de mentalités

En actes, le Conseil des ministres de mardi a produit des solutions des problèmes concrets. Des résultats largement favorables au camp lahoudiste. Ce qui était facilement prévisible : c’est pour faire basculer la majorité, anciennement haririenne, que l’on a changé de gouvernement. Mais la partie n’est pas terminée. S’il est sans doute vrai, il l’a d’ailleurs prouvé mardi, que Rafic Hariri tient à jouer le jeu constitutionnel avec fair-play, il n’est pas certain que les blocs d’intérêts qui l’entourent ne cherchent pas une quelconque revanche. Mais même sans cela, l’échéance de la présidentielle, qui conditionne en partie les législatives qui doivent suivre, semble un enjeu trop important pour qu’il n’y ait pas de nouveaux rounds. Et il n’est pas dit que dans ce cadre précis, le troisième homme, Nabih Berry, dont l’important groupe ministériel a pesé lourd mardi, reste aux côtés des lahoudistes. Ce sont les mentalités qui sont en cause. Vont-elles changer, en bien, du jour au lendemain ? Il faut le souhaiter, comme il faut espérer que le Conseil de mardi ne reste pas orphelin et soit suivi par beaucoup d’autres réalisations facilitant le redressement économique du pays.
Pour le moment, la trop forte impression laissée par les tensions interprésidentielles exacerbées n’est pas complètement dissipée. C’est que nulle part ailleurs un coup de fil entre deux dirigeants conscients de leurs responsabilités ne fait l’événement. Jamais, par exemple, Chirac et Jospin, que tout opposait, n’ont manqué de communiquer régulièrement entre eux quand le service d’État le leur imposait. Et dans les réunions internationales, ils parlaient d’une même voix coordonnée. Or ici, la simple mise au point de l’ordre du jour du Conseil des ministres, formalité qui devrait être routinière, a fait la une de tous les journaux, radiotélévisés ou écrits. Pour sortir de ce bourbier, nombre de fins tacticiens de la politique, pourtant habituellement friands de crocs-en-jambe variés, ont lancé de pressants appels à la raison, à la pondération. Ils soulignent tous, aujourd’hui autant qu’hier, car nul ne croit vraiment au lavage des cœurs, qu’il faut constamment mettre de côté les sentiments ou les ressentiments, et encore plus les considérations d’intérêts particuliers, pour ne servir que l’État, la patrie et le peuple. Abondant dans ce sens, des ministres invitent les dirigeants à ne s’autoriser aucun amalgame, ni entre les visées personnelles, électorales ou autres, ni entre les dossiers dont chacun doit être traité de manière tout à fait indépendante. À noter un détail en passant : les haririens soulignent volontiers, à l’instar de Siniora, que les tiraillements internes nuisent à la bonne santé économique du pays. Alors que leur chef de file affirmait, lors d’un récent dîner, que sur ce plan-là le pays se porte mieux que certains ne le prétendent. Il a précisé à ce propos que les contacts qu’il a entrepris avec les gouvernements ou les organisations internationales concernés par Paris II lui ont permis d’obtenir l’assurance que l’on fermera les yeux, pour un certain temps, sur le fait que le Liban n’a pas tenu ses engagements. Mais ce n’est là, bien évidemment, qu’un délai de grâce et si ce pays ne se hâte pas d’honorer ses promesses avant septembre, il risque de se voir retirer le tapis sous les pieds, de ne pas recevoir les fonds, les aides ou les moratoires espérés. Et il pourra dire adieu à Paris III. Il lui faut donc, on le sait, accomplir des réformes, mais aussi mettre en train les privatisations.
L’effort à produire se situe, essentiellement, au niveau des mentalités. Il est nécessaire, soulignent des ministres comme des députés, de se dégager du climat délétère de rapports de forces qui a régné trop longtemps sur la scène locale. Cela concerne en premier, naturellement, les présidents. Mais le mal s’étend à nombre de tentacules de la pieuvre politique, comme le prouvent les spectaculaires algarades, voire les scandales, entre responsables ou pôles de tous calibres, de toutes spécialités et de toutes régions. Ce qui met à mal la confiance, élément indispensable de stabilité et de redressement dans tous les domaines. Les affrontements continuels, en boucle, étonnent les diplomates en poste à Beyrouth, qui relèvent que le Liban a au moins deux bonnes raisons de s’unifier solidement, politiciens en tête : les dangers extérieurs et la récession. Il a besoin d’un État cohérent. Sans compter que dans les conditions actuelles, marquées par des pressions US, il paraît difficile de promouvoir la lutte contre l’implantation, qui reste l’un des rares points à cristalliser une unité de vues interne. Parallèlement, et enfin, le Liban, au lieu de se préparer à parer à toute éventualité au moment où l’on parle de changements régionaux, s’ouvre par sa désunion à tous les vents, à tous les orages,. comme si rien d’autre ne comptait que la présidentielle, qui n’a lieu que dans un an et demi. Et qui, d’ailleurs, reste tributaire tant de l’évolution régionale que des grands électeurs véritables. Qui sont tout, sauf libanais.

Philippe ABI-AKL
En actes, le Conseil des ministres de mardi a produit des solutions des problèmes concrets. Des résultats largement favorables au camp lahoudiste. Ce qui était facilement prévisible : c’est pour faire basculer la majorité, anciennement haririenne, que l’on a changé de gouvernement. Mais la partie n’est pas terminée. S’il est sans doute vrai, il l’a d’ailleurs prouvé...