Splendor in the Grass

Le valet de trèfle. Un domestique domestique, comme son nom l’indique. Il n’essuie pas le carreau, il n’a pas de cœur, il ne pique que dans la caisse. Son office à lui, son ministère parfois, est de cueillir à ras-le-sol, jusqu’à ras-le-bol, la chance. Ou plutôt la buona fortuna (!), comme disent mieux les Italiens. Au bridge, c’est le tout dernier des honneurs. Les honneurs, il est prêt à lécher des bottes pour en avoir des miettes. Pas toutes les bottes, seulement celles qui font un bruit de bottes. Il a en effet l’ouïe fine, et plein de resplendissantes qualités. Voleur, vénal, vendu, véreux comme Verrès, le modèle antique du vice en politique. Conspirateur de l’ombre comme Catilina, cet autre pourri, également dénoncé par Cicéron. Comme le Ganelon de la Chanson de Roland, il est traître aux siens, à leur juste cause, piétinée par des sarrasins assassins.
Bref, une mauvaise herbe splendide, vivace. Car le pire c’est que, comme l’on use en une partie plusieurs jeux de cartes, le valet de trèfle reste éminemment pluriel. Seul, ou avec ses clones, il prend à tout bout de champ le chemin, vicinal mais peu virginal, de Damas. Horresco referens pour saint Paul. D’autant qu’un valet n’a rien d’un pôle, qu’il vienne du Nord ou du Sud. Bientôt, peut-être aux premières neiges de blancheur et de blanchissage, cette route sera coupée.
Le valet de trèfle aussi, par un atout maître joué de l’Ouest lointain. Pour un moment, sans doute, l’air nous semblera plus pur. Mais comme nous sommes au pays du phénix renaissant de ses cendres et que le diabolique Iago a la vie dure, ce pantin putride multiple réapparaîtra.
Sans faute et sans peine. C’est bien normal. Pour le bien du mal. Et pour notre veine.
J.I.