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INTERVIEW - Le directeur régional du Pnue à Beyrouth pour la Journée de l’environnement « Les pays arabes ne peuvent plus se permettre d’ignorer les stratégies de gestion de l’eau »(photo)

Dynamique et souriant, Mahmoud Youssef Abdel Rahim, directeur du bureau régional d’Asie occidentale du Programme des Nations unies pour l’environnement (Pnue), ne ménage pas ses critiques aux pays arabes, et notamment au Liban, pour leur gestion des ressources hydrauliques. « Quand on est pauvre en eau, il est indispendable d’apprendre à économiser ses ressources », fait-il observer. Dans une interview accordée à L’Orient-Le Jour durant son séjour à Beyrouth, à l’occasion des célébrations de la Journée mondiale de l’environnement et des réunions du Conseil des ministres arabes de l’Environnement, M. Abdel Rahim évoque les questions épineuses de la dégradation écologique en Irak et en Palestine, les projets pilotes de lutte contre la désertification prévus dans les pays arabes, ainsi que l’évolution du rôle de son organisation.
Les carences en eau potable dans le monde ont constitué le thème principal de la Journée de l’environnement cette année. Quels projets prépare le Pnue dans ce domaine et quelle est son analyse de la situation ? « Il faut constater en premier lieu que ce sont les pays en développement, et non les pays industrialisés, qui souffrent des carences d’eau, indique M. Abdel Rahim. Notre région, surtout, est particulièrement pauvre en eau. Nos saisons de pluie ne sont pas régulières. Rares sont les fleuves qui prennent leur source et débouchent dans nos pays, surtout les plus importants comme le Nil et l’Euphrate. D’où le fait que nous ne maîtrisons pas suffisamment notre accès à l’eau. »
Malheureusement, les pays arabes n’ont pas seulement un problème de ressources. « Notre gestion de l’eau laisse à désirer, note-t-il. Notre secteur agricole emploie toujours 80 % des ressources. Après utilisation, l’eau est ensuite déversée sans traitement, gaspillée et transformée en source de pollution. Vu la rareté de l’eau, nous entreprenons de creuser des puits, surexploitant les réserves de l’avenir et provoquant des intrusions salines dans les nappes phréatiques. Nos techniques d’irrigation sont tout aussi problématiques : en raison de la sécheresse, nos agriculteurs ont tendance à immerger les terres. Outre le gaspillage que cela représente, la haute teneur en sel de l’eau provoque la dégradation du sol. »
Il est donc urgent, selon lui, que les pays arabes adoptent enfin une stratégie d’économie des ressources, comme le recommandent le Pnue et les autres organisations internationales. « Cela signifie, en premier lieu, qu’il faut opter pour des récoltes qui consomment moins d’eau, explique M. Abdel Rahim. Il est nécessaire également de recycler l’eau d’irrigation, et de consacrer l’eau potable à la consommation. Mais surtout, il faut entretenir les réseaux d’eau potable, parce que le gaspillage dû à la vétusté des canaux atteint quelquefois les 50 %. »
Il insiste sur le fait que « les barrages, notamment les grands, ne sont pas une solution à long terme, comme l’a prouvé l’expérience ». « Les barrages donnent naissance à des problèmes écologiques et économiques, vu qu’ils impliquent un déplacement de populations et un changement du cours des fleuves », poursuit-il.
Le Liban n’échappe pas à la règle de la mauvaise gestion des ressources. « Le Liban a besoin d’adopter une stratégie d’utilisation des ressources et de construction de stations d’épuration de l’eau usée, pas nécessairement coûteuses et compliquées, mais inspirées de certaines initiatives réussies entreprises dans des villages libanais », souligne M. Abdel Rahim.

Des percées en Palestine
Selon M. Abdel Rahim, les liens entre le Pnue et le Conseil des ministres arabes, dont le Liban fait partie, sont très étroits. Le Pnue projette de mettre à exécution un programme de lutte contre la désertification dans les pays arabes, par l’installation de sites pilotes dans chaque pays. Ce réseau de projets pilotes permettra la mise en place d’une expérience pratique, loin des simples études théoriques.
Le Conseil des ministres arabes de l’Environnement a, justement, soulevé deux questions essentielles au cours de ses dernières réunions à Beyrouth : la dégradation écologique en Irak après la guerre et la surexploitation des ressources palestiniennes par les Israéliens. Le Pnue a déjà préparé des études sur ces deux pays. Dans le cas de la Palestine, où les ministres arabes lui ont demandé d’intervenir, comment le Pnue peut-il jouer un rôle sans entrer en conflit avec l’une des deux parties, notamment Israël, accusée de pillage par les Arabes ?
« Lors de la dernière réunion des ministres de l’Environnement des pays membres du Pnue en Colombie, Israéliens et Palestiniens ont accepté pour la première fois l’idée d’une étude sur l’état de l’environnement dans les territoires palestiniens, raconte M. Abdel Rahim. Auparavant, nous nous heurtions toujours à un refus. Or nous ne pouvons intervenir sans l’accord des pays concernés, notamment quand il y a deux parties impliquées. Ainsi, le rapport a été mis au point, fondé sur des informations récoltées sur place. »
À la question de savoir si le rapport évoque la distribution inéquitable des ressources entre Palestiniens et Israéliens, comme l’affirment les premiers, il souligne que « le rôle du Pnue n’est pas de pointer un doigt accusateur contre telle ou telle partie, mais de mettre en relief la surexploitation des ressources et la dégradation écologique qui s’ensuit ». « Les mauvaises conditions sanitaires dans lesquelles vivent les Palestiniens sont évidentes », poursuit-il.
Les deux parties se sont-elles engagées à agir pour remédier à la situation ? « Nous en sommes actuellement à la deuxième étape, dit-il. Cette étape consiste à déterminer les régions les plus problématiques afin de préparer des plans d’action visant à améliorer les conditions de vie. Parallèlement, nous projetons de former un personnel spécialisé et de reconstruire les institutions détruites, afin que la société puisse fonctionner à nouveau. » Il précise que les pays arabes sont très coopératifs et promettent d’aider au financement de ce projet.
Pour ce qui concerne l’Irak, une première étude sur l’état de l’environnement a été interrompue par le déclenchement de la dernière guerre menée par les forces américano-britanniques. Elle n’est donc fondée que sur les quelques informations recueillies sur le terrain ou disponibles. Une seconde étude plus approfondie devrait être effectuée bientôt, en collaboration avec les autres agences présentes sur place.

Un bureau régional
au Liban ?
À signaler que le bureau régional d’Asie occidentale du Pnue est actuellement basé à Bahreïn. Le programme envisage-t-il de le transférer au Liban, après que la question a été soulevée lors du passage de son directeur exécutif, Klaus Toepfer ? « Avant la guerre, il était prévu que le bureau du Pnue se trouve au Liban, en contiguïté avec celui de l’Escwa, explique M. Abdel Rahim. Durant les événements, l’équipe a changé plusieurs fois de ville, avant de se stabiliser à Bahreïn. Aujourd’hui, la question de son retour à Beyrouth est de nouveau soulevée, sans avoir été tranchée. Ce que les pays arabes décideront, nous sommes prêts à le réaliser. » Mais ce qui est sûr, selon lui, c’est que les relations s’intensifient actuellement avec le Liban, et qu’il y aura dans ce pays une représentation dont le niveau n’a pas encore été décidé.
Quels sont les projets du Pnue au Liban ? « Nos projets revêtent généralement un caractère régional, explique M. Abdel Rahim. Notre programme n’est pas une agence de financement. Notre budget provient des crédits que les gouvernements sont prêts à débloquer à notre intention, d’où le fait que nos moyens dépendent du soutien des pays. Cependant, nous avons commencé à assumer un rôle plus actif sur le terrain. »
M. Abdel Rahim insiste sur la coopération fructueuse avec les différentes agences onusiennes. Interrogé sur d’éventuels chevauchements entre les actions de l’une et de l’autre, comme avec le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) par exemple, ou d’autres organisations, qui financent des projets à caractère écologique, il répond : « La protection de l’environnement touche de nombreux domaines, et aucune institution ne peut s’en occuper seule à tous les niveaux, l’ampleur de la tâche étant considérable. Bien au contraire, ce qui nous importe, c’est que les agences, tout comme les gouvernements, prennent en considération l’aspect environnemental dans le cadre de leur travail. Voilà pourquoi nous apprécions l’intérêt du Pnud ou d’autres agences pour les projets écologiques, surtout que le développement englobe de nombreux secteurs qui ne peuvent être approchés séparément. »
Y a-t-il toutefois une tendance à renforcer le rôle du Pnue ? « Cette tendance se confirme et ne fait que refléter l’intérêt croissant des gouvernements pour les questions environnementales », souligne-t-il.

Suzanne BAAKLINI
Dynamique et souriant, Mahmoud Youssef Abdel Rahim, directeur du bureau régional d’Asie occidentale du Programme des Nations unies pour l’environnement (Pnue), ne ménage pas ses critiques aux pays arabes, et notamment au Liban, pour leur gestion des ressources hydrauliques. « Quand on est pauvre en eau, il est indispendable d’apprendre à économiser ses ressources », fait-il...