Cette trêve est peut-être due en partie au fait que le Premier ministre Rafic Hariri est absent du pays et qu’il ne rentrera à Beyrouth que jeudi soir. La réunion hebdomadaire du Conseil des ministres étant donc ajournée d’office, l’avantage d’un tel report sera sans doute d’éviter une énième algarade opposant les deux présidents par ministres interposés.
Quoi qu’il en soit, selon des sources bien informées citées par notre chroniqueur politique Émile Khoury, M. Hariri « attache peu d’importance aux querelles internes ». En effet, « c’est l’évolution de la situation régionale qui compterait aujourd’hui à ses yeux, beaucoup plus que les développements sur la scène locale », ajoutent les mêmes sources.
D’ailleurs, interrogé hier, au Brésil, sur l’état de ses relations avec M. Lahoud, le chef du gouvernement a indiqué que « la situation n’est pas si grave » et que le problème réside simplement dans le fait que le président de la République et lui-même ont « des points de vue différents quant à la manière de gérer les affaires publiques ». De toute manière, il a réitéré une fois de plus sa volonté de ne pas se disputer avec le chef de l’État et de s’entendre avec lui. « Je crois d’ailleurs que les choses sont en voie de règlement », a-t-il déclaré.
Le député Boutros Harb estime en revanche que cette situation ne peut plus durer. De fait, il est évident à ses yeux que la seule solution est la démission immédiate de M. Hariri, étant donné l’incompatibilité totale de caractère entre les deux responsables.
L’ancien ministre de la Culture, Ghassan Salamé, va plus loin dans l’analyse du conflit qui les oppose. Dans un entretien à la Voix du Liban, il a indiqué que cette hostilité était due essentiellement au fait que les deux présidents ont deux conceptions et deux visions tout à fait différentes de l’État. Résultat : c’est l’institution du Conseil des ministres qui est paralysée. Le remède ? « Les membres du cabinet doivent s’entendre au moins sur deux choses pour aider les deux présidents à sortir de l’impasse : insister d’abord sur la tenue des réunions hebdomadaires du gouvernement et faire en sorte que les questions inscrites à l’ordre du jour soient approuvées, chacune séparément », a précisé M. Salamé.
Le ministre d’État, Assem Kanso, estime lui aussi que les ministres ont le devoir de « rapprocher les points de vue des deux présidents ». Par ailleurs, il refuse de considérer que le différend qui a opposé jeudi dernier les ministres Karim Pakradouni et Marwan Hamadé aurait en réalité opposé MM. Lahoud et Hariri. Il est persuadé, en effet, que les membres du cabinet appuient tous le président de la République et le Premier ministre. « Et si ce n’est pas le cas, nous n’avons plus qu’à rentrer chez nous », a-t-il ajouté.
La riposte de Cardahi
aux médias de Hariri
Concrètement, une crise chasse une autre. De fait, alors qu’un certain nombre de responsables tentaient hier encore de minimiser l’incident Pakradouni-Hamadé, c’est le ministre des Télécommunications, Jean-Louis Cardahi, qui a tiré à boulets rouges sur les médias de Rafic Hariri, qui l’ont notamment accusé d’empiéter sur les prérogatives du chef du gouvernement en réclamant un droit de regard des ministres sur l’élaboration de l’ordre du jour de la réunion du cabinet. Rappelons qu’en vertu de la Constitution, seul le président du Conseil a le droit d’établir l’ordre du jour du Conseil des ministres. Dans un entretien avec L’Orient-Le Jour, M. Cardahi s’est élevé contre cette interprétation étriquée des textes, en insistant sur le caractère collégial de l’institution exécutive. C’est ainsi qu’à ses yeux, si le chef du gouvernement a un certain nombre de pouvoirs, il a également des responsabilités à assumer : « Il doit demander l’opinion des ministres et en tenir compte », souligne M. Cardahi.
Ce dernier a en outre déploré le gel du dossier de la téléphonie mobile. Il a expliqué à ce propos que le contrat conclu avec la société Ericsson pour contrôler les rentrées des deux compagnies LibanCell et Cellis a été suspendu en attendant l’approbation de la Cour des comptes. « Or, proteste M. Cardahi, personne n’a demandé l’aval de cette même Cour quand il s’est agi de signer un contrat avec LibanCell et Cellis pour la gestion du réseau cellulaire. »
Quoi qu’il en soit, cette nouvelle polémique risque fort de démentir les prévisions optimistes du ministre Ghazi Aridi, selon lesquelles les Libanais peuvent espérer une trêve politique « durable ».
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