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Le modus operandi du Conseil des ministres au cœur du débat intérieur

Comment le Conseil des ministres doit-il fonctionner ? En éludant systématiquement les sujets litigieux ? Ou en les inscrivant à l’ordre du jour, pour tenter une décision à l’amiable ? Et, à défaut, pour trancher, comme le veut la Constitution, par voie de vote
Répondant au journal koweïtien al-Raï al-aam, le président Hariri indique que, pour sa part, il agit dans un cadre triangulaire : entretenir de bonnes relations avec le régime comme avec les Syriens, en veillant à défendre les prérogatives de sa fonction. Il estime que sur cette base tout devrait baigner dans l’huile.
Ce qui en laisse plus d’un sceptique. Car une question fuse immédiatement sur toutes les lèvres : comment le président du Conseil peut-il espérer concilier entre les rapports avec le chef de l’État et le plein exercice de ses pouvoirs constitutionnels, qui sont justement au centre de la polémique institutionnelle ? Cependant, selon le président Hariri, aucun doute n’est permis : les textes fondamentaux sont clairs. Et si chacun les applique de son côté, il n’y aurait pas de problème. Pour lui, c’est au chef du gouvernement que la Constitution octroie les droits suivants : convoquer le Conseil ; en établir l’ordre du jour ; se contenter d’en informer le chef de l’État. Sans même devoir en recueillir l’avis, et encore moins négocier avec lui les sujets à traiter. Quant au président de la République, la Constitution l’autorise à soulever devant le Conseil tout élément extérieur à l’ordre du jour, à condition qu’il soit revêtu du caractère d’urgence. Il peut également, quand il le juge nécessaire, et à titre exceptionnel, prendre l’initiative de convoquer le Conseil. Mais il lui faut, dans ce cas, impérativement, l’approbation du Premier ministre.
Or cette lecture de la Constitution se trouve contrée par la pratique courante. En effet, la présente République admet depuis toujours que l’ordre du jour est élaboré conjointement par la présidence de la République et par la présidence du Conseil. Cela, par mesure élémentaire de précaution, afin que nul sujet rejeté par l’une ou l’autre des deux têtes de l’Exécutif ne soit soumis au Conseil. Car, autrement, le président de la République, ou le président du Conseil, pourrait en exiger le report. Le chef de l’État ayant également, pour sa part, la possibilité de renvoyer un texte au Conseil, en exigeant qu’il revoie sa copie, en cas d’adoption d’une décision qu’il n’approuverait pas.
Autre point sur lequel la pratique contourne la Constitution ces dernières années : la prise de décision par vote. Le président Berry, tout comme Damas du reste, estime qu’il faut revenir à cette procédure. Le président Hariri répond qu’il est d’accord. Mais que rien ne garantit qu’en cas d’échec à la suite d’un vote, des parties déterminées ne demandent l’arrêt de ce recours à l’urne. Sans compter que le système heurterait les susceptibilités et aggraverait les tensions. Le précédent Cabinet, où la majorité était acquise au président Hariri, ne recourait pas au vote, pour ne pas trop défier le régime et provoquer une crise de pouvoir.
Aujourd’hui, pour préserver un climat minimal de cohabitation, l’ordre du jour doit continuer à être établi en coordination entre la présidence de la République et la présidence du Conseil. Cela signifie que des questions comme les expropriations, les nominations administratives, le mouvement diplomatique, la NTV ou le cellulaire vont rester gelées. Dans le même esprit de retenue, sinon d’apaisement, on ne peut rétablir le vote en Conseil des ministres sans accord préalable entre le chef de l’État et le Premier ministre.
En d’autres termes, et cela n’est pas nouveau, le principe du consensus prend le pas au Liban sur l’application de la Constitution au pied de la lettre. La pratique acquiert à la longue force de loi. Contrairement à ce qu’il souhaite, le président du Conseil ne peut exercer pleinement ses prérogatives sans se heurter au président de la République. Et inversement pourrait-on dire. Cet état de choses confirme, si besoin était, que ce pays est encore loin d’être institutionnellement évolué. Car dans les démocraties qui se respectent, la Constitution est absolument incontournable. Toujours est-il que, comme presque partout en Orient, le problème ici se pose au niveau des mentalités plutôt que des textes. C’est ce que des conciliateurs, des parlementaires notamment, ont bien compris. En s’efforçant de rapprocher au maximum les vues des dirigeants. pour que le pays vive sans crise majeure, durant cette dernière période du mandat présidentiel. Le prix probable à payer étant une paralysie partielle de l’État, le gouvernement ne faisant qu’expédier les affaires courantes, puisque les dossiers importants sont gelés d’office. Au titre de l’armistice tacite conclu entre les deux camps qui se partagent l’Exécutif.

Émile KHOURY
Comment le Conseil des ministres doit-il fonctionner ? En éludant systématiquement les sujets litigieux ? Ou en les inscrivant à l’ordre du jour, pour tenter une décision à l’amiable ? Et, à défaut, pour trancher, comme le veut la Constitution, par voie de vote Répondant au journal koweïtien al-Raï al-aam, le président Hariri indique que, pour sa part, il agit dans un...