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Actualités

Une « guerre préventive verte » pour sauver l’environnement

par Rafic HARIRI
président du Conseil des ministres

Ce texte du chef du gouvernement M. Rafic Hariri, rédigé à l’occasion des festivités de la Journée mondiale de l’environnement qui sera célébrée aujourd’hui à Beyrouth, a été publié par le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) aux côtés de messages similaires du secrétaire général de l’Onu, M. Kofi Annan, et du directeur exécutif du PNUE, M. Klaus Toepfer.

Accueillir à Beyrouth les festivités célébrant la Journée mondiale de l’environnement est un acte d’espoir en ces temps difficiles. Soucieux des problèmes écologiques, nous souhaitons adresser un message fort selon lequel nous ne nous contentons pas simplement de survivre mais aspirons plutôt à une meilleure qualité de vie. Des décennies de guerre ont détruit notre ville sans pour autant ébranler notre esprit. Contre toute attente, Beyrouth renaît de ses cendres. Elle se reconstruit en tant que métropole respectueuse de l’environnement.
Le Liban, terre des cèdres et jardin d’Orient, accueille à nouveau le monde. L’an dernier, le Sommet de la francophonie, le Sommet arabe et le Congrès mondial de l’Association internationale de la publicité (AIP) ainsi que d’autres manifestations à caractère universel et régional se sont tenus à Beyrouth. La célébration, en 2003, de la Journée mondiale de l’environnement à Beyrouth est un nouveau témoignage de cet esprit tourné vers l’avenir, jetant les bases d’aspirations ambitieuses où tous les horizons sont à portée de main.
Le troisième millénaire promet d’immenses percées technologiques et scientifiques qui ouvrent à l’humanité des horizons qui relevaient encore hier de la science-fiction. Cependant, les succès de l’exploration des secrets de l’univers ont été accompagnés d’effroyables dommages causés à notre petite planète bleue. En effet, ses ressources limitées s’épuisent alors que ses eaux, son air et son sol sont pollués. En quête d’une vie plus opulente, l’homme détruit les éléments de base, dont sa vie est tributaire. Toutefois, si dans la plupart des cas la dégradation de l’environnement résulte de projets de développement démesurés, ayant entraîné une surexploitation des ressources naturelles, elle découle, dans d’autres, de guerres dévastatrices. Le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) devrait jouer un rôle-clé dans l’identification et la recommandation de solutions éventuelles aux dangers que les conflits militaires font peser sur l’environnement. Nous rendons hommage à l’étude du PNUE sur l’environnement dans les territoires palestiniens occupés, publiée au début de cette année. Par ailleurs, nous soulignons l’urgente nécessité d’appuyer les efforts du PNUE destinés à évaluer les incidences écologiques de la guerre en Irak, en particulier la contamination provenant des armes contenant de l’uranium appauvri. Cette activité devrait aboutir à la mise en œuvre d’un vaste programme de dépollution couvrant tous les sites touchés.
Originaire d’une région qui tente de réaliser un développement durable, quoique sous la menace de la guerre et l’agression, je puis assurer qu’un règlement des conflits qui sauvegarde et respecte la dignité humaine et les droits nationaux est une condition préalable à tout développement durable. Il est particulièrement affligeant de constater que des milliards de dollars sont dépensés en armements et pour les guerres, au moment même où l’assistance internationale destinée au développement régresse.
La Journée mondiale de l’environnement est placée, cette année, sous le signe de l’eau qui, d’après le PNUE, fait défaut à deux milliards de personnes. Alors que le Forum mondial de l’eau tenu à Kyoto implorait désespérément que cent milliards de dollars soient alloués pour remédier à la situation mondiale des pauvres privés d’eau potable, une guerre, dont le budget a dépassé ce montant, était déclenchée. N’est-il pas grand temps de lancer une « guerre préventive verte » visant à sauver l’environnement mondial, muni du développement durable ?
Tout en aspirant à une paix juste, qui favoriserait la cause de l’environnement, nous soutenons l’appel visant à déclarer le Moyen-Orient une région exempte d’armes de destruction massive. Cet appel ne saurait être sérieux, que lorsqu’il sera appliqué, sur un pied d’égalité et non de sélectivité, à tous les pays.
Une infime partie des dépenses d’armements suffirait à éradiquer la pauvreté, les maladies et la malnutrition et à protéger l’environnement. Toujours est-il que l’assistance n’est pas à la mesure des besoins et les pays en développement se plaignent, à juste titre, du manquement des pays industrialisés à leurs engagements. Au cours de la dernière décennie, l’aide publique au développement a fléchi d’un tiers, ne représentant plus que 0,22 % du produit intérieur brut (PIB) des pays riches, au lieu d’atteindre le taux promis de 0,7 %. Si les pays en développement ne comptent pas adopter le modèle de développement des pays industrialisés, ce dernier ayant gravement porté atteinte à l’environnement, il n’en demeure pas moins qu’ils devraient être assistés afin d’adopter des modèles alternatifs de développement durable qui soient viables, ne risquant pas de nuire ni à leurs ressources nationales, ni à leur souveraineté.
Le développement durable devrait être approuvé comme un objectif en soi et non comme un point de négociation lors des débats sur la gouvernance et l’aide. Il ne faudrait aucunement que l’interprétation sélective de la bonne gouvernance soit utilisée par certains pays développés comme prétexte pour priver les pays pauvres de l’assistance nécessaire. Parallèlement, l’aide insuffisante provenant des pays riches ne devrait pas acquitter les pays en développement de l’obligation de parvenir à une bonne gouvernance et de lutter contre la corruption. Une bonne gouvernance, fondée sur les principes d’une gestion qualitative saine, est dans l’intérêt des pays en développement, abstraction faite des niveaux de l’aide extérieure, tout comme l’aide est un devoir moral qui incombe aux pays développés. Quoi qu’il en coûte, ceci demeure le moyen le moins coûteux de parvenir à une stabilité mondiale.
Permettez-moi de partager avec vous certaines expériences du Liban visant à intégrer l’environnement à la planification du développement. À l’instar d’autres pays, nous avons créé un ministère de l’Environnement, adopté des lois, ratifié d’importantes conventions internationales et coopéré avec les organismes internationaux pour mettre en œuvre divers projets relatifs à l’environnement. Le gouvernement a voté une loi sur la dépollution de l’air, entrepris un programme de reboisement à l’échelle nationale et introduit la gestion intégrée de l’environnement dans sa déclaration ministérielle. Notre société civile est devenue de plus en plus vibrante et active en matière d’environnement. Toutefois, au cours de la dernière décennie, la coopération internationale en matière de développement durable a été souvent caractérisée, en dépit de nombreux succès, par l’application de solutions toutes faites qui ont donné lieu à des projets conçus pour répondre davantage aux conditions et exigences des organismes donateurs et de la bureaucratie internationale, plutôt qu’aux besoins réels des communautés locales. La réponse à l’échec de la mondialisation à profiter aux pauvres n’est point l’isolationisme ; mais, au contraire, une intégration mondiale accrue, fondée sur une répartition juste et équitable des ressources, et ce, dans le cadre d’une gouvernance internationale décente, respectueuse de la diversité.
Un partenariat mondial, indispensable pour matérialiser le développement durable, exige un dialogue sérieux entre les civilisations, sur la base du respect mutuel et de la compréhension des différentes cultures. Nous ne saurons gagner « la guerre contre le terrorisme », si nous ne parvenons pas à réaliser une coexistence pacifique et à lutter résolument contre la pauvreté et l’injustice.
par Rafic HARIRIprésident du Conseil des ministresCe texte du chef du gouvernement M. Rafic Hariri, rédigé à l’occasion des festivités de la Journée mondiale de l’environnement qui sera célébrée aujourd’hui à Beyrouth, a été publié par le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) aux côtés de messages similaires du secrétaire général de...