Des dalles et des dates. Lundi 1er juin 1987, Rachid Karamé déchiqueté par une machine infernale. Même pas de commémoration. C’est peut-être mieux ainsi. Parce que pour les autres (16 mars, Kamal Joumblatt ; 14 septembre, Béchir Gémayel), on dévide chaque année un même discours, la main sur le cœur. On n’oubliera ni l’homme ni le rêve, et le lendemain c’est fait.
René Moawad, c’est différent. D’abord, sur le plan des symboles, on a choisi de l’abattre un 22 novembre. Pour enterrer l’indépendance avec lui. Ensuite, et surtout, la motivation n’était ni le règlement de comptes comme pour Joumblatt ni le rejet défensif comme pour Gémayel. Mais un programme politique déterminé. Basé sur ce système que tout le monde, y compris les loyalistes, désigne comme le Taëf détourné.
Autre chose, un détail presque : les assassins de nos leaders, et autres figures de proue comme le mufti Khaled, courent toujours. Alors que le meurtrier d’un boutiquier est généralement capturé sur l’heure. L’inégalité, dans ce domaine, ne joue donc pas en faveur des grands. Ce qui explique d’ailleurs en partie pourquoi les membres survivants de leur confrérie ont tendance à s’aplatir, la peur au ventre. Pour courir, ventre à terre, à Anjar ou plus loin encore. Ce mécanisme occulte d’intimidation sous-jacente, permanente, tient en place l’ordre établi. Au quotidien, la banalisation de l’épouvante se fait routine. On peut quand même s’étonner que même les souverainistes négligent aujourd’hui l’histoire tragique sur laquelle se fonde, au départ, l’aliénation présente. Et parlent de composer, sinon de pardonner. En oubliant le respect, élémentaire et survital, dû au sang de nos assassinés.
Jean ISSA
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