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SOCIÉTÉ - Une association qui veut aider les plus démunis et mobiliser les jeunes «Bassma», pour faire naître des sourires, là où il n’y a que larmes et misère(PHOTOS)

Dans ce pays où au moins deux mondes cohabitent sans se mélanger, Sandra Khlat, Sabine Karamé, Sally Ahdab, Marie-Noëlle Noujeim, Lana Najjear et Élie Moussa auraient pu rester dans leur bulle, ignorant la misère d’une partie de leurs concitoyens. Mais, armés de courage et surtout d’une grande détermination, ils ont préféré unir leurs efforts pour tenter d’aider les plus démunis. C’est ainsi qu’est née, il y a six mois, l’association «Bassma», qui veut faire naître des sourires là où il n’y a que de la peine et des larmes. Un pari sans doute ambitieux, mais qui commence déjà à porter ses fruits chez 15 familles, au moins, parmi les plus pauvres de Beyrouth.

Elles sont jeunes, pleines d’énergie et de dynamisme. Mais au lieu d’être pressées d’aller à la plage ou de feuilleter des revues de mode, elles passent leur temps libre à démarcher d’éventuels sponsors, habitées par un grand rêve: semer des sourires dans les cœurs des plus malheureux. En fait, c’est Sandra Khlat qui la première a eu l’idée de créer une association de bienfaisance. Désireuse de s’impliquer dans l’action humanitaire et révoltée par l’injustice qui l’entoure, cette jeune employée de banque, qui travaille dans le département de marketing de la SGBL, a décidé de fonder sa propre association. Elle a convaincu 5 jeunes, dont un seul homme, de se lancer dans l’aventure avec elle et c’est ainsi qu’est née, il y a six mois, «Bassma». L’association, qui attend encore son enregistrement auprès du ministère de l’Intérieur (ce dernier mène lentement son enquête pour s’assurer qu’il n’y a aucune velléité politique cachée), s’est très vite lancée dans l’action concrète, car il n’était pas question pour les six jeunes motivés de s’enliser dans les questions théoriques. Ils ont donc commencé par rechercher les familles les plus démunies autour d’elles, en menant leurs propres enquêtes, avec l’aide toutefois d’associations déjà actives sur le terrain. Et ils ont ainsi sélectionné une quinzaine de familles, pour essayer de répondre à une partie de leurs besoins.

Des visites mensuelles
aux familles pauvres
Les six membres fondateurs se sont entourés d’une quinzaine d’autres bénévoles, pour la plupart des étudiants, et ils se sont divisés en équipes de deux personnes, chaque équipe prenant en charge une ou deux familles.
L’idée à long terme est d’aider les plus démunis à devenir autonomes, en leur trouvant des moyens de subsistance, mais, avant d’en arriver là, il faut parer au plus pressé et le plus pressé, c’est de manger à sa faim, de faire face aux accidents d’urgence, de trouver un toit. Pour l’instant, c’est donc sur ces priorités que se concentre l’action de «Bassma».
Avec l’aide de la SGBL, qui a fourni un premier contact avec ses clients, les jeunes ont démarché certains distributeurs libanais qui ont commencé à leur donner, chaque mois, les stocks de produits alimentaires dont la date d’expiration approche. Au début, les jeunes transportaient dans leurs propres voitures des caisses pleines de bouteilles de lait, de boîtes de céréales, de sacs de riz et de sucre, et même des chocolats, pour les distribuer aux familles démunies. Mais les jeunes ont toujours tenu à constituer des paquets personnalisés: connaissant les familles, ils augmentent les chocolats et autres friandises lorsqu’il y a des enfants, veillent à ce qu’il n’y ait pas trop de produits sucrés là où il y a des diabétiques etc.

À la recherche
de nouveaux sponsors
Et, aujourd’hui, ils ont de telles quantités de produits qu’ils ont désormais un local fourni par la SGBL, pour y déposer les caisses, alors qu’ils louent un minibus pour la distribution mensuelle. Mais les besoins se font sans cesse plus importants et plus pressants, et «Bassma» est contrainte de trouver de nouveaux sponsors. C’est que l’objectif de la distribution mensuelle est de fournir à une famille de quatre personnes en moyenne des produits qui pourraient lui suffire pendant un mois, avec une nourriture relativement équilibrée. Naturellement, il est difficile de donner du pain pour un mois, même si la Wooden Bakery, qui fournit à «Bassma» l’essentiel de tout ce qui touche à la boulangerie, est particulièrement généreuse. Mais, pour founir plus souvent du pain frais, il faudrait aller plusieurs fois par mois chez les familles. Ce qui n’est pas possible pour le moment, vu le nombre limité des effectifs.
Bref, les jeunes s’arrangent autant qu’ils le peuvent, mais ils ont sans cesse le sentiment d’être impuissants, ou de ne pas faire assez, alors ils cherchent des moyens d’autofinancement pour pouvoir fournir une aide encore plus importante.
En six mois, «Bassma» a organisé une séance spéciale de cinéma, qui a rapporté près de 500 000 LL, une «Cake Sale», qui a permis aux jeunes talents culinaires de vendre leurs produits à des prix intéressants et les recettes ont été à l’association, un dîner collecte de fonds à l’hôtel Marriott et l’association a désormais un numéro de compte à la SGBL pour recevoir les dons individuels. (Compte numéro: 001004362226356013).
Les dons vont de dix à cent dollars et les jeunes sont émus par l’accueil positif que la société réserve à leur action. Lorsqu’ils organisent des activités pour les démunis, un déjeuner pour Noël, un spécial fête des mères, un panier d’œufs pour Pâques, une séance de théâtre culturel, etc. ils trouvent toujours quelqu’un pour les aider, leur faire un prix ou donner des cadeaux supplémentaires. D’ailleurs, un de leurs principaux objectifs est de mobiliser le maximum de personnes dans leur action, surtout les jeunes qui se sentent un peu perdus et désabusés. «Il faut les impliquer, leur donner une raison d’agir, un objectif», dit Sandra, qui croit fermement que son rêve n’est pas du tout utopique.

Une misère immense,
mais pas de découragement
Certes, elle a les larmes aux yeux lorsqu’elle évoque l’immense misère des familles qu’elle visite, avec ses camarades une fois par mois. «Nul ne peut imaginer dans quel taudis des gens peuvent vivre. À peine un petit espace, humide et laid, une mère malade, un père évaporé, un frère drogué qui amène sa copine et lui fait l’amour devant ses deux petites sœurs. Sans oublier les maladies, les harcèlements du propriétaire des lieux qui loue le taudis à 175 dollars par mois... Bref, c’est pire que dans les romans les plus noirs.» Mais rien ne saurait décourager les jeunes de «Bassma», qui se sont juré de rendre le sourire aux enfants qui croisent leur chemin.
C’est ainsi que les jeunes ont compris que donner des produits alimentaires ne suffit pas. Il faut soigner la mère, trouver du travail au frère et sortir les fillettes de ce milieu, en les inscrivant dans un pensionnat. Sabine, Sandra, Sally, Lana, Marie-Noëlle et Élie ont aussitôt mobilisé leurs connaissances et tout le monde est mis à contribution pour trouver des issues concrètes à ceux qui souffrent dans un monde devenu particulièrement égoïste. Et leurs petites victoires de chaque jour sont autant de sourires qui viennent les encourager à poursuivre leur action, coûte que coûte.
Face à l’étendue du travail qui reste à accomplir, «Bassma» s’est dotée d’un organigramme plus structuré, afin de pouvoir mieux organiser le travail. L’association s’est ainsi divisée en plusieurs commissions: une pour le budget, une pour l’assistance médicale, une autre pour organiser des événements ponctuels, une autre encore pour l’emploi, ou pour les contacts avec les autres associations, ou aussi pour le travail administratif. Bref, ce n’est plus de l’amateurisme et du seul enthousiasme, mais un travail sérieux, planifié, qui cherche réellement à mobiliser le maximum de jeunes et de moins jeunes dans une action concrète. «Mais, comme le dit Sabine, il n’est pas question de faire des familles démunies des groupes d’assistés. Nous voulons les aider à devenir autonomes, pour aller à la rechercher d’autres tout aussi démunies et faire chaque fois encore mieux et plus.»
Les membres de «Bassma» sont tout excités. Ils étudient le projet d’un propriétaire d’usine qui a proposé de leur fournir des machines à coudre et d’assurer la formation des femmes qui désireraient travailler dans ce domaine. Comme cela, elles pourront assurer des revenus tout en travaillant à la maison. En fait, c’est ce genre de projet qui fait le plus plaisir à «Bassma». Ce serait l’idéal d’aider les démunis à gagner leur vie et à retrouver leur dignité. Ce n’est plus un sourire, mais un véritable éclat de rire qui illumine les visages des membres de l’association. Le difficile pari est en train d’être gagné. Mais il y a encore tant à faire et «Bassma» a besoin de toutes les bonnes volontés pour que les quotidiens les plus sombres s’éclairent de sourires.

Scarlett HADDAD

L’association s’est dotée d’un site, pour tous ceux qui seraient intéressés à avoir plus d’informations: www.bassma.org
Dans ce pays où au moins deux mondes cohabitent sans se mélanger, Sandra Khlat, Sabine Karamé, Sally Ahdab, Marie-Noëlle Noujeim, Lana Najjear et Élie Moussa auraient pu rester dans leur bulle, ignorant la misère d’une partie de leurs concitoyens. Mais, armés de courage et surtout d’une grande détermination, ils ont préféré unir leurs efforts pour tenter d’aider les...