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Liban-Iran - Plus de 50 000 personnes venues de toutes les régions se sont rendues à la Cité sportive Les appels à la modération de Khatami noyés par le gigantisme du meeting organisé par le Hezbollah(photos)

Du Sud, de la Békaa, du Akkar et même des villages les plus reculés du Liban, ils sont venus par milliers, dans des bus affrétés par le Hezbollah et Amal, saluer le président de la République islamique d’Iran à la Cité sportive. Écrasés de chaleur, asphyxiés par l’odeur entêtante de la sueur, ils ne tenaient pas particulièrement à voir Mohammed Khatami, mais ils voulaient surtout répondre à l’appel des deux grands partis chiites qui rivalisaient de mobilisation, chacun voulant montrer qu’il est plus populaire que l’autre. Près de 50 000 personnes se sont ainsi pressées sur les gradins de la Cité Camille Chamoun et dans sa grande cour extérieure, mais bien peu d’entre elles ont écouté le discours d’une grande modération, pourtant prononcé en arabe, du président iranien. Un discours où chaque mot est pesé pour rappeler aux chiites du Liban que l’heure n’est plus à la guerre, mais à la recherche de la paix. Ce meeting devait être le clou de la visite de trois jours du président iranien à Beyrouth. Depuis des semaines, le Hezbollah et Amal s’y préparaient, voulant montrer aux Libanais, mais aussi au monde entier, leur puissance mobilisatrice. Un peu comme un pied de nez à tous ceux qui veulent croire à la fin du Hezbollah et du chiisme militant. L’organisation, qui se voulait grandiose, n’était pas simplement l’occasion d’un déploiement de force, il s’agissait aussi de permettre à la forme de cacher quelque peu le fond. Et le fond, ce sont les signaux de modération lancés depuis son arrivée à Beyrouth par le président iranien. Il y a d’abord eu les confidences murmurées par certains membres de la délégation qui accompagne le président et qui font état de la nécessité de ne pas fournir de prétextes aux Américains, puis la rencontre banalisée, dans la matinée d’hier, entre le secrétaire général du Hezbollah, sayyed Hassan Nasrallah, et le président Khatami. Nasrallah s’est rendu à l’hôtel Phoenicia où est descendu le président iranien, à la tête d’une importante délégation de son parti et il a été reçu comme tous les autres visiteurs du chef de l’État iranien. Comme s’il s’agissait de montrer que le Hezbollah n’est plus « l’enfant chéri de la République islamique ». Hommes et femmes ne se mélangent pas sur les gradins Malgré ces éléments, Nasrallah tenait à son meeting, surtout pour relever le moral de ses troupes et montrer de quoi son parti était capable. Amal s’est greffé sur le projet et ce fut la marée noire de la Cité sportive. Dès 13h, sous les rayons d’un soleil mortel, les bus ont commencé à arriver sur les lieux. Des places étaient réservées pour chaque région du Liban : le Sud, la Békaa, le Nord, la banlieue sud. Certains autobus appartenaient même à la chaîne Chamtour et étaient climatisés, pour transporter les chiites de Syrie. Si la sécurité était confiée aux soldats de la « moukafaha » et aux FSI, toute l’organisation était aux mains des commandos du Hezbollah, vêtus de noir comme à l’accoutumée. Une entrée pour les « sœurs » et une autre pour les hommes, les gradins étaient strictement séparés pour éviter des mélanges douteux. Du côté des femmes, des enfants brandissant des drapeaux iraniens en nylon couraient dans tous les sens, s’agrippant à toutes les jupes et se demandant pourquoi on tardait à leur donner à boire. C’est que le Hezbollah avait été généreux, distribuant des jus à tout le monde. Ce qui n’a d’ailleurs pas empêché les vagues humaines de se précipiter à la sortie du meeting vers le Monoprix tout proche et toujours ouvert pour acheter boissons et friandises, mettant à bout les nerfs des caissiers. Ce meeting était en fait éprouvant pour tout le monde et surtout pour le service d’ordre, sans cesse contraint de repousser le flot humain, dégoulinant de sueur, mais insistant pour avancer sans trop savoir vers quoi. Le spectacle méritait pourtant d’être vu. Sur la pelouse où se déroulent généralement les compétitions sportives et où Luciano Pavarotti a chanté, accompagnées par les prières du muezzin, les équipes spéciales du Hezbollah ont défilé, drapeau en main, mais sans armes, dans un ordre parfait. Des chants militaires et nationalistes accompagnaient les mouvements, destinés à accueillir en grande pompe le chef de l’État iranien. Joumblatt, un homme dans la foule Accompagné des officiels libanais – le ministre de l’Information, M. Michel Samaha, représentant le président Émile Lahoud, le ministre Ayoub Homayed représentant le président Berry et le ministre Fouad Siniora représentant le président Hariri – ainsi que du secrétaire général du Hezbollah, sayyed Hassan Nasrallah, le président Khatami a fait le tour de la pelouse dans une jeep découverte, dans le style du pape Jean-Paul II et de sa papamobile, dans la grande place du centre-ville, en 1997. La foule – à laquelle Walid Joumblatt, accompagné de son fils, du ministre Farhat et du député Boustany, s’était mêlé le plus simplement du monde – a toutefois été maintenue à distance, même si elle semblait littéralement prise d’hystérie, brandissant frénétiquement les drapeaux de plastique ou les poings vengeurs et criant « Allah Akbar ». Emporté par cet enthousiasme, l’orateur s’est empêtré dans ses propos, affublant le président Khatami du prénom de Ali, sans susciter le moindre commentaire. Il a ensuite appelé la foule à chanter l’hymne « Mort à Israël », un pur produit des paroliers et musiciens du Hezbollah. Le président de la municipalité de Beyrouth, M. Mohammed Ariss, a ensuite pris la parole, au nom des habitants de la capitale, bien que la Cité sportive relève de la municipalité de Ghobeyri, actuellement aux mains du Hezbollah et, enfin, ce fut le tour du président Khatami, qui a tenu à parler en arabe, pour bien se faire comprendre de tous les présents. Pourtant la foule était bien plus occupée à trouver un petit bout de gradin pour s’asseoir ou une bouteille d’eau pour se rafraîchir qu’à écouter un discours tout empreint de modération. D’ailleurs, selon des sources proches de la délégation iranienne, de nombreuses personnalités avaient conseillé au président Khatami de reporter son voyage au Liban, afin qu’il n’ait pas à donner une opinion dans une étape aussi cruciale. Mais il aurait tenu à venir à Beyrouth, dans ces circonstances, pour justement délivrer aux responsables, mais aussi aux milliers de chiites venus l’accueillir à la Cité sportive, son message de paix. Khatami a donc bien salué la résistance libanaise, un peu comme on rend hommage à une grande figure disparue, mais il a surtout déclaré son opposition « à toute escalade au Moyen-Orient et à tout ce qui serait cause d’instabilité dans cette région ». Appui au Liban dans toutes ses composantes Le président iranien a certes insisté sur la nécessité d’aboutir à une paix basée sur la justice, mais il a aussi mis en garde contre la détermination d’Israël à réaliser ses ambitions historiques après l’installation des forces américaines en Irak. « Nous savons parfaitement qu’on ne doit pas donner à Israël l’occasion de saisir de nouveaux prétextes d’embrigader les forces américaines au service de ses propres objectifs. Il faut créer un environnement où les agresseurs ne peuvent pas réussir. » M. Khatami a dénoncé la violence et le terrorisme exercés au nom de la religion pour s’opposer à la liberté et au progrès. Il a toutefois précisé que cela ne voulait en aucun cas dire « la capitulation ou l’abandon de nos principes ». Il s’agissait d’ailleurs là d’une réponse indirecte au discours de l’ayatollah Khaménéi retransmis hier par les médias et affirmant que tout dialogue avec les Américains est une trahison. Essayant d’expliquer que ses appels à la modération ne sont nullement une adhésion aux thèses américaines, le président iranien a émis l’espoir que « Washington quitte le plus rapidement possible l’Irak blessé. Nous mettons en garde l’Administration américaine contre la tentation de susciter, après l’Irak, de nouvelles crises dans la région et dans le monde ». Il a aussi insisté sur le fait que l’Iran déploie « tous les efforts possibles pour créer une région sûre, loin de toute répression et de toute agression ». Il a aussi déclaré que l’Iran « ne souhaite pas participer à l’escalade de la tension dans la région ou s’impliquer dans des événements qui ébranleraient sa stabilité ». « Nous sommes déterminés à progresser vers la paix et la stabilité aussi bien à l’intérieur de l’Iran que dans la région et dans le monde », a-t-il ajouté. Enfin, et pour bien confirmer la nouvelle approche de la République islamique, le président iranien a précisé que son pays appuie le Liban, dans toutes ses communautés et ses composantes. Car, pour lui, ce pays est un exemple de coexistence, avec ses 19 communautés. Il s’est déclaré confiant dans la capacité du Liban à trouver un équilibre et à instituer ses propres dialogues religieux, économique, politique et culturel, et il a affirmé que Téhéran respectera toutes les décisions prises par les dirigeants libanais, surtout dans les nouvelles circonstances que traverse la région. Désengagement donc envers le Hezbollah, appui à l’État et appel à éviter de fournir des prétextes à une agression américaine ou israélienne, il a fallu beaucoup de courage au président iranien pour tenir un tel discours en arabe devant les milliers de chiites qui attendaient des propos plus enflammés. Mais la chaleur et la fatigue aidant, bien peu ont saisi l’essentiel du message, pressés de trouver le bus qui les a amenés sur place afin de pouvoir rentrer chez eux, un drapeau en nylon pour seul souvenir de cet après-midi mémorable. Scarlett HADDAD Les ligues chrétiennes saluent en Khatami « un apôtre de l’amour » Réunie sous la présidence de Harès Chéhab, président de la Ligue maronite, la fédération des Ligues chrétiennes libanaises a salué hier la visite au Liban du président iranien Mohammed Khatami, « apôtre d’amour, de pensée et de science, de culture et de dialogue ». La fédération des Ligues chrétiennes a en outre rendu hommage à la récente prise de position du patriarche Sfeir qui, dans un entretien accordé à l’agence AFP, « a refusé tout pari sur l’étranger ». « Tout changement vers le mieux exige que nous changions la façon que nous, Libanais, avons de traiter les uns avec les autres », ont affirmé les Ligues chrétiennes. Enfin, ces Ligues ont condamné les « incidents portant atteinte à la sécurité, de quelque côté qu’ils viennent et quelle que soit la partie visée », en allusion à l’agression contre un pasteur évangélique installé à Tripoli.
Du Sud, de la Békaa, du Akkar et même des villages les plus reculés du Liban, ils sont venus par milliers, dans des bus affrétés par le Hezbollah et Amal, saluer le président de la République islamique d’Iran à la Cité sportive. Écrasés de chaleur, asphyxiés par l’odeur entêtante de la sueur, ils ne tenaient pas particulièrement à voir Mohammed Khatami, mais ils...